Politique

Changements à Sonatrach et à la Banque d’Algérie : pourquoi maintenant ?

Abdelkader Bensalah s’offre deux autres décisions lourdes avant de passer la main dans quelques semaines au prochain président. Jeudi 14 novembre, le chef de l’État par intérim a procédé au remplacement des premiers responsables de deux entités stratégiques, Sonatrach et la Banque d’Algérie.

L’annonce de ces nominations a soulevé au sein de l’opinion la même interrogation que celle qui avait suivi l’élaboration du projet de loi sur les hydrocarbures, adopté le même jour par l’APN : pourquoi maintenant ?

L’incompréhension entoure davantage les derniers limogeages et nominations, car survenant à moins d’un mois de l’élection qui devrait doter le pays d’une nouvelle équipe dirigeante, donc en principe d’une politique et d’une orientation économique nouvelles.

Dans le communiqué laconique diffusé via l’agence officielle, point de précision autre que l’identité des anciens et nouveaux dirigeants : Chikhi Kamel-Eddine prend la place de Rachid Hachichi à la tête de Sonatrach et Aymen Benabderrahmane succède à l’intérimaire gouverneur de la BA, Amar Hiouani. Encore moins d’explication, laissant libre court aux spéculations des observateurs, et même de la rue.

La loi sur les hydrocarbures, jugée, à tort ou à raison, avantageuse pour le capital étranger, avait déjà valu au gouvernement le grave soupçon de chercher à s’assurer le silence des grandes puissances devant les projets politiques internes en cours. D’autres ont cru déceler une volonté de baliser le terrain au futur président en lui évitant d’avoir à assumer des décisions nécessaires mais douloureuses et impopulaires qui viendraient compliquer sa quête de légitimité, surtout que le débat est simultanément lancé sur une éventuelle révision du régime des retraites.

Sur d’autres décisions, comme le retour à l’importation des véhicules d’occasion ou le lancement d’une nouvelle formule de logement à l’orée d’un rendez-vous électoral aussi crucial qu’incertain, le grief de générosité populiste était difficilement récusable.

Mais qu’en est-il de ces limogeages et nominations à tout-va, à tous les échelons de la hiérarchie de l’État ? Depuis la démission de Abdelaziz Bouteflika, début avril dernier, très peu de postes sensibles ont échappé au turn-over, qui a touché la police, la gendarmerie, les médias publics, de hauts gradés de l’armée, les entreprises économiques, les directions centrales, les offices nationaux…

Abdelkader Bensalah a même fait un pied-de-nez à la Constitution en nommant un nouveau ministre de la Justice en juillet dernier. Fin octobre, celui-ci a provoqué une tempête en précédant à la mutation d’un trait de près de 3000 magistrats, dont des présidents de Cours et des procureurs généraux.

S’il est compréhensible et dans l’ordre des choses qu’un coup de balai soit donné dans le sillage du départ d’un président de la République, d’aucuns notent que le personnel clé qui procède à ces changements est lui-même hérité du même président déchu. Aussi, beaucoup ne s’expliquent pas que des postes des plus sensibles puissent changer de titulaire au bout de quelques mois seulement. Et c’est bien le cas pour Sonatrach et la Banque d’Algérie.

Le PDG partant de la compagnie pétrolière nationale avait été nommé en avril dernier en remplacement de Abdelmoumène Ould Kaddour, soit à la même période qui a vu M. Hiouani prendre l’intérim de la Banque d’Algérie suite à la nomination de Mohamed Loukal comme ministre des Finances dans le gouvernement Bedoui.

Ces changements à répétition sont peut-être nécessaires pour l’aboutissement des projets politiques en cours, mais ne sont pas sans risques pour l’équilibre très précaire de la machine économique.

Pour Sonatarch, une telle instabilité, survenant dans un contexte de baisse de production, risque de saper les efforts entrepris pour encourager le partenariat, dont justement l’adoption d’une nouvelle loi sur les hydrocarbures, comme cela a été expliqué officiellement.

D’autant que le désinvestissement dont s’est publiquement plaint l’entreprise a été sans doute aggravé par l’instabilité managériale, endémique depuis l’avènement de Bouteflika. Celui-ci a nommé et dégommé huit PDG en vingt ans, mais Abdelkader Bensalah est en passe de s’offrir un meilleur ratio en en consommant deux en seulement sept mois.

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