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Dilapidation de l’argent du pétrole : la corruption n’explique pas tout

Dilapidation de l’argent du pétrole : la corruption n’explique pas tout

Les affaires judiciaires défraient la chronique et c’est tout l’Etat de non droit mis en place durant les années Bouteflika qui remonte à la surface.

Autour d’une coterie d’oligarques, un système de prédation a été mis en place et beaucoup en ont profité ou laissé faire : Premiers ministres, ministres, walis, cadres supérieurs… Les Algériens découvrent ahuris l’ampleur des détournements et de l’impunité et ont désormais un début d’explication aux lancinantes questions posées depuis déjà quelques années : où sont passés les mille milliards de dollars des revenus des hydrocarbures de ces vingt dernières années, et comment une telle manne n’a pas permis au pays d’avancer comme il devait le faire sur la voie du développement ?

Un début de réponse, mais pas toute la réponse. La commande publique a été mal gérée et fait des heureux, créant de nouveaux riches et enrichissant davantage ceux qui l’étaient déjà. Mais elle a surtout été mal pensée, comme toute la stratégie de développement des pouvoirs publics, si l’on peut appeler stratégie les errements et les lois aux antipodes les unes des autres adoptées par les gouvernements successifs de Bouteflika.

En arrivant au pouvoir en 1999, l’ancien président s’était engagé à rétablir la paix civile après une décennie de terrorisme, de rendre à l’Algérie sa place dans le concert des nations et de relancer la machine économique. En vingt ans de règne, seule la première promesse a été tenue.

Bouteflika ne s’est engagé sur rien en matière de démocratisation du pays, il n’y croyait pas. De ce fait, le régime qu’il avait institué n’était pas de nature à permettre une gestion saine et un contrôle rigoureux des finances ou un débat démocratique sur les politiques publiques, hypothéquant de fait la réalisation des deux autres objectifs.

Outre donc les gros marchés publics octroyés systématiquement aux mêmes hommes d’affaires, les filières partagées comme des chasses gardées par les mêmes clientèles du pouvoir et les montants faramineux transférés à l’étranger par divers moyens, l’Algérie a été freinée dans son développement par une autre tare de son système de gouvernance : le gaspillage et la navigation à vue.

Officiellement, Bouteflika a toujours fait de la relance de l’économie sa priorité, mais il n’a jamais semblé savoir comment s’y prendre. Par exemple, en vingt ans, la question centrale du statut des entreprises publiques n’a pas été tranchée. Des unités ont été privatisées au gré des seuls intérêts de l’oligarchie nationale et parfois étrangère et celles laissées dans le giron de l’Etat ont saigné la bourse publique au fil des plans de restructuration et autres programmes d’assainissement.

Le choix de l’économie de marché est pris depuis trente ans mais l’Etat fabrique encore des allumettes et gère des hôtels, souvent déficitaires.

La planche à billets, la dernière incurie

Même quand une question économique d’importance est tranchée, c’est rarement le fruit d’une large concertation des experts et des acteurs de la filière et c’est jamais en application d’une stratégie claire et d’objectifs précis.

Le président omnipotent décidait de tout, du moins jusqu’à sa maladie en 2013. C’est lui par exemple qui a fait adopter par un gouvernement et un parlement effacés une loi sur les hydrocarbures « libérale », puis une autre « conservatrice » au bout de seulement deux années.

Lorsqu’une seule personne, ou un cercle restreint, détient tous les pouvoirs de décision sans possibilité de débat, le risque de dérapage et d’échec n’est jamais loin et l’Algérie l’a vérifié à ses dépens durant le long règne de Bouteflika.

Le vaste programme d’infrastructures et d’équipement publics aurait peut-être moins saigné les caisses de l’Etat si des études de rentabilité avaient été effectuées et si on avait eu recours à l’expertise d’organismes nationaux et internationaux.

Des sommes faramineuses ont été dépensées pour l’agriculture sans aucune stratégie de développement des filières et d’autres non moins importantes ont été englouties par les dispositifs d’emploi des jeunes avec toujours une arrière-pensée populiste. Mais la plus grande incurie du système de Bouteflika fut sans doute le blocage arbitraire de l’investissement national productif et le découragement du capital étranger par la règle des 51/49 et une chronique instabilité du dispositif législatif.

Après 2014 et la chute brutale des prix du pétrole, la maladie de Bouteflika aidant, les pouvoirs publics ont plus que jamais cafouillé, improvisé et navigué à vue, comme on l’a vu dans leurs tentatives désespérées de réduire la facture des importations et de mettre un terme à l’économie de bazar née dans les années fastes du pétrole cher.

Leur dernière gabegie fut de recourir à la solution facile de la planche à billets dont les effets seront, promettent les moins alarmistes, désastreux pour le pouvoir d’achat des citoyens à moyen et peut-être même à court termes.

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