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Croissance, privatisations, inflation, emploi, dinar : ce qui nous attend en 2018

Croissance, privatisations, inflation, emploi, dinar : ce qui nous attend en 2018

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Vue sur la Grande Poste, Alger-Centre

L’année 2018 a été programmée par le gouvernement algérien comme une année de transition « soft » vers l’échéance présidentielle d’avril 2019. Pour parvenir à cet objectif, les pouvoirs publics ont mis en œuvre des moyens législatifs et économiques « exceptionnels » à travers notamment une relance massive des dépenses publiques et la mise en route de la « planche à billets » qui viennent d’être actés par la Loi de finances 2018 et celle sur le financement non conventionnel.

Ce scénario de relance de l’activité et des dépenses destiné à maintenir des transferts sociaux tous azimuts et empêcher la montée du chômage pourrait cependant être contrarié dès l’année prochaine par la montée du péril inflationniste qui pointe à l’horizon ainsi que par des déséquilibres macroéconomiques persistants qui érodent les réserves de change et gonflent les déficits publics.

La paix sociale elle-même s’en trouvera-t-elle menacée ainsi que beaucoup de mouvement de grèves annoncés pour le début de l’année prochaine semblent le présager ?

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Suivant un scénario très classique et en l’absence d’un processus de réformes économiques sérieuses et d’envergure, la vraie planche de salut pour le scénario économique et politique élaboré par les autorités algériennes sera encore constituée en 2018 par des cours pétroliers qui semblent (pour l’instant) orientés résolument à la hausse. Le Brent, référence le pétrole algérien, a clôturé l’année au-dessus de 66 dollars.

Le plan d’action du gouvernement Ouyahia peut-il sauver la croissance en 2018 ?

Si on en juge par les prévisions des institutions financières internationales, l’année 2018 devrait être celle de « tous les dangers » pour la croissance économique. « Moins d’1% », annonçaient en chœur le FMI et la Banque mondiale au printemps dernier, dans le prolongement de la mise en œuvre depuis 2 ans par le gouvernement algérien d’un plan (trop) ambitieux de réduction des dépenses publiques d’investissement.

Un scénario qui a finalement été jugé inacceptable pour les autorités algériennes à la veille d’une échéance électorale capitale. Un virage à 180 degrés a été opéré au cours de l’été 2017. La « trajectoire budgétaire 2016 – 2019 »  est mise entre parenthèse, jusqu’en 2019 nous promet-on. Place désormais au plan d’action du gouvernement Ouyahia dont l’aspect principal est une relance massive des dépenses publiques (plus 25%) destinées à sauver la croissance et l’emploi.

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La Loi de finances 2018 affiche un objectif très ambitieux de 4% de croissance pour l’année prochaine. Un pari, et un calcul, à court terme, mais qui pourrait bien être gagné. La croissance des dépenses publiques se concentre en effet essentiellement sur les dépenses d’équipement (plus 60% en tenant compte des arriérés de paiement aux entreprises qui vont pouvoir souffler financièrement). Elle évite également la relance des grands projets d’équipement très gourmands en importations et cherche à privilégier les entreprises de réalisation nationales ainsi que la commande adressée aux entreprises locales.

Autre bonne nouvelle, le secteur des hydrocarbures, qui plombait la croissance globale de l’économie depuis près d’une décennie, a redémarré depuis 2017 et la tendance devrait se poursuivre l’année prochaine.

La croissance devrait donc être au rendez vous en 2018. Seul (mais gros) problème : une telle opération de stimulation de l’activité économique, rendue possible uniquement par le financement monétaire du déficit public  à hauteur de 1.800 milliards de dinars pour 2018, selon le ministre des Finances ), sera bien difficile et périlleuse à renouveler au cours des années suivantes sans engendrer un risque majeur de dérapage inflationniste.

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La hausse du chômage endiguée

L’enjeu de la relance de l’économie est aussi celui de l’emploi. Les mêmes institutions financières internationales prédisaient pour 2017 et 2018 une hausse spectaculaire du taux de chômage.

Le FMI annonçait 300.000 chômeurs en plus en 2 ans. Les premiers chiffres publiés par l’ONS en Avril 2017 semblaient leur donner raison. À cette date, le taux de chômage mesuré officiellement avait atteint 12,3% contre 10,5% en septembre 2016.

