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Bouteflika entame la dernière année de son 4e mandat : l’ENTV dresse déjà le bilan

Bouteflika entame la dernière année de son 4e mandat : l’ENTV dresse déjà le bilan

Le président Abdelaziz Bouteflika entame, à partir de ce mercredi 18 avril, la dernière année de son quatrième mandat. Un mandat de cinq ans qui pourrait être le dernier ou l’avant-dernier.

Les médias étatiques et les partis de l’ex-Alliance présidentielle, comme le FLN et le RND, se sont chargés de dresser le bilan de ce qui a été réalisé durant les 19 ans de pouvoir du magistrat suprême et pas uniquement du quatrième mandat, entamé en 2014. Ce genre de bilans n’a été dressé ni à la fin du deuxième mandat ni à celle du troisième.

Mardi, l’ENTV a diffusé un sujet dans le JT du 20 heures sous le générique de « Al waad oua el ahd » (la promesse et le serment) et avec un titre : « D’importantes réalisations, de profondes réformes et de grands défis ».

Construit sur bases d’extraits de discours, prononcés lors des premières années du pouvoir de Bouteflika, les sujets s’appuient sur des images du tramway, du métro, de la Place des Martyrs, du lancement des satellites, de projets de logements, etc.

« Faisons un retour en arrière. Regardez ces images. Voilà comment nous étions, hier seulement. L’Algérie était le pays du sang avec des entreprises détruites et une patrie isolée, un aéroport fantôme et les voix de la discorde qui ouvrent leurs journaux avec « qui-tue-qui » en Algérie. Le pays vers où ? Vers l’inconnu », entame la journaliste Dalal Bouteba, sur fond de musique mélancolique.

Les images montrent les attentats à l’explosif des années 1990 avec des voitures en feu, des corps gisants à même le sol et des bâtisses détériorées par les éclats (cela rappelle le reportage controversé diffusé en septembre 2017). « En plein drame, le destin a rencontré ses hommes. Et une étincelle d’espoir est apparue en plein destruction », ajoute la journaliste.

« L’Algérie, un exportateur de sécurité »

Un extrait du discours fait durant le premier mandat de Bouteflika est diffusé. « Je suis venu sans avoir le monopole du patriotisme ou de la vérité. L’Algérie ne va pas bien, nous devons nous lever comme un seul homme », a lancé le président, la voix audible.

En quelques images, le sujet évoque la politique de « concorde civile », puis de « réconciliation », en montrant des repentis de l’ex-AIS et des personnes en pleurs.

« L’Algérie s’est mise debout sur les décombre d’un chaos économique en milliards de dollars. Il n’était pas du tout facile que l’Algérie ouvre tous ces chantiers en un temps record avec un regard sage du président Bouteflika qui a parié sur la réussite de la bataille du développement et sur le retour de l’Algérie sur la scène internationale. L’avion ne s’est pas arrêté pour que le président dise à partir de toutes les tribunes que ce qui s’est passé en Algérie ne nous concerne pas uniquement. Le terrorisme n’a pas de frontières », appuie le commentaire.

Plus loin, il est dit que l’Algérie est devenue « un exportateur de sécurité et de stabilité » dans le monde après avoir été accusée d’être « le fief de la violence ».

« Aujourd’hui, l’Algérie est une référence en matière de lutte contre le terrorisme » et « un refuge pour ceux qui cherchent conseil en la matière », ajoute la journaliste.

La politique sociale du président est également évoquée. Il est question aussi de « grand saut » en matière économique et industrielle, d’amélioration de niveau de vie des Algériens et de repositionnement de l’Algérie « comme une puissance régionale ».

En somme, l’Algérie a « retrouvé sa dignité » grâce à Bouteflika et elle a été « prémunie des vents du Printemps arabe » grâce à lui aussi.

L’Algérie résiste à « la crise financière » grâce également « aux décisions sages du président de la République » comme celle de payer la dette extérieure par anticipation et la création du Fonds de régulation des recettes. Des idées reprises ce mercredi par les journaux publics comme El Moudjahid, El Massa et Horizons.

L’ENTV évoque « le rêve réalisé »

Cette image de « l’artisan de la paix et du développement » est véhiculée le long d’une émission spécialisée de 76 minutes intitulée «« Al Massar » (le parcours) », conçue par le journaliste Adel Slakdji, et diffusée mardi 17 avril au soir par l’ENTV et A3 (chaîne satellitaire).

