Économie

Crise économique : « Il y a lieu d’agir en urgence » sur deux déficits

Dans le classement de la Banque mondiale des catégories de revenus par pays, l’Algérie passe de la catégorie de revenu intermédiaire supérieur  à celle de revenu intermédiaire inférieur. Quel commentaire en faites-vous ?

Brahim Guendouzi, économiste : l’économie algérienne a régulièrement figuré dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire (ni riche ni pauvre !) avec cependant une intermittence entre la tranche inférieure comme c’est le cas cette fois-ci, et la tranche supérieure, selon les conjonctures économiques.

Il est utile de rappeler que cet indicateur ne reflète pas le véritable poids économique et social d’un pays puisqu’à titre d’exemple si l’on compare le RNB de l’Allemagne avec 48520$ et le Qatar de l’ordre de 64310$ ou encore l’Inde  avec 2130 $.

Si l’on veut évaluer le bien-être d’une population, il faut s’intéresser à la manière dont les richesses sont réparties. D’où l’intérêt de recourir à l’indice de développement humain (IDH) qui est calculé depuis 1990 par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), dont l’initiateur est le prix Nobel Amartya Sen, permettant de classer les pays selon leur développement qualitatif et non pas quantitatif. Cet indicateur est construit à partir de variables tels que le revenu, la santé, l’éducation et la mortalité infantile. Sur ce plan, l’Algérie occupe un rang appréciable.

En plus de la classification des pays membres par zones géographiques, la Banque mondiale dispose d’un autre classement lui permettant de répartir les différentes économies nationales par catégorie de revenu et ce, à des fins de comparaison internationale. Ce classement repose sur le revenu national brut (RNB) par habitant, construit à partir des variables telles que la croissance du revenu de chaque pays, le niveau d’inflation, les taux de change et la démographie. Quatre groupes de pays sont distingués : ceux à faible revenu (RNB inférieur à 1026$ par habitant et par an), à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (RNB compris dans la fourchette 1016$ – 3995$), à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (RNB compris entre 3995$ et 12375$) et enfin à revenu élevé (RNB supérieur à 12375$). La position de l’Algérie dans le classement annoncé le 1er juillet 2020 est en recul puisque le RNB passe de 4060$ à 3 970 $ sur la base des résultats économiques de 2019.

La Banque africaine de développement (BAD) a publié mardi un rapport classant l’Algérie parmi les pays les plus touchés par la récession en Afrique en 2020. Qu’y a-t-il lieu de faire pour atténuer les effets de cette récession qui s’annonce ?

Il est clair que l’économie algérienne subit de plein fouet les effets de la pandémie Covid-19 tant sur le plan sanitaire que par rapport à la situation économique et sociale. Tout d’abord, la gestion de la crise sanitaire elle-même nécessite la mobilisation des ressources financières considérables pour la prise en charge de l’ensemble des établissements de santé en termes de frais liés aux soins, à la mortalité et à la morbidité, mesures de protection, réorganisation, renforcement en personnels, etc. Ensuite avec le confinement des populations, plusieurs secteurs d’activités sont entrés en crise comme par exemple les transports particulièrement l’aérien, le BTP, l’hôtellerie et la restauration, etc., nécessitant un accompagnement public pour au moins sauvegarder les postes de travail. Enfin, il y a le manque à gagner considérable touchant les recettes d’exportations à cause du revirement brutal du marché pétrolier international ainsi que de la situation du marché gazier européen principal débouché du gaz algérien.

Quel sera l’impact de cette récession sur l’emploi, les revenus, le déficit budgétaire ?

D’ores et déjà deux importants déficits doivent faire l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics car ils symbolisent actuellement les vulnérabilités de l’économie algérienne : le déficit budgétaire et le déficit de la balance des paiements. Il y a lieu d’agir en urgence à ces deux niveaux pour permettre le retour à des conditions de relance de la croissance économique. Auquel cas, il risque d’y avoir une aggravation du chômage et l’apparition de tendances inflationnistes, susceptibles de rendre encore plus complexe le processus des réformes économiques et la stabilité sociale. Une attention particulière doit être portée sur le niveau des réserves de change si l’on veut garder une marge de manœuvre rassurante pour la suite des événements.

Que doit intégrer le plan de relance économique en préparation ? 

Le plan de relance économique et sociale en préparation se doit en premier lieu de fixer des objectifs clairs et concrets qui feront sortir l’économie algérienne le plus tôt possible de la récession économique. Des moyens et ressources adéquats sont indispensables pour la concrétisation de ces objectifs suivant un échéancier précis. L’adhésion de l’ensemble des opérateurs économiques garantira le succès ou l’échec. Plus précisément, il y a lieu de redonner à l’entreprise la place qui lui sied car elle est à la source de la création des richesses. L’ensemble des mesures à prendre doivent alors concerner la consolidation des entreprises et la relance des investissements. Aussi, la recherche de nouvelles sources de croissance économique ainsi que la lutte contre l’évasion fiscale, la fraude fiscale et la surfacturation dans les opérations d’importation, s’avèrent un atout dans la démarche engagée.  Les pouvoirs publics ont montré aussi leur volonté de rester sur la ligne d’un État social et de garder l’ensemble des mesures en faveur des couches sociales fragiles. Néanmoins, la grande question sur les financements tant nécessaires à la relance économique et sociale, n’est pas tranchée nettement et efficacement, le doute persistera quant aux chances de réussite d’une telle démarche !

Est-ce que le gouvernement a tardé à prendre les mesures adéquates ?

L’action gouvernementale a cherché dans un premier temps à contenir, autant que faire se peut, la crise sanitaire sachant à l’avance l’état dans lequel se trouvait le secteur de la santé. Les effets économiques et sociaux de la pandémie de coronavirus ont ensuite trouvé écho, mais il fallait faire une évaluation des retombées négatives sur le tissu économique en concertation avec les syndicats et les organisations professionnelles. Certaines mesures d’ordre fiscales, parafiscales et bancaires sont déjà prises pour éviter la paralysie d’un grand nombre d’entreprises. Cela reste cependant largement insuffisant tant que la pandémie est encore dangereuse.

 

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