Politique

Au sommet de l’État, la « bande » dénoncée par Gaid Salah est hors d’inquiétude

Quand le général Gaid Salah a décidé d’en finir avec Bouteflika, il n’a pas retenu ses coups. Derrière le communiqué diffusé après la dernière réunion de commandement de l’armée, on voyait presque une colonne de chars se diriger vers la résidence de Zeralda, repaire d’une « bande » de comploteurs déterminés à poursuivre le pillage du pays. Le texte publié après le conclave des Tagarins résonnait du ton de la canonnade et non d’une douce voix de supplique.

« Je ne saurai me taire aujourd’hui sur les complots et les conspirations abjectes fomentés par une bande qui a fait de la fraude, de la malversation et de duplicité sa vocation », a observé le général.

À ce niveau de responsabilités et face à la terre entière qui observe ce magnifique populaire depuis le 22 février, on n’ose pas imaginer que les mots n’ont pas été disséqués, pesés et soupesés avant d’être expédiés sous forme de missile. La veille de cette attaque frontale, l’opinion publique a préparée par les médias acquis alertant sur la circulation de documents officiels inquiétants portant le sceau de la « bande ».

« Je suis avec le peuple… »

Le diagnostic a été assorti d’un engagement. « Je suis avec le peuple et à ses côtés pour le meilleur et pour le pire comme je le fis par le passé et je m’engage devant Allah, la patrie et le peuple que je n’épargnerai aucun effort à cette fin quoi qu’il m’en coûte », a promis Gaid Salah à qui l’on a découvert des envolées populaires qu’on ne lui connaissait pas.

Le diagnostic établi appelait une thérapie dans le seul cadre du code pénal, avait-on présumé. En droit, lorsqu’une « bande » est identifiée, repérée et signalée la seule démarche à suivre est de la « neutraliser » en la mettant hors d’état de nuire et de s’attaquer ensuite et rapidement à ses complices et à ses réseaux pour parer aux éventuelles fuites ou destruction de preuves.

Le cas précis décrit par le chef de l’état-major ne présente pas une bande de malfrats mais contient des circonstances aggravantes puisqu’il parle de « complot » et de « conspirations abjectes » contre l’armée, le peuple et l’État. Autrement dit, d’accords secrets pour se maintenir au pouvoir contre la légalité et la volonté du peuple et avec la complicité de forces occultes. Pour rester dans le champ lexical choisi par le général, on peut dire que son tir s’est traduit par la reddition du chef de bande puisque le président visé s’est rendu à la raison et a signé sa reddition.

À quoi assistons-nous depuis ? Les proches du chef de l’État déchu ne sont pas inquiétés. Notamment le frère et conseiller spécial désigné implicitement comme le vrai chef de la bande, soupçonné d’avoir confisqué le pouvoir et de décider à la place du président légitime. Les informations sur une assignation à résidence de Saïd Bouteflika ont été démenties. S’il n’a pas été vu en public, notamment dans cette villa du chemin Macklay dont l’existence a été révélée sur les réseaux sociaux, il semble se trouver auprès de son frère malade. Nacer Bouteflika, de son côté a mis en scène son retour à son bureau au ministère de la Formation professionnelle.

Distraire l’opinion publique

Des Interdictions de sortie du territoire national ont été décidées par la justice, visant une douzaine de « personnalités ». Des procédures sont annoncées sur de nombreux dossiers. Mais la communication sur ce sujet semble vouloir créer des abcès de fixation pour distraire l’opinion publique et lui faire perdre de vue l’objectif de la Révolution du sourire : qu’ils dégagent tous.

Pour l’instant, seule l’arrestation de l’homme d’affaires Ali Haddad, présumé membre du premier cercle présidentiel, est avérée. L’ex-président du FCE est sous mandat de dépôt. Mais son interpellation soulève de nombreuses questions sur ses circonstances précises. En tout cas, il semble avoir été profilé puis préparé à jouer ce rôle de bouc-émissaire après avoir joui sans retenue des délices du pouvoir. Il n’y aura que ses proches pour le pleurer. Comme ce fut le cas pour Moumène Khalifa, tombé dans les abysses de la déchéance, après avoir été le flambeau attirant tous les papillons.

Quand le vice-ministre de la Défense évoque la réouverture d’anciens dossiers de corruption il ne craint pas de sortir de son rôle. Son message est à plusieurs sens : brandir la menace contre ceux impliqués dans les dossiers évoqués au cas où ils ne se rangeraient pas sur ses thèses. Mais aussi détourner les regards fixés sur la « bande ». Cela dessine en creux un accord entre les deux parties tenues par un « contrat de fidélité » au président Bouteflika que le général s’était engagé à tenir jusqu’à la mort.

Est-ce le même accord qui maintient dans la tranquillité tout le personnel politique promu à l’ère sous le parapluie du « bouteflikisme » ? En tout cas, la transition voulu par le chef de l’état-major est prévue avec les proches que l’ancien président a mis en place comme des mines destinés à le protéger. Et ceux qui ne sont pas en poste ne semblent pas inquiétés. Visé par une rumeur de fuite, Tayeb Louh a aussi mis en scène son retour au siège du FLN à Alger. Ahmed Ouyahia n’exclut pas de se présenter à l’élection présidentielle et Djamel Ould Abbes veut reprendre la direction du FLN. La liste des provocations est longue.

Le peuple auquel le général a promis de rester à ses côtés « pour le meilleur et pour le pire » a eu pour l’instant des picotements aux yeux. La répression de la manifestation hier à Alger indique un durcissement de la méthode conforté par le communiqué aux accents alarmistes de la DGSN. A ce rythme, les manifestants risquent d’aller en prison plus vite que les comploteurs de la bande.

Les plus lus