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Bouteflika : le cinquième mandat plus que jamais incertain ?

Bouteflika : le cinquième mandat plus que jamais incertain ?

Tel un ciel d’automne, la scène politique nationale, en cette année qui précède celle du grand rendez-vous électoral de 2019, alterne gros nuages et éclaircies passagères.

Cela fait maintenant huit mois que l’idée d’un cinquième mandat pour le président Bouteflika fait parler, sans que l’on sache vraiment s’il s’agit d’une option inéluctable ou d’un vœu rendu impossible par la santé incertaine du président. Les événements se sont accélérés depuis que Djamel Ould Abbès, le secrétaire général du FLN, a solennellement appelé fin mars dernier le chef de l’Etat à briguer un autre mandat.

À chaque fois que l’opinion trouve de bonnes raisons de croire que l’option est définitivement retenue, d’autres éléments viennent semer le doute et tout ramener à la case départ. Que doit-on penser de la dernière sortie des chefs des partis de la majorité présidentielle ? Djamel Ould Abbès, Ahmed Ouyahia, Amara Benyounès et Amar Ghoul, se sont réunis mercredi 7 novembre et convenu de donner naissance à une « coalition de soutien au président Bouteflika ».

L’annonce est d’une limpide clarté : il n’est à aucun moment question de cinquième mandat, ni même de « continuité ». Pourquoi un tel mécanisme qui n’est pas sans rappeler la défunte Alliance présidentielle qui, elle, avait une bonne raison d’exister – porter sur le terrain le programme du président de la République et lui garantir l’appui parlementaire nécessaire – ? Créer un cadre de soutien à un président en fin de mandat est un non-sens, à moins que cela ne vise à l’aider à obtenir le droit de rester cinq ans de plus au pouvoir.

En agissant ainsi, les chefs de partis supposés être des soutiens indéfectibles du président n’ont fait qu’ajouter du flou à une situation déjà presque illisible, appelant une interrogation supplémentaire à défaut de livrer des réponses à celles, nombreuses, qui taraudent opinion et observateurs. Pourquoi les chefs du FLN, du RND, du MPA et de TAJ n’ont-ils pas créé un cadre soutenant formellement le cinquième mandat, une option du reste assumée et défendue individuellement par au moins trois d’entre eux ? Sans doute pas par souci de ne pas froisser Amara Benyounès, dont la longue irrésolution commence elle aussi à poser question.

Pourquoi un mécanisme vague, alors que le front populaire solide, tout aussi vague, peine à se mettre en place bien qu’il émane de l’initiative directe du président ?

Précautions et revirements sémantiques

Trop de précautions, de revirements sémantiques et de soubresauts politico-judiciaires cachent mal des tiraillements, du moins une absence de consensus, un manque de conviction. En tout cas, les événements de ces derniers mois ne renvoient pas l’image d’un système qui va résolument vers un objectif clair et consensuel.

Paradoxalement, les revirements, du moins sémantiques, les plus notables sont à mettre à l’actif du plus zélé des soutiens de Bouteflika. Plutôt deux fois qu’une, Djamel Ould Abbès s’est déjugé publiquement sur la question : d’abord en rectifiant en mai dernier qu’il n’avait pas appelé à un cinquième mandat mais à « la continuité », ensuite en précisant en octobre, juste après avoir annoncé la candidature au nom du FLN de Bouteflika, que celui-ci « n’avait pas encore rendu sa réponse ».

A mettre à l’actif de la légèreté habituelle du personnage ? Peut-être, mais que dire alors de l’entêtement de Amara Benyounès à refuser de joindre la sienne aux voix qui supplient le président de poursuivre son œuvre, tout en saisissant la moindre occasion pour réaffirmer sa fidélité au même président ? Un excès de précaution qui trahit les doutes (ou les certitudes) du président du MPA, pas suffisamment informé des intentions du régime ou, au contraire, bien mis au parfum du véritable plan retenu.

Les lectures n’en finissent pas, alimentées par des déclarations et des événements qui ne cadrent pas avec l’hypothèse d’une option qui fait l’unanimité.

Les images du président : la donne qui change tout ?

Pas plus loin que la veille de l’annonce du lancement de la coalition des quatre partis de la majorité, l’un d’entre eux, le RND, volait au secours de son secrétaire général, le Premier ministre Ahmed Ouyahia, objet, un jour plus tôt, de virulentes attaques d’un membre de son cabinet, le ministre de la Justice Tayeb Louh, qu’on dit très proche du cercle présidentiel.

Les attaques de Louh – réaffirmées ce dimanche à travers le démenti du ministère de la Justice aux informations d’El Khabar- portaient sur le passé d’Ouyahia, coupable d’avoir un jour jeté des cadres innocents en prison. La libération, le jour même, sur ordre du président de la République, des cinq généraux arrêtés à la mi-octobre, allait soulever plus d’interrogations qu’elle n’apporte de réponses. Si elle a permis d’évacuer définitivement la lecture qui prêtait aux officiers concernés des velléités de s’opposer au cinquième mandat, elle a en revanche ouvert la voie à l’interrogation sur la position vis-à-vis de la même question de la partie qui a ordonné leur incarcération.

La manière de procéder est une invitation à suivre le fil :  un rappel préalable d’ « abus » passés et de l’engagement du chef de l’Etat que « cela ne se reproduira plus », suivi de l’annonce de la remise en liberté des cinq généraux avec la précision loin d’être innocente que leur calvaire a pris fin sur ordre du chef de l’Etat qui ne pourrait, par conséquent, en être à l’origine. Nul besoin d’être fin connaisseur du fonctionnement du système politique algérien pour deviner la partie visée et devant laquelle le président chercherait à tracer son territoire.

De là à en déduire que la haute hiérarchie militaire n’est pas chaude à l’idée d’un cinquième mandat, il y a un pas que le peu d’éléments disponibles ne permet pas de franchir.  Néanmoins, après cet épisode, le rangement de la grande muette derrière l’option de la continuité ne sera plus cette lapalissade qu’il était ces derniers mois aux yeux de certains analystes.

La vie ces jours-ci au sein du sérail est tout sauf un long fleuve tranquille. Mais l’élément central de ce psychodrame, l’acte qui précipitera peut-être l’épilogue de l’intrigue, ce sont sans doute les dernières images montrant le président sérieusement amoindri. Jusque-là, seule l’évolution de la santé du chef de l’Etat constituait la grande inconnue qui pouvait motiver quelque réticence vis-à-vis du cinquième mandat. Maintenant, on sait qu’elle n’est pas au mieux.

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