Politique

Blocage de l’usine de Cevital : chronique d’un (mauvais) feuilleton sans fin

500 jours ! Cela fait exactement 500 jours que l’usine de trituration de graines oléagineuses de Cevital fait l’objet d’un blocage en règle que d’aucuns n’ont pas hésité à qualifier d’arbitraire.

Un fait du prince qui prend en défaut, et de manière flagrante, l’engagement public et solennel du gouvernement à offrir toutes les conditions pour que le privé national puisse se développer, mais aussi ses belles et fermes promesses de bâtir une économie diversifiée et à jamais libérée de sa quasi-dépendance aux hydrocarbures.

On aurait pu pourtant se servir de cette Succes Story nommée Rebrab, ‘’le plus grand industriel d’Afrique’’ (le qualificatif fort dithyrambique est du premier ministre Ahmed Ouyahia !) pour semer, dans les quatre coins du pays, la culture de l’entreprenariat et permettre ainsi l’émergence, çà et là, d’autres champions de l’industrie à même de tirer vers le haut une économie moribonde.

Mais voilà, c’est le contraire qui s’est produit en menant la vie dur à un homme qui ne se connait aucune limite en investissant à tout va pour assurer la pérennité de son groupe et aider, à sa façon, le pays à sortir de son sous-développement économique. Et en pénalisant le premier groupe privé national et deuxième contribuable du fisc après le géant Sonatrach, non seulement on décourage les chefs d’entreprises algériens mais on envois un message des plus négatifs aux investisseurs étrangers qui sont d’ailleurs bien rétifs à l’idée de mettre un seul rond dans un pays qui ne prend pas soin de ses propres industriels.

Tout a commencé le 26 mars 2017, quand le navire chinois, a été interdit d’accès au port de Bejaia. Motif invoqué par la direction de ce port pour expliquer sa décision : le projet de Rebrab n’a pas eu l’autorisation pour lancer sa nouvelle activité, c’est-à-dire la production d’huile brute et de tourteaux de soja destinés au bétail. Le 28 mai 2017, l’entreprise portuaire de Bejaia remet çà en refusant l’accès à un autre navire chinois, le Da Cui Yun, de l’armateur Cosco, qui était chargé des équipements nécessaires à l’installation de la nouvelle usine de Cevital.

Face à cet arbitraire caractérisé et à l’entêtement du directeur du port de Bejaia, l’homme d’affaires n’est pas resté les bras croisés et a dû taper à toutes les portes. En vain. De guerre lasse, il est alors passé à la riposte en médiatisant l’affaire comme pour prendre à témoin l’opinion publique. Il lui est même arrivé d’inviter à son usine des élus locaux de différents partis pour leur exposer son projet mais aussi ses déboires avec l’administration portuaire.

Fait rare dans les annales du monde du travail, les travailleurs de Cevital se sont eux aussi, mis de la partie en défendant bec et ongle leur employeur. Mieux, ils ont mis en place un comité présidé par Mourad Bouzidi et qui a eu à organiser plusieurs marches à Bejaia pour exiger la levée du blocage de ce projet qui va créer plus d’un millier d’emplois directs et 100 000 autres indirects. Mieux, il a saisi à trois reprises le président Bouteflika sur ce cas mais sans succès.

La médiatisation de l’affaire comme la mobilisation de la rue n’ont rien changé à la donne. L’usine n’a toujours pas vu le jour et, comble du mépris, l’auteur (l’exécutant de la décision, selon certains) du blocage, le désormais ancien directeur du Port de Béjaia, Djelloul Achour, en récompense à ses hauts faits d’arme, a bénéficié en mai dernier d’une belle promotion en se voyant bombardé président-directeur général du Serport (groupe des services portuaires).

Fort de son nouveau statut, il n’a pas hésité, après l’énième tentative du groupe Cevital de faire entrer l’équipement nécessaire à son usine de trituration à partir du port de Skikda, à instruire, il y a quelques jours, tous ports algériens « de ne pas procéder au débarquement de containers contenant du matériel » destiné à l’usine de trituration de graines oléagineuses de Cevital.

Question : cet acharnement contre les projets de Cevital que le député Khaled Tazaghart a eu à qualifier d’ « acte criminel », est-il un règlement de compte contre un homme, Issad Rebrab en l’occurrence, qui, par le passé, a pris des positions politiques en défaveur de Bouteflika ? Une sanction économique, comme le soupçonnait Mourad Bouzidi, contre une région frondeuse, la Kabylie, qui s’est toujours opposée aux différents régimes ? Ou, au contraire, comme l’ont suggéré certains, c’est là une fleur faite au très puissant et influent patron du groupe Kouninef, qui a lui aussi un projet de complexe de trituration de graines oléagineuses de 150 millions de dollars dans le port de Jijel?

Quelle que soit la motivation à l’origine du blocage du projet de Cevital, le plus grand perdant dans cette affaire ce n’est certainement pas Issad Rebrab qui roule déjà sur l’or, mais plutôt l’économie algérienne.

 

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