Économie

Automobile : grave pénurie de pièces de rechange en Algérie

Le marché algérien de l’automobile est caractérisé par une crise inédite. À l’absence de véhicules neufs, en raison de l’arrêt des importations et du démantèlement des usines de montage automobile dans le sillage de l’emprisonnement de propriétaires de certaines marques en 2019, s’ajoute une grave pénurie de pièces de rechange et une absence de services après-vente.

Un automobiliste d’Alger nous livre un témoignage sur le parcours du combattant pour trouver une pièce de rechange pour sa voiture. Il doit se déplacer d’une wilaya à une autre, appeler des connaissances et être prêt à débourser une petite fortune pour trouver une simple pièce de rechange pour son véhicule.

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Il en est arrivé à un constat. « La pénurie touche tous les types de pièces. Surtout les voitures allemandes, dit-il. Et même si ces pièces sont disponibles, ajoute-t-il, elles coûtent jusqu’à 2 ou 4 fois leur prix réel. Notre interlocuteur témoigne sa recherche désespérée d’un refroidisseur d’huile pour sa Polo Volkswagen.

« J’ai cherché cette pièce dans tout Alger, jusqu’aux wilayas de Blida et Boumerdès, sans la trouver. À chaque fois, les vendeurs me disent qu’ils n’en ont plus », explique-t-il. L’automobiliste a fini par trouver ce qu’il cherchait 300 km d’Alger.  « Je l’ai trouvé à Sétif, sur le marché de la casse », sans aucune garantie.

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Il a payé le refroidisseur d’huile à 42 000 DA alors qu’habituellement le prix ne dépassait pas 24 000 DA. Et encore, pour l’avoir à 42 000 DA, l’automobiliste a dû négocier puisque le vendeur avait au départ demandé 50 000 DA.

Flambée générale des prix

Selon cet automobiliste, la cherté des pièces de rechange pour les véhicules est générale. Les marques allemandes et asiatiques sont les plus touchées, faute de représentants en Algérie où seuls les constructeurs français Renault et Peugeot gardent des structures de service après-vente. Après le retrait de Volkswagen, les propriétaires algériens des voitures de ce groupe (Volkswagen, Audi, Seat et Skoda) se sont retrouvés livrés à eux-mêmes.

Le kit de la chaîne de distribution pour une Polo qui auparavant coûtait entre 13 000 et 14 000 DA a vu son prix grimper à 16 500 DA et dans certains endroits jusqu’à 20 000 DA. « L’huile Castrol coûtait 1 400 DA le litre, aujourd’hui elle est à 1 590 DA/L. Même les plus petites pièces coûtent plus cher », indique-t-il.

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Les pneus flambent aussi. De 7000 DA l’unité, leurs prix se négocient actuellement autour de 10 000 DA, relève l’automobiliste que nous avons interrogé. « Ce sont des pneus d’origine chinoise. Je ne parle pas des pneus Michelin ou bien Hankook qui coûtent trop cher, autour de 35 000 DA pour un pneu ».

À cette flambée des prix s’ajoute un autre problème plus dangereux : la provenance des pièces de rechange automobile commercialisées en Algérie, un marché désormais dominé par l’informel où les produits contrefaits sont nombreux.

Les rares bonnes pièces qui existent sur le marché sont celles « des cabas » ou proviennent du « marché de la casse » c’est-à-dire les voitures accidentées dont on extrait des pièces pour les revendre, note notre interlocuteur.

Les quantités sont limitées et la rareté nourrit la cherté. « Certains vendeurs disent qu’ils ont leurs propres sources qui les approvisionnent », témoigne l’automobiliste qui a été confronté à plusieurs reprises à la pénurie de pièces de rechange.

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Malgré la cherté, cet automobiliste dit n’avoir pas trop le choix. « Celui qui m’a vendu le refroidisseur d’huile m’a dit qu’il était conscient du fait que la pièce coutait cher. Mais en même temps, elle n’est pas disponible. Ce qui fait que j’étais obligé de l’acheter au prix fixé par le revendeur », relève notre interlocuteur. « Acheter une voiture est devenu impossible, de même que la réparation en cas de pépin », se désole-t-il.

Face à la pénurie des pièces de rechange à cause de l’arrêt des importations, le marché parallèle a pris le relais et de nombreux Algériens se rendent en Tunisie pour trouver des moteurs et autres pièces pour réparer leurs véhicules.

Pour l’Apoce « il y a une urgence »

Le président de l’Association de protection du consommateur (Apoce), Mustapha Zebdi, fait état de remontées de terrain sur une pénurie chronique de pièces de rechange automobile, appelant à une réaction prompte des pouvoirs publics.

« Il y a une grande pression sur les pièces de rechange, même au niveau des revendeurs officiels, et ce même pour certaines pièces de ‘’consommables’’», révèle M. Zebdi, interrogé par TSA.

« Il y a une urgence pour approvisionner le marché en pièces de rechange élémentaires », exhorte Zebdi se disant « inquiet » de la « hausse considérable » du nombre d’accidents de la circulation enregistrés ces derniers mois sur les routes du pays. Il s’interroge si la pénurie de pièces de rechange n’en serait pas une des raisons de l’hécatombe sur les routes algériennes.

« Nous appelons les pouvoirs publics à faire une étude urgente du marché pour voir la disponibilité » des pièces de rechange, et « à prendre toutes les mesures et les facilitations nécessaires pour qu’il y ait un approvisionnement rapide et dans les plus brefs délais ». D’autant que la pénurie touche « les pièces maîtresses » des véhicules.

Le président de l’Apoce évoque aussi l’absence de service après-vente dont pâtissent les automobilistes ayant acheté des véhicules auprès des concessionnaires dont les patrons sont en prison pour des affaires de corruption. « Il y a un sérieux problème quand on voit que la majeure partie des concessionnaires automobiles, à l’exception de quelques marques, dont les patrons sont en prison ont fermé boutique. D’autant plus qu’il n’y a pas d’importations », constate-t-il.

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