Économie

Automobile : le gouvernement parle beaucoup mais agit peu

L’importation de véhicules neufs est en passe d’être de nouveau autorisée en Algérie, après quatre ans de suspension. Ce sera une libération partielle puisqu’il est question de licences à octroyer à un certain nombre de concessionnaire et d’un plafond en valeur à ne pas dépasser.

La question est, depuis quelques années, au centre des débats tant dans la société qu’au niveau du gouvernement, vu la très forte demande interne et la facture colossale en devises qu’absorbe l’importation de voitures neuves et de pièces détachées.

On en parle régulièrement mais cela fait presque une décennie que les gouvernements algériens successifs tâtonnent, font parfois dans le populisme, adoptent puis abandonnent des stratégies et donnent l’impression de ne pas trop savoir par quel bout prendre la question. Toutes les recettes ont été essayées pendant cette période et on en est encore à tester d’autres.

On a eu d’abord ce qu’on peut appeler l’âge d’or du véhicule neuf en Algérie, les années 2008 à 2014, où les autorités, n’ayant pas de soucis de trésorerie à se faire dans une conjoncture de pétrole cher, avaient opté pour l’importation tous azimuts, sans aucune restriction.

Le marché interne était alors abondamment approvisionné et la voiture est devenue accessible à une bonne partie de la classe moyenne. A partir de 2013, l’Etat opte pour une nouvelle stratégie industrielle pour encourager la production locale, centrant les efforts sur les produits les plus importés.

L’objectif étant de réduire la facture des importations, c’est tout logiquement que l’on a commencé par le secteur de l’automobile, en conditionnant la vente des véhicules des marques mondiales en Algérie par l’ouverture d’usines locales d’assemblage. La promesse de doter le pays d’une véritable industrie automobile était ambitieuse, mais l’idée ne semble avoir été bien creusée.

Un dossier fatal pour plusieurs ministres

Le gouvernement avait exigé un taux d’intégration à augmenter progressivement contre des avantages fiscaux et douaniers dans le cadre des dispositifs CKD/SKD.

La première voiture « algérienne », une Renault Symbol, sort de l’usine Renault d’Oran fin 2014. Soit à la même période où les prix de pétrole ont entamé une tendance à la baisse qui dure encore six ans après.

Entre-temps, la facture d’importation de véhicules avait atteint des cimes : 6.3 milliards de dollars en 2014, soit un milliard de moins qu’en 2013, année de tous les records. De nombreuses usines suivront aux quatre coins du pays et la nouvelle politique n’aura aucune incidence sur l’approvisionnement du marché interne, malgré l’introduction de quotas sur l’importation en 2016 puis son interdiction en 2018.

Néanmoins, elle s’avèrera n’être qu’une grande supercherie lorsque l’Etat fera ses comptes concernant la facture d’importation : les sommes économisées sont utilisées pour l’acquisition des kits à assembler, avec de surcroît des pertes fiscales et, par-dessus tout, des véhicules plus chers que ceux importés précédemment.

« C’est de l’importation déguisée », crie Mahdjoub Bedda, ministre de l’Industrie en 2017, aujourd’hui incarcéré pour des défaillances dans ce dossier justement. Un dossier qui amènera devant les tribunaux au moins quatre anciens ministres de l’Industrie, deux anciens Premiers ministres et de nombreux chefs d’entreprises.

En décembre 2019, lors du premier grand procès anti-corruption post-Bouteflika, l’opinion publique a découvert que cette histoire d’industrie automobile a coûté cher au pays et que les autorisations pour la mise en place d’usines d’assemblage ont été accordées suivant des procédés suspects.

L’importation des kits est suspendue en 2020, les usines sont mises à l’arrêt et le marché national n’est plus approvisionné, une situation qui fait prendre des ailes au véhicule usagé.

Les autorités de la transition (avril-décembre 2019) avaient cru trouver la parade pour satisfaire la demande locale sans ruiner la bourse de l’Etat : le retour à l’importation des véhicules d’occasion, interdite depuis 2005.

LIRE AUSSI | Importation des véhicules neufs : un sénateur dézingue Ferhat Aït Ali

Retour à la case départ

La disposition est incluse dans la loi de Finances 2020 et elle ne tardera pas à son tour à s’avérer, non pas une supercherie, mais une énorme aberration en ce sens qu’elle légalisait et encourageait la vente et l’achat de devises au marché parallèle.

Le gouvernement décide d’abord de la « geler » avant de l’abandonner définitivement.  « L’importation des véhicules d’occasion n’est ni reportée ni gelée. L’article 110 (de la LF 2020, ndlr) est pas inapplicable et ne sert pas l’économie nationale », a fini par trancher le ministre de l’Industrie Ferhat Aït Ali en décembre dernier.

En lieu et place, une sorte de retour à la case départ : reprise de l’importation, avec des quotas limités, et relance du projet d’une « industrie véritable », sur de nouvelles bases. Là aussi la décision a mis du temps pour être prise et elle n’est toujours pas effective. L’annonce des concessionnaires retenus suivant le nouveau cahier des charges serait « imminente », mais rien concernant d’éventuels constructeurs intéressés par l’installation d’usines en Algérie.

Le gouvernement parle beaucoup mais agit peu

« Des discussions ont été engagées avec les Allemands et d’autres opérateurs mondiaux pour lancer une véritable industrie de véhicules touristiques et utilitaires », déclare Aït Ali, sans autre précision ni échéance.

Particulièrement ces deux dernières années, les autorités algériennes ont parlé plus qu’elles n’ont agi concernant ce dossier qui, au vu des données actuelles, ne devrait pas être clos de sitôt. Les réserves de change ne sont pas à des niveaux qui permettraient une libération totale de l’importation et on ne sait pas dans quelle mesure les quotas annoncés satisferont la demande, quels seront les prix, les délais d’attente…

Quand à une « véritable industrie », il faudra sans doute l’attendre sur le long terme, étant tributaire de l’amélioration du climat général des affaires et de la stabilité politique, économique et juridique.

Les plus lus