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Choléra : le ministère de la Santé joue-t-il avec le feu ?

Choléra : le ministère de la Santé joue-t-il avec le feu ?

Jusqu’au bout, le ministère de la Santé aura été chaotique et maladroit dans sa gestion des cas de choléra enregistrés au centre du pays. En refusant d’abord de reconnaître qu’il s’agissait de choléra, en cafouillant ensuite sur l’origine du germe et, enfin, en décrétant prématurément la fin de l’épidémie alors que, semble-t-il, des cas continuent à être diagnostiqués, à Oran et même à Alger.

Dans la gestion d’une épidémie, la communication est un outil tout aussi important que les mesures sanitaires et les enquêtes épidémiologiques si elle a pour unique objectif de contribuer à endiguer la maladie à travers l’information de la population sur les risques encourus, l’attitude à adopter et les comportements et produits à éviter. Or, les responsables du ministère de la Santé ont, semble-t-il, confondu deux aspects distincts de la communication : la sensibilisation et la préservation de l’image de l’institution.

Le premier cas a été diagnostiqué le 7 août à Blida et ce n’est qu’après plusieurs jours de rumeurs et de spéculations dans les médias et sur les réseaux sociaux que l’amère vérité fut admise officiellement. On ne peut spéculer maintenant sur les suites de l’épidémie et si des contaminations supplémentaires auraient pu être évitées si les autorités avaient dit la vérité à temps, mais il est certain que c’est la meilleure des attitudes qu’il aurait fallu adopter pour une sensibilisation plus efficace, donc une meilleure prévention.

La détermination de l’origine de la contamination a donné lieu au même cafouillage et aux mêmes spéculations sur les réseaux sociaux, avec, cette fois, des conséquences certaines pour les filières incriminées -à tort comme on le saura plus tard-, comme celle des fruits de saison, notamment la pastèque et le melon. Un discours sincère aurait évité au ministère toutes les critiques qui l’accablent aujourd’hui et aux citoyens cette paranoïa qui les a amenés à bouder qui les fruits ou les légumes, qui l’eau de source ou de robinet.

Le ministère de la Santé aurait bien pu se contenter de fournir les chiffres inhérents à l’évolution de l’épidémie et de communiquer autour des mesures prises, soit autour du rôle qui est le sien en pareil cas. Quant à son image, elle ne pouvait être affectée par la résurgence d’une maladie fut-elle « honteuse » ou « moyenâgeuse ».

Si des Algériens sont atteints de choléra en cette deuxième décade du 21e siècle, c’est à cause de dysfonctionnements qui relèvent d’autres secteurs, comme le recours aux eaux usées pour l’irrigation des champs, la vétusté des réseaux d’AEP, la contamination des sources, forages ou barrages, la prolifération des décharges sauvages, un laisser-aller criant dans le contrôle des activités commerciales et un déficit certain dans la traçabilité des produits. En un mot comme en mille, le département la Santé n’est pas plus « coupable » que ceux de l’Agriculture, des Ressources en eau, de l’Intérieur ou du Commerce, dont les premiers responsables se sont habilement tenus à l’écart de la tempête, au même titre que le Premier ministre qui devait être aux premières lignes mais qu’on n’a pas encore entendu sur la question.

Si en effet la résurgence du choléra devait être perçue comme un drame national, c’est tout le gouvernement, voire l’État algérien, qui doit l’assumer. Il est vrai aussi qu’une telle maladie, résultat d’une succession de défaillances inacceptables à tous les niveaux, n’est pas la meilleure chose qui puisse survenir au moment où des partis politiques s’apprêtent à dresser le bilan des vingt ans au pouvoir du président Bouteflika.

Mais cela ne saurait justifier la légèreté avec laquelle certains responsables s’adonnent au jeu malsain de la manipulation, au risque d’aggraver la situation et de noircir davantage le « bilan » qu’ils croient préserver. S’empresser d’annoncer la fin d’une épidémie alors qu’elle sévit toujours, c’est faire encourir un risque insensé à la population. Si les nouveaux cas de choléra annoncés à Oran et Aït Taya sont confirmés, le ministère de la Santé se serait alors rendu coupable de sa plus grave maladresse depuis l’apparition du premier cas au début du mois dernier…

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