Économie

Ce que révèle la flambée des prix des œufs en Algérie

Les pénuries, tensions et hausses des prix touchent régulièrement des produits alimentaires de large consommation en Algérie. Depuis quelques mois maintenant, ce sont les œufs qui ont vu leur prix flamber.

D’une moyenne de 300 dinars, le plateau de 30 œufs n’a pas cessé de grimper jusqu’à dépasser les 600 dinars. L’œuf est vendu entre 23 et 25 dinars l’unité.

Contrairement aux autres produits qui ont fini par redevenir accessibles ou disponibles, comme c’est le cas de l’huile de table par exemple, la hausse des prix des œufs s’est inscrite dans la durée.

Au fil des semaines, les prix n’ont fait qu’augmenter et sans perspective sérieuse d’une accalmie durable, à en croire les prévisions des acteurs de la filière qui s’expriment dans les médias.

La filière avicole en Algérie est en effet très précaire et son atomisation n’aide pas à la régulation du marché.

Les différents intervenants mettent en avant plusieurs facteurs ayant entraîné les prix vers le haut. Certains sont évidents, comme la hausse des prix de l’aliment de bétail. Grosso modo, on parle du passage du simple au double du quintal, de 4000 à 8000 dinars.

A l’inflation généralisée, qui a impacté toute la chaîne de production, s’ajoutent d’autres facteurs comme les fortes chaleurs de l’été et les incendies de ces dernières années qui ont contraint certains producteurs, précisément les plus vulnérables, à cesser l’activité.

Ce sont quelques explications entendues çà et là et qui, quand bien même elles sont censées, ne sauraient occulter la véritable tare de la filière avicole, qui est aussi celle de nombreux secteurs en Algérie : l’absence d’un marché autorégulé et de producteurs solides capables de résister à ce genre de situation exceptionnelle.

Même si, en temps normal, la filière avicole arrive plus ou moins à satisfaire les besoins du marché interne en œufs et viande blanche, elle demeure très peu développée en termes de variété de l’offre.

Sur les étals, on ne trouve généralement qu’une seule qualité d’œuf, celui de poule pondeuse de batterie, à un prix unique à travers tout le pays, fixé par une bourse invisible. Les œufs bio, ou de ferme, sont par exemple très rares et aussi ceux des autres espèces (canard, oie…).

Les retards de la filiale avicole en Algérie

L’absence de diversité fait peser sur la filière avicole les mêmes risques auxquels font face les agriculteurs dans des situations de monoculture. Étant donné que tous les producteurs utilisent les mêmes procédés et les mêmes intrants, s’approvisionnent des mêmes sources et ont les mêmes débouchés, le moindre dérèglement dans la chaîne affecte toute l’activité dans tout le pays et crée des tensions généralisées.

L’autre grand problème de la filière avicole en Algérie reste l’absence de gros producteurs capables, de par leurs moyens et la professionnalisation de l’activité, de faire preuve de résilience face aux aléas du marché.

Il n’y a pratiquement en Algérie aucun groupe avicole qui détient des parts importantes du marché et qui contrôle toute la chaîne de l’activité, de la production d’aliments jusqu’à la distribution du produit final, comme il en existe partout dans le monde.

L’activité avicole, que ce soit pour le poulet de chair ou pour les œufs, est essentiellement exercée par des petits agriculteurs possédant dans le meilleur des cas quelques milliers de poules.

C’est précisément le genre d’exploitant qui peut mettre la clé sous le paillasson à la moindre sécheresse qui perdure, une vague de grosse chaleur, une baisse des prix du produit final ou une augmentation des coûts de production.

C’est ce qui se serait passé en Algérie pour de nombreux aviculteurs, et c’est ce qui a en partie causé la crise en cours, à en croire les explications données par les professionnels.

Sur les réseaux sociaux algériens, des appels au boycott des œufs sont lancés. Cela peut produire de l’effet, mais il faut convenir qu’il s’agit d’une solution conjoncturelle qui ne règle pas le problème dans le fond et qui pourrait même déboucher sur un effet contraire en achevant ceux des très petits aviculteurs qui résistent encore.

On a toujours pointé du doigt l’absence d’une vraie grande distribution comme l’une des raisons principales de la dérégulation de l’activité commerciale. La même chose peut être dite de la filière avicole, comme de toutes les autres, qui gagneraient en stabilité des prix, de l’offre et de la qualité en se dotant de grandes entités capables de faire face à tous les aléas.

Dans cette crise, le gouvernement n’a pas fait preuve d’anticipation pour endiguer les effets de la crise sur les éleveurs de volaille. Le dernier point qui mérite d’être soulevé est le fort recul de l’élevage de poules dans les villages et ce pour différentes raisons.

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