Politique

Détenus d’opinion : les plaidoyers des avocats Kesentini et Badi

De plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer la libération des détenus d’opinion et politiques en Algérie et l’arrêt des poursuites contre les activistes, en pointant les conséquences sur l’image et la crédibilité du pays à l’étranger.

L’avocat Abdelghani Badi, constitué dans plusieurs affaires de détenus d’opinion, appelle le pouvoir à « plier le dossier en cette nouvelle année ». Dans un entretien à El Khabar paru ce mercredi 6 janvier, l’avocat a évoqué le cas du journaliste Khaled Drareni, incarcéré depuis 9 mois et condamné à 2 ans de prison ferme.

« Il est certain que son état ne peut pas être bon. Il ne se plaint jamais, non pas qu’il ne souffre pas, mais parce qu’il est fort et digne (…) Il n’a jamais demandé à améliorer ses conditions de détention, parce que son message depuis le début était d’améliorer le sort des Algériens », indique-t-il.

L’avocat révèle qu’une coordination est en cours pour tenter de faire libérer le journaliste grâce à la même procédure qui avait permis à Karim Tabbou de retrouver la liberté en juillet dernier mais se dit convaincu que « la question est purement politique ».

« La remise en liberté (de Drareni) dépend d’un contexte politique différent (…) Malheureusement, il n’y a aucun indicateur ou orientation. Nous espérons tout de même que la raison prévaudra dans l’affaire de Khaled Drareni et celle des détenus politiques durant cette nouvelle année », note l’avocat.

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L’acquittement prononcé samedi dernier par le tribunal militaire de Blida en faveur de Saïd Bouteflika, les généraux Tartag et Toufik ainsi que Louisa Hanoune, avait été suivi par des appels à étendre l’élargissement aux détenus d’opinion.

Sur ce point, Me Badi se veut prudent. « Il est difficile de faire de pronostic (…) Le pouvoir pense qu’il peut encore faire pression par le musellement des libertés. Par conséquent, même s’il est dans l’intention du pouvoir de libérer les détenus d’opinion, comme ce fut le cas en janvier 2020, ce ne sera que conjoncturel avant de retourner vers la répression », explique l’avocat qui n’exclut néanmoins pas une atténuation de la pression à des fins politiques, voire une tentative du pouvoir « d’amadouer le peuple en vue de le rallier à ses projets futurs pour mieux s’y infiltrer ».

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L’année 2020 avait pour rappel débuté par la remise en liberté le 2 janvier de près de 80 détenus d’opinion d’un coup, dont le moudjahid Lakhdar Bouregaâ, qui décèdera en novembre.

Mais les arrestations, poursuites et condamnations des activistes se sont poursuivies tout au long de l’année. Dans son dernier décompte daté du 4 janvier, le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) a estimé le nombre de détenus d’opinion à 87. Certains ont été arrêtés durant l’année 2019 et attendent toujours leur jugement, comme les deux candidats à l’élection présidentielle de 2018 Ali Ghediri et Rachid Nekkaz.

« L’Algérie perd beaucoup de sa crédibilité »

« Il est temps que cela cesse. Surtout si ces personnes sont condamnées pour leurs idées », estime de son côté l’avocat Farouk Ksentini dans une déclaration  au site l’Info, soulignant que les seules limites qui devraient exister selon lui sont « la violence, la diffamation et l’injure ».

« On peut répondre par la plume à quelqu’un dont on ne partage pas les idées », soutient l’ex-président de la Commission nationale consultative de protection des droits de l’Homme (CNCPDH, officielle), ajoutant qu’un « excès de plume ou de langage ne peut pas se traduire par une peine d’emprisonnement ».

« Si quelqu’un tient des propos désobligeants ou désagréables, il faut lui répondre par la plume et pas par un emprisonnement. La prison, pour moi, est un échec de la société, un échec social tout court », assène l’avocat, qui met en avant les retombées que peuvent avoir de telles décisions sur la crédibilité de l’Algérie sur la scène internationale.

« J’ai bien apprécié cette situation lorsque j’étais à la tête de la commission (CNCPDH). Cela nous porte à l’extérieur un préjudice incommensurable (…) L’Algérie perd beaucoup de sa crédibilité. Elle perd aussi des gens qui avaient de la sympathie pour elle. Ces gens finissent, en raison de ces condamnations, par s’en éloigner et nous condamner moralement », reconnait-il.

En novembre dernier, la Parlement européen avait voté une résolution condamnant la dégradation de la situation des droits de l’Homme en Algérie et appelant à la libération de tous les détenus d’opinion.

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