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Des vaches tunisiennes de contrebande en Algérie

Des vaches tunisiennes de contrebande en Algérie

Depuis quelques semaines le flot de vaches tunisiennes qui arrivent en Algérie s’est accru. Entre le prix élevé des fourrages et celui peu rémunérateur du lait, des éleveurs tunisiens font franchir la frontière algérienne à leurs animaux.

Avantage : les prix élevés du marché algérien sur lequel la viande rouge est actuellement sous tension.

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Étonnant paradoxe que cette situation. Pendant des années, ce sont des troupeaux de moutons qui quittaient illégalement le territoire algérien vers les pays voisins.

La Tunisie se vide de son cheptel laitier

La presse tunisienne regorge de témoignages de saisies d’animaux de contrebande réalisées par les services des douanes.

Fin octobre à Kairouan, les services de sécurité ont contrôlé une camionnette destinée au transport de vaches et de veaux vers la wilaya de Tébessa.

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Dès 2021, la police des frontières a procédé à des arrestations. Le plus souvent de simples camionnettes comme à Jendouba. Deux véhicules transportant chacun trois animaux avaient été arrêtés alors qu’ils roulaient vers la frontière algérienne.

Les six bovins représentaient une valeur de plus de 11.000 dinars tunisiens. En Algérie, les contrebandiers en auraient tiré 15 fois plus. Parfois ce sont des camions entiers qui sont utilisés. Avec plusieurs centaines de kilomètres, la frontière est difficilement contrôlable et environ 250 bovins passent chaque jour la frontière.

Crise de la filière tunisienne

Cette hémorragie est liée à la grave crise que connaît actuellement la filière laitière tunisienne. Une filière qui était pourtant performante. En 2016, le surplus de lait produit en Tunisie était tel que l’unité de séchage de Mornaguia avait entrepris de transformer en poudre 10 millions de litres de lait frais.

Aujourd’hui cette filière doit compter, avec la flambée du prix des aliments concentrés importés, une hausse alimentée par la guerre en Ukraine et qui a entraîné une augmentation de 56 % du poste alimentation des vaches laitières.

La solution pourrait passer par une augmentation du prix de vente du lait. Mais, comme en Algérie, ce prix est administré et toute augmentation risquerait de déséquilibrer le budget des ménages à faible revenu.

Aussi des éleveurs préfèrent vendre une partie de leur cheptel vers l’Algérie où la demande en viande rouge est actuellement sous tension avec sur les étalages des prix de 2 000 DA le kilo.

Importations algériennes de viande

Traditionnellement, l’Algérie importe d’Espagne de jeunes veaux, des « broutards« . Ceux-ci sont d’abord mis en quarantaine sanitaire dans des lazarets, puis engraissés dans des exploitations spécialisées.

Mais le ralentissement actuel des échanges économiques entre les deux pays a tari cette source. Quant à l’importation depuis le port français de Sète de taurillons prêt à l’abattage, elle a été marquée par un épisode dramatique.

Début septembre, pour raisons sanitaires, plus de 780 taurillons sont restés bloqués sur un navire au large d’Alger. Les animaux sont repartis en France où ils ont été euthanasiés. Le quotidien français Libération avait parlé alors de « maltraitance animale » et l’ONG Welfarm avait appelé à « mettre fin à l’exportation d’animaux vivants ».

D’autres sources d’approvisionnement sont explorées. C’est le cas de l’importation d’animaux en provenance des pays du Sahel.

Veaux à l’engraissement, jusqu’à 7 kg d’orge par jour

En février dernier, dans les colonnes du quotidien El Watan, Mohamed Taher Ramram, président de l’Association des grossistes en viande, dénonçait le fait que « les veaux importés sont monopolisés par seulement 3 importateurs qui contrôlent le marché ; or, il n’est pas possible de résoudre le problème de la viande rouge qu’en donnant la possibilité à d’autres qui souhaitent investir dans ce créneau ».

À cela s’ajoute, comme en Tunisie, une hausse du prix des fourrages et des aliments concentrés importés. La spectaculaire augmentation de maïs ensilage provenant de parcelles sous pivot d’irrigation du sud du pays ne suffit pas.

Pour faire passer un jeune broutard Charolais de 320 kg à 720 kg, il faut lui fournir quotidiennement jusqu’à 7 kg d’orge, plus de 1,5 kg de tourteaux de soja et de la paille en abondance. Le coût de ce type de ration atteint aujourd’hui des sommets astronomiques.

Concertation entre nutritionnistes, filière agricole et pouvoirs publics

Pour les nutritionnistes, il s’agit avant tout d’assurer au consommateur algérien, et surtout aux plus jeunes d’entre eux, un niveau approprié en acides aminés essentiels. On oublie trop souvent, que ceux-ci se trouvent autant dans les protéines d’origine animale que végétale. Le plat national constitué de couscous aux pois chiche est là pour le rappeler.

Aussi, affirmer qu’une consommation de viande rouge de 14,4 kg par an par habitant en Algérie représente « un niveau relativement faible comparativement aux pays industrialisés » nécessite une concertation entre nutritionnistes, filière agricole et pouvoirs publics.

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