Économie

Crise dans le BTP en Algérie : « Dites-nous où l’on va ? »

Le secteur algérien du bâtiment s’enfonce dans la crise, avec des conséquences graves sur l’emploi et la sauvegarde de la capacité nationale de production de logements.

Une situation qui profite aux entreprises étrangères, notamment chinoises et turques, qui renforcent leur mainmise sur le BTP en Algérie.

Les professionnels du secteur du BTP font grise mine. Ils sont en pleine déprime. Le président de l’Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA), Mouloud Kheloufi, lance un appel de détresse et dresse un constat des plus sévères sur la situation des entreprises.

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« Il n’y a ni commande publique, ni dialogue ni concertation. L’entreprise algérienne est délaissée, livrée à elle-même », assène d’emblée le président de l’AGEA qui décrit un horizon bouché.

« La situation est alarmante. Personne ne sait où l’on va. Il n’y a aucune information. Tout le monde est dans l’attente. Certains qui en ont marre d’attendre ont fermé et changé d’activité », relate Kheloufi qui avance le chiffre d’un demi-million d’emplois perdus depuis l’avènement, en 2020, de la pandémie de la Covid-19.

« Depuis deux ans et demi le secteur du BTPH n’a pas cessé d’avoir des entraves, des bâtons dans les roues », déplore le président de l’AGEA. « En tant qu’organisation, on n’a pas cessé de faire des propositions, que ce soit en 2020, 2021 et même en 2022. Lors de la dernière réunion avec le Premier ministre, au courant du mois de Ramadan, on a été très clair : « Dites-nous où l’on va ? » », rappelle Kheloufi.

Il insiste encore et encore sur la nécessité que les pouvoirs publics initient un dialogue avec les acteurs du secteur du BTP, un moteur de l’économie qui s’éteint, alors que le dialogue social est au point mort.

« Récemment, j’ai appelé à la tenue en urgence d’une tripartite avant la rentrée sociale. De telle sorte que nous pourrions voir quels sont les voies et moyens pour remédier à la situation actuelle », affirme M. Kheloufi. Et de lancer comme un cri désespéré : « Aujourd’hui l’entreprise doit vivre. Si ce n’est pas le cas, cela veut dire que nous allons créer des chômeurs ».

La réalisation d’une mosquée confiée à une entreprise étrangère

L’amélioration de la situation financière du pays suite à l’envolée des prix du pétrole peut-elle constituer une opportunité pour extirper le secteur de son marasme ?

Kheloufi répond : « C’est aux autorités de décider, ce n’est pas une organisation comme la nôtre de le faire ».

Le président de l’AGEA se demande quelle perspective le gouvernement projette-t-il pour aider les entreprises du BTPH à faire face à la crise ?

« On a adopté des mesures en faveur des chômeurs, il y a eu des décisions sur le volet social. Mais économiquement parlant, il n’y a rien d’acquis », regrette-t-il.

Le président de l’AGEA déplore une tendance qui consiste à attendre les investissements étrangers directs, au lieu de fixer un objectif national « avec un patrimoine national, des entreprises et des ouvriers nationaux ».

Interrogé sur les capacités de réalisation dans le secteur, au moment où l’on avance un chiffre qui est passé de 80 000 à 20 000 logements par an durant la dernière décennie, Mouloud Kheloufi n’avance pas de chiffres mais confirme cette tendance baissière.

« On a élaboré une analyse du temps d’Abdelouahid Temmar (ancien ministre de l’habitat, ndlr), où il était question de 78 000 logements/an. Durant les années 2015, 2016 et 2017 on a carburé. Dès 2018 on a commencé à ne plus payer les entreprises et en 2019 tout s’est arrêté », note Kheloufi qui regrette qu’on n’ait pas poursuivi sur la lancée entre 2015 et 2017.

 « On a tout fait pour avoir des matériaux de construction fabriqués localement. En 2019, tout s’est arrêté. En 2020, il n’y a eu aucun projet, idem pour les années 2021 et 2022 », relève le patron de l’AGEA.

La crise qui affecte le BTP risque de coûter cher à l’Algérie qui ne dispose plus d’entreprises d’envergure pour réaliser ses logements, ses barrages et autres projets dans le bâtiment et les travaux publics. Selon des professionnels du secteur, il ne reste plus que deux entreprises à capitaux algériens qui sont en mesure de réaliser de grands problèmes de logements.

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Cette situation va renforcer la dépendance du pays aux entreprises étrangères, à qui le gouvernement confie désormais de petits projets comme la construction d’une mosquée à Sidi Abdallah dans la banlieue ouest d’Alger, alors que de nombreuses entreprises algériennes sont sevrées de plan de charge. 

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