L’étau se resserre autour des putschistes au Niger. La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), réunie ce dimanche à Abuja, leur a donné un ultimatum d’une semaine pour rétablir l’ordre constitutionnel. Simultanément, la France menaçait d’intervenir si ses intérêts ou ses ressortissants dans ce pays étaient touchés.
Mercredi, la Garde présidentielle dirigée par le général Abdourahamane Tiani a pris le pouvoir au Niger en renversant le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum.
Un « comité national de sauvegarde de la patrie » a été constitué et la junte militaire a reçu le soutien des forces armées nigériennes, après que celles-ci eurent menacé dans un premier temps de donner l’assaut contre la Garde présidentielle. Une partie de la population soutient également le coup d’État et l’a fait savoir à travers un rassemblement tenu ce dimanche 30 juillet devant l’ambassade de France.
C’est sur le plan international que les choses se corsent pour la junte militaire, avec le rejet du coup de force par l’ensemble des pays voisins dont l’Algérie, des puissances occidentales et des principales organisations internationales.
La France et l’Union européenne ont annoncé la suspension de leur aide au développement du Niger et les États-Unis ont menacé de leur emboîter le pas.
Les dirigeants des pays de la CEDEAO, réunis en sommet extraordinaire ce dimanche à Abuja (Nigeria) n’ont pas exclu le recours à la force contre les putschistes auxquels ils ont laissé un délai d’une semaine pour un « retour complet à l’ordre constitutionnel », et « la libération du président Mohamed Bazoum ».
La CEDEAO a menacé de prendre « les mesures nécessaires » si ses résolutions ne sont pas appliquées, précisant que ces mesures peuvent « inclure l’usage de la force ».
« Nous devons agir fermement pour rétablir la démocratie « , a déclaré le président nigérian Bola Tinubu.
Avant l’ouverture du sommet, la junte a accusé ce dimanche matin les États de la CEDEAO de préparer une « intervention militaire imminente », en collaboration avec « des pays africains non-membres de l’organisation et certains pays occidentaux ».
Dans l’après-midi, le président de la transition au Tchad, Idriss Déby, est arrivé à Niamey pour voir ce qu’il peut « apporter pour le règlement de la crise », la junte précisant qu’il n’était pas mandaté par la CEDEAO.
Niger : une autre partie de « domino » pour la France
La veille de la réunion, les présidents algérien et béninois, Abdelmadjid Tebboune et Patrice Talon, ont affiché au cours d’un entretien téléphonique « leur fermeté » sur le retour à l’ordre constitutionnel au Niger et la « réinstallation » du président Mohammed Bazoum dans ses fonctions de chef d’Etat « légitimement élu ».
La France a été presque aussi explicite que les pays réunis à Abuja. Elle a montré une très grande fermeté dans sa réaction aux événements de ce dimanche matin lorsque des milliers de Nigériens se sont rassemblés devant son ambassade à Niamey, certains tentant même de pénétrer dans le bâtiment.
Les manifestants ont scandé des slogans favorables aux putschistes et hostiles à la France, dont environ 600 ressortissants se trouvent au Niger en plus de 1500 militaires présents dans le cadre de la lutte contre le djihadisme.
Le Niger était considéré avant le putsch de la Garde présidentielle comme l’un des derniers alliés des Occidentaux dans la lutte contre les occidentaux au Sahel.
Quelques heures après le rassemblement qui a vu les manifestants enlever l’enseigne de l’ambassade de France qu’ils ont remplacé symboliquement par des drapeaux russes et nigériens, l’Elysée a indiqué que la France « répliquera d’une manière immédiate et intraitable » si ses ressortissants au Niger sont attaqués. « Le président de la République ne tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts », a ajouté la présidence française.
Au tout début du coup d’Etat, la junte avait annoncé la couleur de ce que seront ses relations avec la France qu’elle a accusé d’avoir violé la souveraineté du Niger en faisant atterrir un avion militaire à l’aéroport de Niamey alors que les militaires avaient décrété la fermeture des frontières.
Pour les analystes, c’est un autre domino, le « dernier » selon le Figaro, qui tombe pour l’influence française au Sahel. Alors qu’elle était maîtresse du jeu dans la région il y a moins d’une dizaine d’années en chapeautant les opérations de lutte contre le terrorisme Sevral puis Berkhane, la France est boutée peu à peu de ses prés carrés sahéliens par des coups d’État successifs, au Mali en 2020, au Burkina Faso en 2022 et éventuellement au Niger en cette année 2023. Et là où les Français sont contraints de se retirer, ce sont les mercenaires du groupe russe Wagner qui risquent de prendre pied.