L’Algérie connaît une tendance haussière des contaminations au Covid-19. Comment l’expliquez-vous ?
Dr Mohamed Bekkat Berkani, membre du comité scientifique Covid-19. La sortie du déconfinement a été considéré par la plupart de nos concitoyens, en particulier dans certaines wilayas, comme une page tournée de l’épidémie. Par conséquent, certains de nos concitoyens ont commencé à organiser des fêtes, à aller aux mariages, dans les marchés, tout en ignorant les gestes barrières. Résultats des courses : quinze jours plus tard, on a eu une explosion des cas dans certaines wilayas.
Ceci n’est cependant pas propre à notre pays. Dans certains pays du monde, on assiste au même phénomène. La seule différence c’est que ces pays-là ont pris le parti de déconfiner plus que nous et totalement toutes les activités.
S’agit-il de clusters familiaux, de quartiers voire même de villes ? Chez nous, des enquêtes épidémiologiques sont lancées. On attend les résultats.
Étant donné la hausse des cas, une question se pose quant à l’efficacité des mesures barrières. Où se situe la faille ?
Le fait de porter un masque protège des gouttelettes de salive. Il protège l’individu qui le porte et surtout celui qui est en face de lui. Il reste que se mettre à un demi-mètre de distance même avec le masque on n’est pas protégé. Il y a un fait qui choque beaucoup : à l’intérieur des véhicules on trouve des personnes qui en général portent le masque, même s’ils le font mal, parce qu’il y a un risque de sanction (amende et retrait des papiers). Par contre, les piétons ignorent les sanctions et ne portent pas le masque, sans être inquiété ! Il s’agit donc d’un problème d’application de la loi.
Il faut être un peu plus ferme dans l’application des décisions. La loi doit surtout s’appliquer dans les endroits clos comme les supérettes et les commerces. Il faut être intransigeant. Il faut qu’il y ait des agents qui sillonnent les commerces et ferment ceux dont les propriétaires ne respectent pas la loi. Ça produira un effet boule de neige et le commerçant d’à côté saura à quoi s’en tenir.
Le ministre de la Santé a écarté aujourd’hui une nouvelle fois l’idée d’un confinement total. Quel est votre point de vue ?
Le confinement total a montré ses limites. Au début de l’épidémie, cette mesure avait été prise pour éviter que l’épidémie ne s’installe. On a essayé d’éviter le déplacement des personnes par le confinement total.
Il faut se mettre à l’idée qu’une pareille mesure est exceptionnelle. Elle doit être appliquée en cas de cadence d’infections très élevée. Par exemple dans une ville où le taux dépasse tout entendement avec beaucoup de cas déclarés et plusieurs clusters contre lesquels on ne peut pas lutter, et qu’il y a des cas graves. Là le confinement total est l’arme suprême.
Sinon, le cloisonnement n’est pas indiqué dans l’état actuel de l’épidémie, car il vaut mieux s’atteler à détecter les clusters et d’essayer de faire un dépistage avec des tests rapides afin d’avoir une idée de la situation épidémiologique.
Le Pr Benbouzid a expliqué qu’un éventuel reconfinement équivaudrait à un échec. Partagez-vous cet avis ?
Tout à fait. À l’échelle d’un pays c’est un échec. Encore une fois, le reconfinement doit obéir à des situations localisées. Encore faudrait-il qu’elles soient très graves.
Le chef de l’État a décidé de maintenir fermées les frontières du pays. Un pays comme la Tunisie ne désespère pas de voir venir les touristes algériens. Vous aussi êtes en faveur du maintien de cette fermeture ?
Il n’est pas question dans la situation épidémiologique dans le pays et dans laquelle est la Tunisie, de permettre à des Algériens d’aller passer des vacances, au risque d’être contaminés à leur retour par le coronavirus. Ceci pour la frontière terrestre. Pour les lignes aériennes, il se trouve que la France a semble-t-il constaté que dans le lot de ses ressortissants rapatriés d’Algérie il y avait une cinquantaine de cas positifs. Alors, que chacun garde ses cas positifs et les soigne chez lui. Et ce jusqu’à ce que la situation épidémiologique soit acceptable.