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Covid-19 : comment le virus a mis à nu la vulnérabilité de l’Algérie

Covid-19 : comment le virus a mis à nu la vulnérabilité de l’Algérie

La pandémie de la Covid-19 a révélé une nouvelle fois les carences et les retards du système de santé algérien, et mis à nu la vulnérabilité de l’Algérie.

Trop dépendante vis-à-vis de l’étranger en matière de produits pharmaceutiques et vaccins, l’Algérie paie le peu d’intérêt qu’elle accorde à la recherche scientifique, et la lutte contre la fuite des cerveaux.

« La recherche, aujourd’hui, est fondamentale si on veut avancer. On ne peut rien faire sans la recherche. On ne peut plus acheter des solutions clés en mains », estime le Pr Mostefa Khiati, président de la Forem.

Pour preuve, le cas du vaccin anti-Covid que l’Algérie comme de nombreux pays, cherche à acquérir en doses suffisantes pour vacciner sa population et faire face à la pandémie de coronavirus.

« On est en train de quémander des doses des vaccins anti-Covid »

« On le voit avec le vaccin anti-Covid puisqu’on est en train de quémander à droite et à gauche les doses de vaccins, souligne-t-il. Il est impératif de mettre en place un dispositif performant qui nous obligerait à mettre en place toutes les potentialités. »

Le Pr Khiati propose aussi de faire appel aux compétences algériennes basées à l’étranger. « Si l’on devait tirer quelques analyses et conclusions sur les dix derniers mois qu’on vient de passer (depuis l’apparition de la Covid en Algérie, NDLR), ce serait d’abord qu’on n’a pas suffisamment donné d’importance à la recherche, alors que nous disposons d’un bon tissu de centres de recherche dans les universités », insiste le Pr Khiati.

Tout en faisant l’éloge des centres de recherche universitaires, il déplore le fait qu’ils ne soient pas valorisés.

« On s’est notamment aperçu que pour les tests biologiques, le directeur de la recherche (au MESRS) a annoncé que les centres de recherche universitaires avaient effectué pratiquement 90 000 tests. C’est la moitié de ce qui a été fait par l’Institut Pasteur d’Algérie (laboratoire de référence, NDLR) », se félicite-t-il, ajoutant : « Cela veut dire que nous avons des capacités importantes mais que nous n’avons pas su utiliser, faute de réactifs et surtout faute d’une coordination transversale entre les différents départements. »

« Et là je parle uniquement du public, le secteur privé a lui été pour ainsi dire mis à l’écart », ajoute-t-il.

Tout en regrettant que la recherche en Algérie n’est pas organisée,  le Pr Khiati regrette le « cloisonnement » qu’il y a entre la santé et la recherche scientifique. « Il n’est pas admissible surtout en ces temps de pandémie qu’on n’ait pas utilisé les moyens disponibles », tance le président de la Forem qui fait le constat de carence en matière de séquençage pour identifier le type de virus en circulation en Algérie.

Alors que les variants du Covid-19 traversent les frontières, la technique du séquençage est plus que primordiale. « Il est inadmissible de gérer une pandémie de la Covid d’une telle ampleur, avec des virus qui sont appelés à se modifier constamment sans que l’on puisse les suivre avec un travail de séquençage », estime encore le Pr Khiati.

« L’Institut Pasteur d’Algérie (IPA) qui avait les équipements, ne l’a jamais fait », fustige-t-il. Le président de la Forem se désole de voir des séquenceurs à hauts flux dans les structures de santé à l’arrêt faute de personnels pour les faire fonctionner.

« Or, nous avons des personnels tout à fait aguerris au sein des centres de recherche, mais il n’y a pas de coordination entre les différentes équipes », regrette-t-il.

L’Algérie ne souffre pas donc d’un manque de compétence dans le domaine du séquençage et de la recherche, mais davantage d’absence de valorisation. « On parle de la (probable) fabrication du vaccin anti-Covid en Algérie et je suis sûr qu’il y a des équipes algériennes qui en sont capables, mais il faut savoir qu’il y a toute une chaîne, comme pour les médicaments. Il y a des phases par lesquelles il faut passer. Et s’il y a des experts algériens qui peuvent mener des expérimentations en laboratoires, il reste l’expérimentation sur l’humain qui n’est pas encore codifiée en Algérie. Or, il est urgent de le faire », estime le Pr Khiati.

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Se préparer aux prochaines épidémies

« Il faut se préparer. Nous avons à nos frontières le virus Ebola, et une multitude de virus qui circulent dans la région (subsaharienne). Il est donc impératif de mettre en place un dispositif de surveillance, que ce soit à travers l’Agence nationale de la sécurité sanitaire, ou d’autres mécanismes qui soient capables de faire des projections et des études prospectives », recommande le président de la Forem.

Pour le président du Conseil de l’ordre des médecins, le Dr Mohamed Bekkat Berkani, il faut miser sur la prévention. D’abord, il salue l’installation par le chef de l’État, en juin dernier, de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire (ANSS) dont l’importance réside dans la prévention et à alerter contre les pathologies transmissibles et d’organiser les réponses.

« C’était une nécessité, et le Conseil de l’ordre des médecins l’avait demandé il y a de cela six ans, à l’époque même où cette proposition n’intéressait personne », rappelle le Dr Bekkat Berkani, dans un entretien à TSA.

L’ANSS, poursuit-il, a pour mission de faire de la prospective en matière de santé, afin de définir les mécanismes préventifs ou curatifs « par rapport aux multiples défis (sanitaires) qui se posent et qui se poseront à l’avenir » à l’Algérie.

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« La guerre à venir est pharmaceutique »

Le Dr Bekkat Berkani propose que le ministère de la Santé ajoute à son intitulé « la Prévention médicale ». « Il devrait s’appeler le ministère de la Santé et de la Prévention médicale », suggère le Dr Bekkat Berkani.

Pour le pneumologue et membre du comité scientifique Covid-19, l’Algérie doit dès à présent réfléchir à la création d’unités de fabrication des vaccins, en coopération avec des pays avancés en la matière.

Une possibilité actuellement discutée par l’Algérie avec la Russie pour fabriquer localement le vaccin contre la Covid-19 Spoutnik V.

« Nous n’aurions pas eu cette cacophonie en allant chercher un quota ridicule de 50 000 doses (des vaccins de Gamaleya et d’AstraZeneca, NDLR) alors qu’il y a des milliers d’Algériens à vacciner », critique le Dr Bekkat Berkani.

« La guerre à venir est pharmaceutique, dans les vaccins et dans les médicaments », poursuit le Dr Berkani. « L’Inde l’a compris, et les plus grands laboratoires du monde de médicaments font appel à la fabrication indienne et utilisent la matière première fabriquée localement », illustre le médecin spécialiste.

« Une stratégie de défense »

Le Pr Salah Lellou, chef du service de pneumologie à l’EHU Oran appelle à une « stratégie de défense » et ce, argue-t-il, « à défaut d’avoir un moyen pour arrêter cette pandémie ».

« Plutôt que de fermer les frontières, on peut trouver une solution pour contrôler les flux humains », propose-t-il. L’Algérie se vante d’avoir maîtrisé l’épidémie justement en grande partie grâce à la fermeture des frontières. Mais cela paraît intenable à long terme.

« Parce qu’on n’avait pas suffisamment de moyens pour faire des PCR et des tests antigéniques à tout le monde, il faut se préparer, insiste le spécialiste. Dorénavant, il nous faut avoir les machines de PCR, effectuer le séquençage qui permet d’identifier immédiatement de quel virus il s’agit ».

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