L’émission, qui n’est pas accompagnée de commentaire, commence par des images de bains de foules pour le président de la République durant les deux premiers mandats puisque Bouteflika ne sort presque plus en public depuis 2013, après son hospitalisation en raison d’un AVC.

Un homme crie au micro à la faveur d’un meeting : « Merci, merci d’avoir réalisé notre rêve ». Cette idée du « rêve réalisé » est développée durant toute cette émission surchargée d’images de drones accompagnées de musique épique.

Le projet de la Charte pour la paix et de la Réconciliation est mis en valeur dès le début, appuyé par des extraits des discours présidentiels et du texte lui-même.

Une Charte adoptée à 97,3 %, selon les résultats officiels, après un référendum en 2005. « La réconciliation est venue nous libérer de toutes les divisions. Mobilisons-nous pour reconstruire l’Algérie », a déclaré Bouteflika, après la consultation populaire.

L’expédition d’Oum Darman convoquée

Le deuxième chapitre de l’émission (5 minutes) est consacré à l’armée face au défi « de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé » .

« Les grandes réalisations » est un autre chapitre qui détaille tous les projets, réalisés ou en cours de réalisation comme l’autoroute Est-Ouest, les grandes routes (2400 km), la réhabilitation des axes routiers (15.000 km), la construction de ponts (250), l’extension et la modernisation des voies ferrées (4000 km sur 12500 km prévus), les tunnels (43), les ports (avec le terminal de Djendjen), les barrages (12), le transfert de l’eau d’In Salah à Tamanrasset, l’agriculture (plus d’un million d’hectares de surfaces irriguées), l’effacement de la dette des agriculteurs (14 milliards de dinars), les logements sociaux, l’élimination des bidonvilles, la réforme du système éducatif,  les hôpitaux et les centres de santé (67), la réforme de l’administration et de la justice, la révision de la Constitution (en 2008 et en 2016),  la réduction du taux de chômage (11 %), le tourisme, le football (construction de stades proximité)…

Des images de « l’expédition » d’Oum Darman (Soudan), lors des qualificatifs au Mondial 2010, sont sollicitées en appoint à une allocution de Bouteflika sur les jeunes.

« Avez-vous conscience ? Vous êtes les jeunes de l’Algérie. Savez-vous c’est quoi l’Algérie ?   Dans la campagne, on ne connaissait pas l’eau potable. On buvait l’eau des oueds et des seguias. On ne connaissait pas ni le gaz ni l’électricité. Aujourd’hui, le taux d’électrification est de 98 % (…) Construire de grands hôpitaux ne peut pas remplacer l’élaboration d’une politique efficace de santé. Le taux de réussite au bac a dépassé pour la première fois depuis l’indépendance les 50%. Construire des hôtels de luxe n’est pas le tourisme. Il faut qu’on mette fin au manque de transparence et de communication à tous les niveaux. Il faut qu’on lutte contre la bureaucratie. L’Algérie peut devenir une nation moderne. Nous ne sommes pas prêts à vivre dans un État laïc ni dans un État théocratique. Avant 1999, qui a reconnu la langue amazighe comme langue nationale ? Personne n’a osé. L’amazighité n’est pas le monopole de personne. Nous voulons restructurer le pays d’une manière stratégique. Nous devons être francs avec le peuple. Nous ne sommes pas des faiseurs de miracles », déclare en substance Bouteflika dans plusieurs discours, prononcés lors du deuxième mandat.

La politique extérieure non abordée

Les images de l’ENTV, soigneusement sélectionnées, montre le chef de l’État discuter avec les enfants, honorer des étudiants, saluer la population, parler à voix haute, inspecter les projets, donner des conseils… Mais à aucun moment, on ne voit Bouteflika se déplacer sur un fauteuil roulant ou parler d’une voix éteinte, comme c’est le cas depuis cinq ans.

L’ENTV a évité d’aborder la politique extérieure de l’Algérie parce que le président ne se déplace plus à l’étranger et a évacué les projets, sujets à polémique, comme celui de la Grande mosquée d’Alger.

Reste des questions : pourquoi dresser un bilan au début de la cinquième année du mandat présidentiel au lieu de le faire à la fin ? Est-ce pour répondre aux critiques de l’opposition sur les dépenses publiques qui auraient atteint les 1000 milliards de dollars ces 19 dernières années ? Ou est-ce pour préparer le terrain au 5e mandat pour Bouteflika, évoqué, dernièrement, par le secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbes ?

Le bilan dressé par l’ENTV ne porte aucune critique. Il en sera probablement de même pour celui que le FLN envisage de présenter les prochaines semaines.

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