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Discours de Gaid Salah : entretien croisé avec Louisa Ait Hamadouche et Mokhtar Said Mediouni

Discours de Gaid Salah : entretien croisé avec Louisa Ait Hamadouche et Mokhtar Said Mediouni

Le chef d’état-major a prononcé ce mardi un discours sur la situation politique où il s’est prononcé sur certaines demandes du Panel de dialogue et de médiation, notamment la libération des détenus d’opinion et l’allègement du dispositif de sécurité autour d’Alger. Quelle est votre réaction ?

Louisa Ait Hamadouche, politologue : « Ce discours vient conforter le sentiment d’une incohérence, pour ne pas dire une contradiction, au sein des gouvernants actuels. Je dis ça parce que entre le panel qui semble avoir été proposé et celui qui a été rendu public, il y a un fossé. Aujourd’hui on voit bien que le chef d’état-major a apporté une fin de non-recevoir aux exigences et conditions suggérées par le panel et qui, elles, ont bénéficié du soutien du chef de l’État selon les dires des membres du panel en question. Nous sommes devant une dichotomie grandissante au sein du système de gouvernance actuel ».

Mokhtar Saïd Mediouni, officier supérieur à la retraite : « C’est un discours responsable et il y a certaines personnalités qui s’adonnent à des surenchères surréalistes. Si on met des préalables c’est qu’il n’y a pas d’intention sérieuse de dialoguer. Il ne faut oublier qu’avant le 22 février, il y avait un groupe anti-constitutionnel qui avait pris les rênes de l’État et c’est ce qui a été le déclencheur du ras-le-bol général. L’armée est intervenue pour appeler à l’application de l’article 102. Si l’autre clan qui était à la présidence avait mis en application son projet, aujourd’hui on aurait été un pays complètement détruit. L’intervention de l’armée à ce moment précis a évité à l’Algérie des moments douloureux et de tristesse. Dès le départ, l’armée s’est engagée à accompagner le Hirak et le sécuriser pour qu’il puisse porter ses revendications légitimes pour plus de démocratie, plus de liberté, plus de prospérité pour le peuple algérien, avec une répartition équitable des richesses. Tout cela a été évoqué dans l’un des discours du chef d’état-major qui s’est engagé personnellement à ce qu’aucune goutte de sang d’un algérien ne soit versée. Est-ce que après 5 mois, cet engagement de l’Armée nationale populaire à travers son chef, n’a pas été respecté ? On a empêché le 5e mandat et le 4e mandat prolongé et on s’est attelé dans le cadre constitutionnel à la préparation des élections. Bien sûr, les élections du 18 avril et du 4 juillet ont été refusées par le peuple et cela a été respecté par l’armée, n’y a-t-il pas là un respect de la volonté populaire ? »

Que reste-t-il pour le Panel dont certaines demandes, comme l’allègement du dispositif de sécurité autour d’Alger, ont été rejetées par le chef d’état-major ?

Louisa Ait Hamadouche : « Le coordinateur du panel (Karim Younès, ndlr) a dit publiquement, que si les conditions demandées- mise à part la question du départ du gouvernement qui, elle, demande plus de temps, ne sont pas remplies cette semaine, le panel s’auto-dissoudrait. Le chef d’état-major a contredit le chef de l’État ». L’objectif du chef d’état-major, c’est de mettre une autorité civile à la tête de l’État, c’est-à-dire des autorités qui soient élues. Le message est tout à fait clair. Or, la tenue d’une présidentielle sans dialogue et sans que les conditions préalables ne soient réunies, il y a un risque considérable que cette élection soit rejetée pour la troisième fois par la population ».

Mokhtar Said Mediouni : « La première responsabilité de l’armée est de veiller à la sécurité de la nation, de son territoire et de ses frontières, et la sécurité du peuple algérien. Aujourd’hui on en vient à toucher à des questions de sécurité. Les barrages de police et de gendarmerie existent depuis la décennie noire, et c’est ce qui nous a épargné beaucoup de malheurs ».

Concernant la libération des détenus du hirak, ce que le chef d’état-major a dit ne risque-t-il pas de mettre Karim Younes dans la difficulté ?

Mokhtar Said Mediouni : Si on intervient dans les affaires de la justice que certains veulent qu’elle soit au service de certaines personnalités pour satisfaire des intentions parfois malsaines. La justice doit travailler dans la sérénité. Elle est en train de faire un travail extraordinaire.

Quelle incidence sur le Hirak ?

Louisa Ait Hamadouche : « Le mouvement populaire s’inscrit clairement dans la pérennité et ce même si du point de vue quantitatif le nombre de manifestants n’est pas stable. Le soulèvement s’inscrit dans le temps, il a même dépassé l’écueil du Ramadan et est en train de dépasser celui de l’été. La pérennisation du mouvement populaire est quasiment certaine. Les étudiants ont encore fois réitéré (ce mardi) que le dialogue est nécessaire et qu’il est la solution à appliquer pour sortir de cette situation, mais qu’il n’est pas question pour eux d’un dialogue dans les conditions actuelles et sans des médiateurs légitimes. Les étudiants mettent l’accent sur deux choses : le contexte qui n’est pas propice du fait que les conditions nécessaires ne sont pas réunies, et des personnes qui soient capables de lancer des ponts entre le pouvoir politique et la population ».

Le chef d’état-major a dit qu’il faut aller le plus tôt possible aux présidentielles. Pourquoi ?

Mokhtar Said Mediouni : « Le chef d’état-major a dit que le temps n’était pas en notre faveur, ce qui est tout à fait vrai. Nous sommes à la veille des rentrée sociale, scolaire et universitaire, qu’il faut préparer. Il faut une loi de finances pour ce pays. Un État ne fonctionne pas avec des caprices ni avec des sautes d’humeur. Les élections présidentielles sont une urgence nationale. Sinon, on va ouvrir la porte à d’autres intervenants sur la scène politique algérienne et qui peuvent nous conduire au chaos ».

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