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Covid-19 en Algérie : rubrique nécrologique, décompte macabre et peur sur la ville

Covid-19 en Algérie : rubrique nécrologique, décompte macabre et peur sur la ville

Le décompte est macabre. Les mauvaises nouvelles tournent en boucle du matin au soir. En Algérie, les réseaux sociaux se sont transformés en une espèce de rubrique de nécrologie.

Exit les annonces de naissance, de fiançailles ou de mariages. Place aux  avis de décès. Une véritable hécatombe. Longue litanie des annonces de disparitions d’amis, de plusieurs membres d’une même famille, de voisins, d’artistes, de médecins, de personnel soignant…

Pendant que certains sont terrorisés à l’idée d’attraper ce maudit virus, d’autres continuent à organiser des fêtes privées, des mariages et des retrouvailles familiales, allongeant la liste des contaminations et des candidats au cimetière.

L’année 2020 restera gravée à jamais dans les mémoires. Le vocable ‘’Coronavirus’’ est sans doute celui qui aura été le plus prononcé durant cette année de crise sanitaire mondiale.

Facebook : espace nécrologique

« Chaque matin, je tremble à l’idée de découvrir des noms d’amis, morts de la Covid en consultant ma page Facebook », nous dit Lynda. Ces derniers temps, les réseaux sociaux pullulent d’annonces nécrologiques.

« J’ai été secouée par la disparition de nombreux amis dont deux, n’avaient pas encore 40 ans. Parfois il y a deux ou trois morts le même jour. Ce fut le cas dernièrement avec la triste nouvelle de la disparition du photographe-reporter Zinedine Zebar et de l’artiste peintre Mohamed Tahar Laraba. Ce virus est en train de décimer toute la population. Cette situation engendre un état de stress et d’inquiétude qui ne fait qu’augmenter à mesure que le temps passe. Après 9 mois de pandémie, tout le monde est à bout. Nos vies ont été mises entre parenthèse. Plus de visites, plus de liens sociaux, ni de loisirs, avec la mort qui plane au-dessus de nos têtes comme l’épée de Damoclès. C’est vraiment dur ! », ajoute-t-elle.

Cela n’arrive pas qu’aux autres

Djalil est en convalescence. Âgé de 45 ans, il a été contaminé, sans savoir exactement dans quelles circonstances. Sur sa page Facebook, il a posté une photo de lui avec ce message : « Après 17 jours de confinement et de traitement, le virus est toujours là. Prenez vos précautions, ‘’Welah’’ ce n’est pas un jeu. Vigilance, vigilance ! Ça n’arrive pas qu’aux autres ».

Sur fond d’écran noir, les annonces de décès se multiplient. Certaines donnent froid dans le dos.  « Le méchant virus a emporté ma mère et mon père en quelques heures d’intervalle. Reposez en paix chers parents. Que la terre vous soit légère », peut-on lire sur Facebook.

Autre message poignant : « Je pleure pour tous mes amis qui sont en train de perdre leurs parents en un claquement de doigts… Rien n’est plus dur que les départs précipités… ».

Des internautes postent des appels de détresse : « Urgent, recherche désespérément une place pour hospitaliser ma mère âgée, atteinte de Covid ». D’autres sont en quête d’un respirateur ou de médicaments. Partout le mot ‘’urgent’’ précède ces appels à l’aide, relayés sur les réseaux sociaux.

Les blouses blanches en première ligne

Sur une page Facebook intitulée, « Algériens Solidaire Covid 19 »,  on peut lire le dernier message d’un  consultant en pneumologie, Dr Ahmed Madi, qui a succombé à la maladie : « Et pendant que je suis allongé sur mon lit, en soins intensifs, en difficulté respiratoire… Je vois les regards de mes collègues médecins et infirmières, entre peur et désespoir… ».

Au bord de l’épuisement, les soldats en blanc réitèrent leurs appels en direction de la population. Des vidéos sont postées par des médecins afin de sensibiliser les plus incrédules, au port du masque, au lavage des mains et à la distanciation physique, pour briser la chaîne de contamination et de sauver des vies. « Protégez vos parents. Les hôpitaux sont saturés. Aidez-nous ! Nous sommes épuisés ! », martèlent-ils, sans cesse.

Alors que certains internautes partagent des images chocs de parents ventilés, sous respirateur,  d’autres optent pour une touche d’humour et un brin de légèreté. « Li ma3andouch corona, machi radjel » (Celui qui n’a pas le corona n’est pas un homme),  peut-on lire sur les réseaux sociaux.

Dans la vie réelle

Avec l’effarante augmentation des cas de contamination et de morts, un climat anxiogène s’est installé. Dans la rue, les discussions ne tournent qu’autour de la crise sanitaire. « Ce que je déplore, nous dit Issaad, c’est le comportement irresponsable de ceux qui gardent le silence. Ils cachent qu’ils sont atteints,  comme s’il s’agissait d’une maladie honteuse, comme à l’époque du spectre du Sida. Le plus dramatique, c’est qu’ils continuent à vaquer à leurs occupations et à se mélanger à la population, en contaminant les autres. C’est inconscient et même criminel ! ».

La résurgence mortelle pour cause de coronavirus a entraîné une peur incommensurable et un stress grandissant chez certaines personnes qui multiplient les précautions pour éviter de chopper le virus.

« J’ai 69 ans, je suis diabétique et hypertendue. J’ai une peur bleue de chopper le virus », nous confie Saliha. « Je sors tôt le matin faire quelques courses dans le quartier et je rentre vite chez moi. Je ne reçois aucune visite. Cela fait des semaines que je n’ai pas vu mes filles et mes petits-enfants. Je me contente de leur parler au téléphone et c’est tout », ajoute-t-elle.

Pendant que certains observent à la lettre les recommandations des professionnels de la santé, d’autres continuent à vivre normalement. Zineb tient à dénoncer certains comportements irresponsables.

« Pendant que nous observons le confinement le plus strict pour protéger nos vies et celles des autres, d’autres personnes n’en ont cure. Ils continuent à organiser fêtes et réjouissances dans des villas louées par des particuliers. Musique et youyous en totale promiscuité, au vu et au su de tout le monde !  Il y a aussi des Spa qui organisent des journées Hammam et massage en assurant le transport aux femmes. Voilà pourquoi la courbe de contaminations ne sera pas brisée de sitôt ».

Le nombre de décès et de contaminations est en hausse depuis quelques semaines. Si de nombreux citoyens ont pris la mesure du danger de cette pandémie en limitant leurs déplacements au strict nécessaire et en adoptant les gestes barrières, d’autres semblent défier la maladie en continuant à faire la bamboula dans un déni absolu. Pendant ce temps, le décompte macabre des victimes de ce virus mortel se poursuit !

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