Économie

Destiné à encourager la production nationale : le DAPS résistera-t-il aux lobbies de l’importation ?

L’arrêté ministériel fixant la liste des marchandises soumises au dispositif additionnel provisoire de sauvegarde (DAPS) et les taux correspondants a été publié au Journal officiel.

Comme déjà annoncé, les taxes additionnelles oscillent entre 30 et 200% de la valeur du produit. Comme aussi déjà expliqué par le ministère du Commerce, la taxation se fera proportionnellement à la capacité de la production nationale à assurer la disponibilité du produit.

Comme tous les dispositifs précédents, mis en place puis abandonnés faute d’efficacité, le DAPS est un outil d’encadrement des importations avec des objectifs multiples, dont une légère réduction de la facture globale des importations et l’encouragement de l’outil productif national.

Depuis 2016, le gouvernement a essayé plusieurs formules pour réduire la facture des importations et freiner l’érosion des réserves de changes. L’interdiction totale de l’importation de certains produits et l’imposition de licences pour d’autres n’ont pas donné les résultats escomptés.

La facture des importations est restée à des niveaux élevés car les principaux produits qui portent vers le haut la facture ne pouvaient être touchés par les restrictions, à savoir les équipements industriels, les matières premières et les produits de consommation de première nécessité.

Le DAPS, institué par la loi de finances complémentaire 2018, fera-t-il mieux dans ce registre ? Pour les mêmes raisons citées, il ne faudra pas se faire trop d’illusions. Le nouveau dispositif porte sur 1095 produits, soit presque les mêmes que ceux qui étaient soumis aux précédentes mesures de restriction, excluant les marchandises qui pèsent lourd dans la facture des importations.

Le meilleur exemple, c’est les véhicules soumis au régime de restriction mais qui peuvent toujours être importés sous forme de collections destinées à l’industrie de montage naissante, sans que le DAPS leur soit appliqué. Les derniers chiffres des douanes rendus publics début décembre font état de « l’explosion » de la facture d’importation des collections CKD : 2,38 milliards de dollars sur les dix premiers mois de 2018 contre 1,27 milliard de dollars sur la même période de 2017. Le chiffre devrait encore augmenter au vu des objectifs de production déclarés par les constructeurs déjà en place ainsi que de l’entrée en production d’usines de nouvelles marques.

La facture globale des importations ne baissera pas significativement et même le gouvernement ne s’y attend pas en prévoyant dans la loi de finances 44 milliards de dollars d’importations pour l’exercice 2019 (sans les services), soit 1.5 milliard de moins que les prévisions pour 2018.

Mais tout n’est pas à jeter dans le DAPS. Avec ce nouveau dispositif, le gouvernement veut éviter les effets indésirables de l’interdiction totale de l’importation de certains produits et de l’imposition de quotas pour d’autres. Ces retombées néfastes sont les pénuries et la flambée des prix des marchandises concernées. Il s’agit donc d’une forme de souplesse qui permettra la disponibilité sur le marché de marchandises que l’outil de production national ne peut pas fournir en quantités suffisantes. Quant aux prix, le nouveau dispositif constitue un mécanisme d’équilibrage, puisque les taxes seront appliquées différemment (30, 50, 60, 70, 120 et 200%), soit proportionnellement à la satisfaction de la demande par la production locale et à la demande sur le produit.

Le gouvernement n’a fixé aucun objectif chiffré, mais il est évident que les très fortes taxes (additionnelles, donc en plus de celle déjà prévues par la réglementation) qui seront appliquées sur de nombreux produits renfloueront les caisses publiques qui accusaient jusque-là un énorme manque à gagner du fait de l’entrée de certaines marchandises de manière illégale, par le biais de la contrebande ou de la fausse déclaration douanière.

Mais le DAPS est surtout une mesure « protectionniste ». Ce sera un outil efficace pour l’encouragement du tissu productif national. Cet objectif est visible à travers les taux de taxation prévus pour certains produits. Par exemple, le ciment est le seul produit auquel s’appliquera la taxe maximale, soit 200%, car produit en quantités suffisantes par les nombreuses cimenteries ouvertes ces dernières années. Le ciment algérien commence même à être exporté vers de nombreux pays, comme la Mauritanie.

Les fruits et légumes (hormis la banane), les viandes, et les appareils électroménagers, produits localement mais en quantités insuffisantes pour couvrir toute la demande, sont soumis à des taxes additionnelles comprises entre 60 et 120%. Soit un subtil dosage entre le souci d’encourager l’agriculture et l’industrie nationales et celui d’éviter les pénuries et la flambée des prix.

Il reste aux autorités d’éviter les empressements du passé et de patienter avant de tirer des conclusions sur l’efficacité ou non du DAPS, car un tel dispositif ne peut être évalué que sur la durée. Il faudra surtout montrer plus de résistance face aux lobbies qui, assurément, ne tarderont pas à entrer en action.

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