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Argent et politique, un mariage pour le pire

Argent et politique, un mariage pour le pire

« Pour lutter contre la corruption, il faut d’abord être propre. » Cette sentence, entre autres déclarations fracassantes, prononcée mardi par Hamel a sans doute valu au désormais ex-directeur général de la Sûreté nationale un limogeage brutal après huit ans de bons et loyaux services à la tête de la police et une carrière longue de 37 ans au sein de la gendarmerie.

Le sujet est sensible car la partie, ou les parties visées, ne peut se trouver que dans la catégorie des institutions concernées directement ou indirectement par la lutte contre la corruption. Un phénomène qui gangrène l’Algérie.

Le remplacement de Hamel n’est sans doute qu’un acte du feuilleton qu’est en train de devenir cette affaire de cocaïne saisie à Oran et qui devrait sans doute se solder par d’autres révélations retentissantes, et peut-être d’autres limogeages et même une redistribution des cartes.

On n’en est pas encore là, mais d’expérience, on sait maintenant qu’à chaque fois que les lignes ont bougé – ou qu’on a tenté de les faire bouger – dans le microcosme politique algérien, c’est subséquemment à une grosse affaire de sous.

Argent et politique ne se sont jamais aussi bien mariés que dans l’Algérie de ces dernières années. Au moins depuis l’ouverture du commerce extérieur et, surtout, depuis l’explosion de la commande publique à la faveur de l’embellie financière induite par la hausse des prix du pétrole au début des années 2000.

Les marchés publics, les quotas d’importation ou la répartition des créneaux notamment pour les activités réglementées, sont devenus depuis l’un des régulateurs, sinon le seul, des équilibres entre les différentes factions du système, même à l’échelle locale. L’irruption de l’argent dans la politique était dès lors inévitable et nul ne semble aujourd’hui en mesure d’y mettre le holà.

La vie nationale est rythmée par des scandales financiers et, à chaque fois, la partie épinglée crie au règlement de compte politique, le plus souvent dans l’optique d’une échéance électorale charnière. Il en fut ainsi lors de l’affaire Khalifa en 2003 puis les scandales Sonatrach en 2013, pour ne citer que les affaires les plus en vue. Et gageons que nous entendrons bientôt les mêmes jérémiades à l’issue de cette affaire de cocaïne dont on ne connait que peu des tenants et aboutissants.

Et quand la crise semble à tout point de vue politique, on croit toujours déceler une envie de préserver de gros intérêts financiers. Dans ce registre aussi, les exemples ne manquent pas et le plus notable reste l’éviction toujours mystérieuse de Abdelmadjid Teboune du poste de Premier ministre en août 2017 après seulement trois mois d’exercice.

Mais à l’époque, il n’avait échappé à personne que la disgrâce de Tebboune survenait curieusement quelques jours seulement après s’en être pris publiquement à un homme d’affaires des plus influents, Ali Haddad pour ne pas le nommer.

Mêmes les remaniements ministériels et les décisions économiques phares sont rarement interprétés, comme ils devraient l’être, comme le signe d’un changement de cap dans la politique gouvernementale, mais le plus souvent comme une redistribution des cartes à venir.

L’opinion publique exagère-t-elle en sentant l’odeur de l’argent dans tout ce qu’entreprennent les autorités politiques ? Sans doute pas, puisque ce sont ces mêmes autorités, à des niveaux parfois très élevés de responsabilité, qui, les premières, ont mis le doigt sur la plaie. Ahmed Ouyahia, Abdelmadjid Teboune et plus récemment le ministre de la Justice Tayeb Louh ont mis en garde contre les dangers de mêler politique et argent.

Quand une déclaration publique et solennelle d’un chef de gouvernement ou d’un Garde des Sceaux n’est jamais suivie d’effet et reste au stade de la profession de foi, il n’est pas erroné de déduire que la question les dépasse, qu’ils n’y peuvent rien.

Le mal a tellement gangréné la politique et le pays entier que, tenter de l’extirper aujourd’hui, c’est prendre le risque de secouer l’équilibre du système.

Même dans les assemblées élues, locales ou nationales, on a entendu dire qu’alliances et adoubements se font au nom de l’argent roi, d’où les très nombreux cas de « transhumance politique », parfois d’un extrême à l’autre, au gré des intérêts à acquérir ou à sauvegarder.

Lors des dernières élections législatives (mai 2017), certains responsables de partis auraient même été pris la main dans sac, au propre plus qu’au figuré, hélas sans suite.

L’influence de l’argent sur la politique a atteint un tel stade de banalisation que même les officiels ne tentent plus de la démentir, quand bien même elle grèverait l’économie du pays et mettrait en péril son devenir.

Quand le gouvernement ne fournit aucune explication raisonnable aux multiples réajustements de la liste des constructeurs automobiles agréés, ou encore au blocage des projets pourtant créateurs de richesses et d’emplois du premier groupe privé national, on est tenté de dire que ce mariage pour le pire est assumé.

Aussi, le corollaire de cette incursion du business dans la politique et des situations de non-droit qu’elle crée, c’est la corruption qui, elle-même a donné naissance à un autre phénomène, le blanchiment d’argent.

Un exercice loin d’être à risque ou compliqué puisque dans la jungle de l’immobilier, aucune autorité n’est regardante sur l’origine des fonds qui servent à acquérir ou ériger tours et immeubles dans les quartiers huppés des grandes villes, comme nous le rappelle cette affaire Kamel El Bouchi, à travers laquelle on apprend aussi que même le produit du trafic de drogue finit maintenant dans ce réceptacle, avec la complicité de fonctionnaires censés veiller au respect de la loi.

Il ne serait d’ailleurs pas impossible que l’argent amassé par les groupes terroristes dans les maquis dans les années 1990 ait été blanchi par le biais du même procédé. L’écheveau est plus que jamais inextricable.

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