Économie

Covid-19, orientations économiques : des premiers chiffres de l’emploi inquiétants

L’alignement des planètes ne pouvait pas être aussi mauvais pour l’économie et l’emploi en Algérie depuis le début de l’année 2019.

Une crise politique qui empêche l’investissement de reprendre d’une manière significative, fermeture d’entreprises conséquemment à la même situation politique qui a vu l’emprisonnement de nombreux hommes d’affaires et des revirements sur certains choix économiques, pandémie, chute des prix de pétrole à des niveaux jamais vus, avant de remonter ces derniers mois, et enfin baisse de la valeur du dinar.

Quel est l’impact de tout cela sur l’économie du pays ? Le bilan précis ne semble pas avoir été encore établi, mais il est certain que tant d’épreuves ne peuvent pas engendrer des performances.

Les premiers chiffres officiels disponibles sont même inquiétants. L’Algérie a vécu une année 2020 noire pour l’emploi.

À l’exemple de celui dévoilé ce lundi 15 mars par le ministre du Travail et relatif aux secteurs de l’assemblage automobile et de l’industrie de montage des appareils électroménager.

Selon El Hachemi Djaâboub, pas moins de 51 000 emplois ont été perdus suite à la fermeture des usines de montage automobile et l’arrêt de l’importation des produits destinés au montage des appareils électroménagers.

« En 2020, il n’y a pas eu de créations d’emplois. Au contraire, il y a eu des pertes d’emplois pour des raisons que vous connaissez tous. Juste pour l’automobile et l’électroménager, on a perdu 51.000 emplois », a-t-il dit au cours d’une visite à Chlef.

Plus de 50 000 emplois ont été donc perdus dans deux secteurs industriels seulement et pendant la seule année 2020. Cela englobe l’ensemble de la chaîne, des usines de montage jusqu’aux show-rooms de vente et les points de service après-vente, l’importation ayant aussi été interdite.

Il faut néanmoins relativiser. Ces chiffres ne peuvent pas être extrapolés à l’ensemble de l’activité industrielle et économique, les deux secteurs concernés ayant connu un cataclysme conséquemment à un changement de cap du gouvernement en matière de politique économique.

Le dispositif CKD/SKD, introduit pour encourager l’industrie de l’électroménager et celle naissante de l’assemblage automobile, a été brusquement abandonné, n’ayant pas mené aux résultats escomptés notamment la mise en place d’une véritable industrie avec un taux d’intégration respectable et la réduction de la facture des importations.

« C’est de l’importation déguisée », avait conclu en 2018, à propos des usines d’assemblage de voitures, Mahdjoub Bedda, à l’époque ministre de l’Industrie, aujourd’hui emprisonné pour des faits liés à sa gestion du même dossier.

Les autres secteurs, même s’ils n’ont pas connu la même saignée, sont par ailleurs impactés par les autres facteurs précités. La pandémie de Covid-19 en tête.

En décembre dernier, Mohamed Chérif Belmihoub, alors ministre délégué chargé de la Prospective, estimait à 500 000 le nombre d’emplois perdus à cause de la situation imposée par le Covid-19.

Citant l’Office national des statistiques (ONS), Belmihoub avait précisé que les pertes d’emplois ont été plus significatives dans le secteur des services de base, comme les restaurants et les cafétérias dont la baisse de l’activité était estimée à 88 %.

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L’évaluation officielle et définitive se fait toujours attendre

Dans le bâtiment et les travaux publics (BTPH), l’activité avait baissé de 20 à 25 %, selon la même source. Le ministre avait reconnu que « le gouvernement s’est basé sur des données qui manquaient de précisions » d’où l’urgence de lancer une étude approfondie. Les résultats de l’étude devaient être dévoilés en janvier dernier, mais les chiffres précis se font toujours attendre.

En l’absence d’une évaluation officielle, d’autres parties se sont chargées dans la tâche, sans savoir quel crédit accorder à leurs conclusions. Dans la même période, c’est-à-dire début décembre, la secrétaire générale du Parti des Travailleurs dressait un tableau noir de la situation de l’emploi sur la foi de chiffres qu’elle a prêtés à des « études indépendantes ».

Selon Louisa Hanoune, « sur 7 millions de travailleurs à temps plein, environ 3 millions ont été contraints de cesser de travailler, dont 60 % dans le secteur privé et 35 % dans le public ». 400 000 travailleurs licenciés dans le privé, 800 000 mis au chômage technique, 870 000 emplois saisonniers perdus et 63 % des travailleurs indépendants ont arrêté de travailler, avait-t-elle détaillé dans un entretien au quotidien El Khabar.

Ces chiffres n’ont jamais été confirmés par une source officielle, ni démentis d’ailleurs, mais ils restent conjoncturels et il est certain que beaucoup parmi les travailleurs concernés ont retrouvé leur emploi à la faveur de la levée des mesures de confinement. D’autres travailleurs ont sans doute perdu leurs emplois en ce début d’année. Des informations non confirmées font état d’une hausse inquiétante du nombre d’entreprises ayant déposé le bilan.

Mais on ne peut pas supposer la même chose pour tous ceux qui ont perdu leur travail suite à la fermeture de différentes catégories d’entreprises : celles des hommes d’affaires anciens soutiens de Bouteflika, celles qui ont été impactées par l’arrêt des importations en dehors de l’automobile et de l’électroménager, celles qui ont simplement mis la clé sous le paillasson à cause de la baisse de la commande publique…

Là aussi, les chiffres officiels se font toujours attendre. En parallèle, et toujours selon le ministre du Travail, l’État a fait l’effort de titulariser quelques dizaines de milliers de jeunes du pré-emploi. 37 000 l’ont été ces trois derniers mois, portant le nombre total des titularisations à 57 000. Dans une conjoncture de baisse des revenus pétroliers, d’érosion des réserves de change et de désinvestissement, il est évident que l’État ne pouvait pas faire plus.

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