Économie

Concentré de tomate : comment l’Algérie est parvenue à l’autosuffisance

Dans la cuisine algérienne, l’utilisation de la tomate est fréquente. Que ce soit avec le couscous, la hrira ou autres plats traditionnels les tomates sont partout. Le plus souvent il s’agit de concentré de tomate dont le pays est aujourd’hui autosuffisant. Mais à quel prix ?

Une conserverie ouverte 24h sur 24

Depuis quelques jours à la conserverie Ben Amor de Fedjoudj (Guelma), le ballet des camions est incessant. Des camions, il y en a de toutes les marques : du Berlier poussif au camion MAN à deux essieux ou celui tractant une remorque à large plateau. Tous chargés de tomates avec des ridelles surélevées pour augmenter la charge.

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Dans la cour, une fois les camions passés sur le pont bascule, ils doivent manœuvrer de façon à pouvoir vider leur chargement dans la fosse de réception. La manœuvre n’est pas aisée et les chauffeurs doivent tenir compte de l’exiguïté de la cour. Une exiguïté qui accentue les empilements sur 4 niveaux de fûts métalliques de 200 litres remplis de concentré de tomate.

Dans un concert de bruits de moteur, de klaxons et d’avertisseurs de recul deux agents règlent le ballet où se mêlent quelques tracteurs et un Clark chargés de fûts. La conserverie fonctionne 24 heures sur 24.

Récolte, progression de la mécanisation

En Algérie, la production de tomate de conserve est en pleine expansion. Ces dernières années, les subventions publiques et le dynamisme des agriculteurs conjugué à celui des transformateurs ont changé la donne.

En janvier 2019, le wali d’El Tarf annonçait que l’importation du concentré de tomate était dorénavant taxée à 200%. Une mesure envisagée depuis 2018 par les services agricoles et qui a rendu confiance aux producteurs.

En Algérie, seul le manque d’eau, d’engins de repiquage ou de récolte freine encore l’expansion des surfaces. Nombreux sont les transformateurs qui ont augmenté leurs capacités à l’image de l’unité d’Ouled Farès. Au début de l’année, son responsable, Djilali Ayad Ahmed, confiait à l’agence APS des capacités de transformation devant passer de 500 tonnes à 2 000 tonnes.

Aujourd’hui, les agriculteurs algériens utilisent des variétés de tomate à haut rendement. Les plants sont élevés en serre, repiqués et irrigués par goutte à goutte. Le ministère de l’Agriculture et du développement rural indique que les rendements qui étaient de 500 quintaux/ha en 2013 sont passés à 800 quintaux/ha en 2021, avec des pointes de 1.300 quintaux/ha à Ain Defla.

Les variétés à date de maturité différée devraient permettre d’échelonner les arrivages dans les conserveries. Mais elles tardent à être connues, en août, il suffit d’un coup de chaleur pour que la maturation arrive d’un seul coup.

La mécanisation de la récolte progresse. La conserverie Benamor à Guelma dispose de 11 engins de récolte. A El Tarf, les frères Kraimia, spécialisés dans la tomate, disposent même de leur propre engin.

Des tomates qui coutent cher à l’Etat

Le kilo de tomate est vendu aux conserveries au prix de 12 DA, à cela s’ajoute une prime de 4 DA par kilo de tomate livré à la conserverie. Elle même perçoit 1,50 DA/kg transformé. Des primes attribuées par l’Etat et qui contribuent largement au succès de la filière.

Ces primes sont parfois versées en retard par l’Onilev, ce qui a amené le ministère à adopter un nouveau système numérisé. Il permet le versement des primes directement sur le compte des agriculteurs sans passer, comme auparavant, par les transformateurs.

L’agro-économiste Ali Daoudi de l’ENSA note que cette politique de contrat entre agriculteurs et conserveries est essentiellement portée par l’Etat : « L’importante adhésion des entreprises et des agriculteurs s’explique avant tout pas les incitations de la politique publique, notamment les différentes primes. » Chaque kilo de tomate coûte à l’Etat 5,5 DA, soit 36% du prix d’achat.

En 2015, avec plus de 0,6 million de tonnes produites, le montant des primes a atteint 3,6 milliards de DA et 12,6 milliards DA en 2021 avec 2,3 millions de tonnes. Pour cet économiste, la subvention de la filière tomate a atteint ses objectifs et ses limites en Algérie. Aussi suggère-t-il, « le passage à une deuxième génération de mécanismes d’incitation » permettant l’amélioration des performances de la filière algérienne de la tomate.

Nombreux sont cependant les agriculteurs qui se plaignent de la hausse de leurs charges de culture et réclament une augmentation du niveau des primes.

Des projets d’exportation de concentré de tomate

Fin juillet, le ministre de l’Agriculture et du développement rural, Abdelhafid Henni, se félicitait dans la presse, de l’autosuffisance en concentré de tomate et indiquait qu’un programme d’exportation était à l’étude.

L’Algérie a arrêté de les importer depuis 2020, permettant une économie en devise qui dépasse les 40 millions de dollars par an, expliquait en novembre à l’agence officielle, le sous-directeur du développement des filières végétales au ministère, Amokrane Hadj Said

Des exportations qui devraient tenir compte des subventions publiques mais aussi des besoins croissants en eau de la culture.

Les producteurs font parfois face à un manque d’eau. Début juin, des agriculteurs de Bouchegouf (Guelma) ont manifesté durant deux jours leur mécontentement. L’Agence nationale des barrages et transferts (ANBT) a dû procéder à des lâchers supplémentaires d’eau qui était initialement destinée à l’alimentation en eau potable de la région.

Volonté d’export, niveau des primes et fourniture en eau potable, une équation à plusieurs paramètres.

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