Les nouvelles sont meilleures depuis quelques semaines. Les chiffres rendus publics par l’ONS à la mi-décembre annoncent un taux de chômage de 11,7% en septembre 2017. La population au chômage est estimée à 1,44 million de personnes durant la même période. Un chiffre qui marque une légère amélioration comparé aux 1,508 million de chômeurs d’avril dernier.

En dépit du gel des recrutements dans la fonction publique (hors éducation et santé), cette tendance au recul du chômage favorisée par la relance des dépenses de l’État devrait se poursuivre en 2018  grâce à la création d’emplois principalement dans les secteurs du BTP et des services.

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Inflation , la grande inconnue

Le rythme de l’inflation s’annonce comme la  grande inconnue de l’année à venir. De nombreuses augmentations de prix sont déjà programmées dès le 1er janvier. Elles concernent principalement les carburants ainsi que les tarifs des transports de voyageurs sur lesquels un accord aurait été atteint entre les transporteurs privés et le ministère.

Ces premières annonces sont-elles le prélude à un dérapage inflationniste majeur en 2018 ? Pas sûr.

Dans l’immédiat, les pressions inflationnistes seront surtout alimentées en 2018 par une série d’augmentations de taxes. Il s’agit principalement des tarifs douaniers appliqués (jusqu’à 60%) à une série de produits fabriqués localement ou dont on souhaite favoriser le montage local (téléphones portables, matériel informatique, etc.). Il s’agit aussi de taxes intérieures élevées sur des produits réputés de luxe ou nocifs pour la santé comme les alcools ou les tabacs. L’ impact exact de ces mesures sur le niveau de l’inflation reste cependant pour l’instant difficile à évaluer.

Un autre élément de politique économique est susceptible d’alimenter l’inflation au cours des mois à venir. Il s’agit des restrictions de l’offre pour les produits importés. Les quotas sur les importations de véhicules ont déjà logiquement poussé les prix à la hausse aussi bien pour les véhicules neufs que pour ceux d’occasion. Le maintien d’une gestion administrative d’une partie des importations fait donc également planer le risque de nouvelles hausses des prix pour les produits concernés qui risquent d’être importés par des moyens détournés.

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Pas de dérapage

Si l’impact des augmentations de taxes et des restrictions à l’importation sur les tensions inflationnistes ne sera certainement pas négligeable, il ne devrait cependant pas suffire à provoquer un véritable emballement de la hausse des prix en 2018 .

On peut souligner d’abord qu’un secteur qui pèse un poids considérable dans les dépenses des Algériens restera à l’abri des augmentations de prix. Il s’agit des produits de première nécessité ainsi que des tarifs des services subventionnés. Aucune augmentation en vue dans ce domaine ni pour les tarifs de l’électricité ni pour ceux de l’eau.

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Autre facteur de réduction du risque inflationniste, la politique de stabilisation de la valeur officielle du dinar qui a permis d’éviter un emballement de l’« inflation importée » en 2017  devrait se maintenir en 2018.  Le ministre des Finances annonce dans ce domaine un cours de 115 dinars pour un dollar tout au long de l’année à venir.

Reste évidemment le risque d’inflation porté par la mise en route de la « planche à billets ». En fonction de la taille du déficit budgétaire réel (plus de 2.000 milliards de dinars de déficit prévu par la LF 2018), le gouvernement pourrait compter de plus en plus  sur la création monétaire avec les dangers qu’elle comporte en matière d’accélération de l’inflation. Si on en juge par les différentes contributions de spécialistes, ce risque, potentiellement très important au cours des prochaines années, ne devrait cependant pas se concrétiser de façon significative au cours de l’année à venir.

Dinar, vers le grand écart ?

La stabilisation de sa valeur officielle n’a pas empêché le dinar de continuer à plonger  sur le marché parallèle où il a atteint en 2017 des niveaux supérieurs à 205 dinars pour un euro. Le « différentiel » entre les deux taux, officiel et parallèle, atteint désormais des niveaux records supérieurs à 50%.

La tendance devrait se poursuivre en 2018 et le dinar risque de faire cette année le grand écart. La pression sur la valeur du dinar sur le marché parallèle devrait être favorisée, notamment, au cours de l’année à venir, par les restrictions imposées aux importations officielles de certains produits finis qui susciteront une relance du phénomène d’importation « par le cabat ».

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