Politique

Choc pétrolier, crise politique, coronavirus, sécheresse : l’Algérie face à une crise sans précédent

Les plus pessimistes n’avaient pas prédit un scénario d’une telle complexité pour les premiers mois du président Abdelmadjid Tebboune au pouvoir. À la crise politique qui ne s’estompe pas sont venus se greffer un hiver sans pluie et le spectre de la sécheresse, le risque d’une pandémie qui laisse désarmées les grandes puissances mondiales et la chute brutale des prix du pétrole, quasiment l’unique ressource des recettes du pays.

Le Premier ministre Abdelaziz Djerad n’exagérait sans doute pas en évoquant une « crise sans précédent » et une situation « catastrophique sur tous les plans ». Il est vrai que l’héritage du long règne de Bouteflika est difficilement gérable et ceux qui ont dirigé la courte période de transition en 2019 y sont allés de leurs décisions destinées plus à « créer la zizanie », pour reprendre l’expression du même Djerad, qu’à réellement régler les problèmes quotidiens du citoyen.

Lorsque Tebboune avait pris officiellement les commandes du pays, le 12 décembre dernier, à l’issue d’un scrutin discutable, la situation était à peine tenable avec un hirak qui ne faiblissait pas et qui lui contestait jusque sa légitimité, des prévisions économiques très pessimistes et des revendications sociales sectorielles innombrables qui l’avaient contraint pendant la campagne déjà à prendre des engagements très généreux mais éreintants pour la bourse publique.

En rencontrant les walis, le 16 février, le président avait opté pour la thérapie de choc en faisant diffuser un reportage filmé sur ce qu’il avait appelé les « zones d’ombre », ces bourgades enclavées ou pas mais dépourvues de tout. Le 10 mars, son Premier ministre s’est chargé de mettre un chiffre sur la plaie : l’Algérie compte 15 000 « zones d’ombre » dans lesquelles vit le 1/5 de sa population. Les tirer vers la « lumière » demande de la stabilité et beaucoup de ressources, soit tout ce qui fait défaut à cette Algérie post-Bouteflika.

L’interférence de la nature, de la géostratégie internationale et de la main de Dieu (ou de l’homme ?) ne pouvait pas plus mal tomber. La conjonction des difficultés et des défis fait de la gestion du pays un écheveau inextricable, une sorte de cercle vicieux qui laisse désarmé.

Petit exemple, la sécheresse met en péril la saison agricole et contrarie déjà la première mesure prise par le président pour faire face à la chute des cours pétroliers, soit l’augmentation de la production et la réduction de moitié des importations de produits alimentaires. Autre illustration, bien que le coronavirus commence sérieusement à se propager avec l’enregistrement de trois décès et des premières contaminations en dehors de la région de Blida, le gouvernement ne peut décréter l’interdiction des marches hebdomadaire sans prendre le risque d’aggraver la crise politique.

Le déficit de confiance ne fait que rendre la tâche de Abdelmadjid Tebboune et de son équipe difficile. Même s’il y va de la santé des gens et de leurs vies, les appels à la prudence des autorités ne sont que peu écoutées, comme on l’a constaté lors du 56e vendredi où, contre toute attente, il y avait plus de monde dans les rues d’Alger que lors de manifestations précédentes.

La très forte chute des prix de pétrole est sans doute la donne qui complique tout, qui empêche de mettre le paquet pour éviter une exacerbation de la colère sociale, relancer l’économie ou du moins maintenir l’activité des entités en difficulté, faire face aux retombées sur l’économie du spectre du coronavirus…

La baisse est en effet brutale et importante, faisant planer de sérieuses inquiétudes et induisant la révision de toutes les prévisions, la remise en cause des engagements sociaux et sans doute le report d’une partie des plans de développement. Même s’il n’a pas d’emprise sur tous les leviers, le gouvernement fait ce qu’il peut, suivant les moyens disponibles mais aussi dans les limites de la compétence des membres qui le composent.

Il est peut-être temps que tout le monde comprenne que la complexité de la situation ne peut s’accommoder de l’incurie, des demi-mesures, des décisions contradictoires et des hésitations. La moindre erreur dans un tel contexte risque d’être lourde de conséquences.

Les plus lus