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Dialogue : quelles chances pour l’offre de Tebboune ?

Dialogue : quelles chances pour l’offre de Tebboune ?

Pour sa première sortie publique après son élection, Abdelmadjid Tebboune a lancé vendredi un appel solennel au dialogue avec le hirak populaire, qu’il a encensé et qualifié de « béni ».

Si d’aucuns ont salué ce net changement de discours par rapport à ce qui a été entendu jusque-là, beaucoup s’interrogent en revanche sur les chances de l’appel du nouveau président d’aboutir en l’état actuel des choses.

Ce n’est en effet pas la première fois depuis le début de la crise que le pouvoir tente d’amener le mouvement populaire à se choisir des représentants qui viendront « discuter ».

Toutes les tentatives n’ont pas eu le succès souhaité. Le premier appel au dialogue a été lancé par le chef de l’État par intérim au plus fort de la contestation, en avril.

L’objet était la préparation de l’élection présidentielle prévue le 4 juillet. Le 22 du même mois, seuls quelques partis sans poids étaient venus à la conférence organisée à la présidence. L’échec est retentissant.

Début juin, Abdelkader Bensalah revient à la charge et lance un appel au dialogue dans les mêmes termes. Ceux qui avaient prédit un autre fiasco pour l’offre, identique à la précédente, ne s’étaient pas trompés.

Le pouvoir a dû reporter la présidentielle, pour la deuxième fois après l’annulation de celle du 28 avril. Début juillet, le même Bensalah annonce une nouvelle approche : un dialogue entre la classe politique, sans la participation d’aucune institution de l’État, ni la présidence ni l’armée.

Mais l’objet est le même, soit la mise en place des conditions idoines pour l’organisation de la présidentielle. L’obsession du pouvoir depuis la démission du président Bouteflika, le 2 avril, était d’élire un nouveau président et de ne pas s’écarter de « la voie constitutionnelle », et celle de la rue d’imposer une véritable transition démocratique qui aboutirait sur des élections qui ne se teindraient pas sous l’égide des « figures du système ».

L’échec est de nouveau au rendez-vous et le pouvoir a opté pour le passage en force, multipliant les tentatives de diaboliser et d’affaiblir le hirak et imposant une parodie de dialogue.

Celui-ci a bien eu lieu, mais il a été boycotté par l’opposition et les principales figures du hirak, et ses résultats n’ont pas dévié de la feuille de route du pouvoir. L’instance de médiation de Karim Younès a permis notamment la mise en place d’une autorité « indépendante » d’organisation des élections.

Ces écueils qu’il faudra lever

Le pouvoir a fini par organiser le scrutin et un président a été élu le 12 décembre, au moment où des milliers d’Algériens étaient dans la rue pour rejeter la présidentielle.

Sauf que le hirak a lui aussi gardé le cap sur ses objectifs, ne manquant pas un seul mardi ou vendredi pendant dix mois.

Outre le boycott du scrutin par une bonne partie de la population, le pouvoir a dû constater dès le lendemain du vote que rien n’est en fait réglé puisque les rues d’Alger et des autres grandes villes étaient toujours noires de manifestants qui scandent les mêmes slogans.

Le pouvoir n’ayant pas d’échéance à faire passer cette fois, l’appel au dialogue de Tebboune ne peut avoir pour visée que de mettre fin aux marches populaires.

Certes, le fait accompli de son élection change quelque peu la donne, mais sans doute pas suffisamment pour amener le mouvement populaire à dévier de la ligne directrice à l’origine de sa longévité : pas de tête qui dépasse, pas de représentation, pas de négociation sur autre chose que l’amorce d’une transition démocratique véritable.

Le premier écueil est donc intrinsèque au hirak, réticent à toute idée de représentation. On a vu par exemple comment l’universitaire Islam Benattia, pourtant très respecté des manifestants, a été vilipendé ces deux derniers jours sur les réseaux sociaux pour avoir juste évoqué la faisabilité de l’idée de la représentation et du dialogue.

En un mot, le mouvement populaire ne semble pas près de se défaire de l’horizontalité qui a fait jusque-là sa force et son immunité. Vendredi, les manifestants ont réitéré leur rejet de la présidentielle et de ses résultats. Ce mardi, ils auront une autre occasion pour s’exprimer sur l’offre de Tebboune, à l’occasion du 43e mardi des étudiants.

Les premières réactions des partis et personnalités politiques comme le PLJ, le MSP et Kari Younes, à l’offre de Tebboune insistent sur la nécessité de réunir les conditions pour la réussite du dialogue, notamment la libération des détenus du hirak et la fin des restrictions imposées aux médias.

Mais il reste une inconnue : les véritables intentions du pouvoir. Va-t-il discuter avec de faux représentants du hirak ? Est-il prêt à faire des concessions ? Le nouveau président n’a pas encore explicité l’objet du dialogue auquel il a appelé et, sur le terrain, aucun pas n’est fait dans le sens de l’apaisement. À ce stade, le hirak a bien des raisons de se méfier…

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