Économie

Commerce extérieur de l’Algérie : un déficit peut en cacher un autre

En cette fin d’année, les nouvelles du déficit commercial de l’Algérie sont plutôt bonnes. En novembre, il est en baisse de près de 61 % et s’est chiffré à « seulement » 4,13 milliards de dollars contre 10,55 milliards de dollars durant la même période de 2017, selon les chiffres des Douanes, publiés mardi 25 décembre.

Un recul du déficit imputable à l’augmentation des recettes des exportations, essentiellement pétrolières, qui sont en hausse de 18 %. Le résultat aurait pu être encore meilleur, si comme l’indique la Banque d’Algérie dans son dernier rapport, les volumes d’hydrocarbures exportés n’étaient pas en baisse sensible, depuis le début de l’année.

Au total, les recettes d’exportations devraient quand même franchir la barre des 40 milliards de dollars sur l’ensemble de 2018, grâce à l’embellie des prix du pétrole (72,7 dollars le baril sur les neuf premiers mois de l’année).

Du côté des importations, les résultats sont moins bons que ceux prévus par les autorités algériennes. Elles reculent d’un peu moins de 2 % à 41,3 milliards de dollars à fin novembre. Ce qui indique qu’elles vont très probablement encore franchir la barre des 45 milliards de dollars sur l’ensemble de l’année.

Les deux versions du déficit commercial

Avec un déficit commercial prévisible de l’ordre de 4,5 milliards de dollars en 2018 contre plus de 11 milliards l’année dernière, on pourrait penser que les équilibres de nos échanges extérieurs sont en voie de rétablissement rapide. C’est d’ailleurs la conclusion que suggère la communication officielle. Malheureusement, les choses ne sont pas aussi simples et un déficit peut en cacher un autre pour toute une série de raisons.

La première tient à l’écart habituel entre les estimations des Douanes et celles de la Banque d’Algérie. Au cours des dernières années, il a régulièrement atteint un niveau proche de 2 à 3 milliards de dollars. C’était encore le cas l’année dernière avec un déficit commercial de 11 milliards de dollars pour les Douanes mais de 14 milliards pour la Banque d’Algérie.

Le « bon chiffre » est celui de la Banque d’Algérie qui, selon nos sources, « exploite des sources bancaires et tient compte de la totalité des importations alors que les Douanes n’enregistrent pas les importations destinées à la Défense nationale ».

Si on en juge par les chiffres communiqués voici quelques jours par la Banque d’Algérie qui estiment le déficit commercial à tout juste 5 milliards à fin septembre, le vrai déficit commercial devrait cette année se situer entre 6,5 et 7 milliards de dollars .

Un gros déficit des échanges de services

La deuxième raison est que nos échanges extérieurs ne se résument pas à des mouvements de marchandises mais comportent aussi une grande quantité d’échange de services qui ne figurent pas dans la balance commerciale.

Au début de la décennie, Ahmed Ouyahia, à l’occasion d’un de ses passages précédents au poste de Premier ministre, avait poussé un de ses « coups de gueule » célèbres contre un déficit des services qui dépassait allègrement à cette époque le chiffre de 10 milliards de dollars.

Depuis 2014, le déficit s’est réduit mais il reste régulièrement de l’ordre de 8 milliards de dollars par an. Cela devrait encore être le cas cette année avec un chiffre proche de 6 milliards de dollars donné par la Banque d’Algérie, à fin septembre.

Contrairement aux échanges de marchandises qui font l’objet, depuis de nombreuses années, d’une communication très détaillée de la part des Douanes, les échanges de services sont mal connus et ne donnent pas lieu au même souci de transparence.

On le sait : dans ce domaine, le déficit est alimenté principalement par les « services pétroliers » qui correspondent aux prestations techniques réalisés par les très nombreux partenaires de Sonatrach à travers des « contrats » dont les médias nationaux font état régulièrement

L’autre source importante du déficit de nos échanges de services est constituée par le coût du transport des marchandises importées dont on sait qu’il est assuré en quasi-totalité par des armateurs étrangers.

Vers un déficit des paiements courants de 15 milliards de dollars en 2018

Le déficit de nos échanges extérieurs devrait en revanche être assez peu impacté cette année par des mouvements de capitaux, qui vont en gros s’équilibrer.

Dans le sens de la sortie, les bénéfices transférés par les associés de Sonatrach ou par les banques étrangères installées en Algérie vont être globalement compensés, dans le sens des entrées, par les transferts officiels réalisés par les émigrés et les intérêts procurés par le placement des réserves de change.

Au total, la Banque d’Algérie annonce à fin septembre un déficit de la balance des paiements courants de 11,37 milliards de dollars. Ce qui devrait donner un chiffre proche de 15 milliards pour la fin 2018.

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