Enfin il pleut sur le nord de l’Algérie. Ces pluies font la joie des agriculteurs qui n’ont pas encore semé leur blé. Mais d’autres se frottent les mains, ils ont semé en sec. Semer avant ou après les pluies ?
Une question pas si anodine quand le défi est d’emblaver 3 millions d’hectares avant la mi-décembre.
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Semer tardivement du blé, c’est l’exposer au risque de sécheresse du mois de juin. Beaucoup d’agriculteurs oublient que les racines d’un grain de blé poussent de 1 à 2 centimètres par jour.
Il a été mesuré que le blé développe l’équivalent de 200 à 300 km de racines. Un réseau racinaire essentiel pour explorer le sol et capter l’eau des pluies. Un moyen pour contrecarrer l’effet de la sécheresse.
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Une colonisation du sol d’autant plus forte que le semis est réalisé à temps. Depuis des semaines, une lutte sourde contre les éléments se joue dans les campagnes de l’Algérie profonde.
A Bordj Bou Arreridj, l’orge lève avant les pluies
S’il y a bien une personne heureuse, c’est cet agriculteur de Bordj Bou Arreridj qui publie sur les réseaux sociaux une photo de son champ.
L’orge lève déjà. On aperçoit de fragiles feuilles sortant de terre et dessinant les sillons laissés par le semoir. Il annonce avoir semé dès le 6 novembre, avant l’arrivée des pluies actuelles.
Et pour montrer sa bonne foi, il publie la photo de son « Bon de Sortie », le document d’enlèvement de ses semences depuis la Coopérative de Céréales des Légumes Secs de Bordj Bou Arréridj. On peut y lire qu’il s’agit d’une cargaison d’orge datant du 5 novembre. Jusqu’au matricule du camion qui est inscrit sur le bordereau.
La réussite de son semis, l’agriculteur la doit à l’emploi d’un rouleau après semis. Beaucoup d’autres agriculteurs sont restés dans l’expectative, attendant l’arrivée des pluies pour semer.
Roulage du blé après semis
Passer un rouleau après semis permet de rappuyer légèrement le sol au-dessus des grains de blé. Au contact de la terre, les grains se gorgent de l’humidité résiduelle du sol. Résultat, une meilleure germination et une levée homogène.
Parmi les agriculteurs, le débat fait rage. Faut-il utiliser un rouleau lisse ou crénelé tel le rouleau croskillette ? Dans le deuxième cas, le rouleau adhère mieux à l’hétérogénéité du sol.
L’effet positif du roulage est tel que beaucoup de constructeurs associent dorénavant un rouleau derrière les semoirs qu’ils produisent. Mais pas n’importe quel rouleau. Ils optent pour une « roue plombeuse », un simple rouleau de quelques centimètres de large fixé à l’arrière des dents du semoir. Une technique validée par l’International Center for Agricultural Research in the Dry Areas (ICARDA) dont l’Algérie est membre.
Avantage : la dent et la roue plombeuse qui suit créent un sillon sous lequel est positionnée la graine. À la première pluie, l’eau est collectée par le sillon qui joue le rôle d’impluvium. L’eau étant ainsi canalisée, la semence profite de la moindre pluie.
3 millions d’hectares à semer en un mois et demi
Malheureusement, les semoirs fabriqués en Algérie par l’entreprise Construction de Matériel Agricole (CMA) de Sidi bel-Abbès, en partenariat avec l’entreprise espagnole SOLA, ne possèdent pas l’innovation que constitue la roue plombeuse.
Pour bénéficier de ce principe simple, les agriculteurs ont le choix entre confectionner eux même ce type de roue ou commander du matériel à l’étranger comme le leur permet la récente décision des services agricoles d’autoriser l’importation de matériel agricole rénové.
Rouler ou ne pas rouler après semis ? Semer ou ne pas semer en sec ? La question prend toute sa signification lorsqu’il s’agit de considérer les surfaces à semer : 3 millions d’hectares.
Attendre les pluies implique de prendre du retard sur les semis. Or, avec le réchauffement climatique, la quantité des pluies qui tombent en Algérie a diminué, notamment à l’ouest du pays. Plus grave, leur irrégularité s’est accentuée. C’est le cas cette année avec des pluies abondantes arrivant seulement dans la troisième décade de novembre.
Nabil Athmania, attention, il va neiger
Pour produire plus de céréales, le recours à l’irrigation de complément est intéressant. Mais elle ne peut être le moyen de faire oublier les dysfonctionnements techniques actuels.
Les agriculteurs ont différentes pratiques de semer et certaines sont plus performantes que d’autres. Aussi, s’agit-il d’encourager les plus performantes d’entre-elles. Ce à quoi s’attache l’Institut Technique Grandes Cultures (ITGC) à travers un réseau de stations agronomiques.
Après l’arrivée des pluies, l’ingénieur agronome Nabil Athmania de l’ITGC avertit, plus de 5 000 agriculteurs qui le suivent sur les réseaux sociaux, d’éventuelles chutes de neige risquant de gêner les opérations de semis.
Qui a dit que cultiver du blé dans les conditions semi-arides de l’Algérie était une chose facile ?