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Donald Trump : une stratégie d’intimidation avec ses alliés

Donald Trump : une stratégie d’intimidation avec ses alliés

Les désaccords entre les États-Unis et l’Europe n’ont jamais été aussi multiples et profonds. Le président américain Donald Trump semble déterminé à aller jusqu’au bout de sa logique de confrontation avec les alliés traditionnels de son pays, notamment les pays de l’Union européenne (UE) qu’il a même qualifié d’ « ennemis » sur les questions commerciales, dans une interview de la chaîne américaine d’information CBS news.

De prime abord, cela peut ressembler à de l’irrationalité de la part d’un personnage qui a souvent été présenté comme quelqu’un de psychologiquement instable et insensible. En réalité, le bras de fer que le président américain est en train d’imposer à ces alliés européens participe vraisemblablement à une stratégie bien réfléchie basée sur les atouts de la puissance américaine, l’intimidation et l’exploitation des divisions entre les Européens, comme celle entre le Royaume-Uni et l’UE au sujet du Brexit.

Et tout le monde y passe : son allié britannique, l’OTAN ou l’UE. Le président américain, fidèle à son credo de l’Amérique d’abord « America first », fait comme si son pays n’avait aucun allié. Et il semble bien que sa stratégie soit en train de payer tant les Européens sont dépendants de leur allié américain.

L’intimidation de l’allié britannique

Lors de la visite de Donald Trump au Royaume-Uni la semaine dernière, Theresa May, premier-ministre britannique, espérait obtenir du président américain des avancées sur la signature d’un traité de libre-échange avec les États-Unis. Ce traité qui était une des promesses centrales des partisans du Brexit, devait permettre aux Britanniques de contrebalancer les éventuels dommages commerciaux que pourrait leur occasionner leur retrait de l’UE et de son marché unique.

Pour l’instant, Theresa May, dont le pays bénéficie d’un excédent commercial avec les États-Unis, n’a pas réussi à obtenir la moindre concession d’un président américain protectionniste à outrance qui mesure la qualité de la relation avec un pays étranger à l’aune de l’existence ou non d’un déficit commercial.

De l’autre côté, quelques heures avant la visite du président américain au Royaume-Uni, le gouvernement britannique avait publié un « livre-blanc » décrivant la relation qu’il souhaiterait avoir avec l’UE après le Brexit. Le document qui contient des clauses sur le maintien de la libre circulation des marchandises et le respect de toutes les règles de l’UE en la matière, sera probablement refusé par les autres États membres de l’UE, selon les observateurs.

Cela affaiblit davantage Theresa May et son gouvernement dans ses négociations aussi bien avec les Américains qu’avec les Européens. Donald Trump ne pouvait espérer mieux. La tactique des négociateurs américains consiste justement à intimider une Grande-Bretagne déjà désemparée pour qu’elle fasse des concessions que les États-Unis pourront ensuite exiger de l’UE dans leurs contentieux commerciaux en invoquant le précédent britannique.

Une pression américaine inédite sur l’Otan

Lors du sommet de l’OTAN le 11 juillet dernier, Donald Trump s’est lancé dans un invraisemblable exercice d’intimidation de ses alliés européens dont il exige, depuis longtemps, un accroissement des dépenses de défense au sein de l’organisation transatlantique.

Quelques minutes après le début d’un petit-déjeuner de travail avec le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg, Donald Trump s’est lancé, sous les caméras du monde entier, dans une tirade contre les pays européens, et l’Allemagne en particulier qu’il a accusée d’être « totalement contrôlée par la Russie ».

La raison apparente de la tirade du président américain était le lancement par l’Allemagne de la construction du pipeline North Stream 2 qui approvisionnera l’Europe en gaz russe et auquel les États-Unis se sont fermement opposés en menaçant d’appliquer des sanctions.

Lors de ce même petit-déjeuner, Donald Trump s’est offusqué que l’Allemagne et les pays européens soient en train de « donner des milliards et des milliards à la Russie » en exigeant de savoir pourquoi l’Amérique devrait les « protéger contre la Russie ».

Il a aussi adressé la même critique aux autres pays de l’OTAN tout en leur reprochant de ne pas contribuer assez au budget de défense de l’alliance transatlantique alors que les États-Unis assurent, selon lui, leur protection. Donald Trump a même suggéré que les États-Unis pourraient se retirer unilatéralement de l’OTAN si les États européens ne parvenaient pas à augmenter leurs dépenses d’au moins 2% de leurs PIB respectifs d’ici janvier prochain.

Lors d’une conférence de presse d’urgence tenue quelques heures plus tard, Trump a affirmé que les membres de l’OTAN avaient accepté de consentir les 2% de dépenses supplémentaires en se disant satisfait de l’issue du sommet.

Les Européens résistent encore sur le commerce avec l’Iran

Ce qui reflète le plus cette fracture entre les deux rives de l’Atlantique est certainement le profond désaccord entre Américains et Européens au sujet de l’accord sur le nucléaire iranien dont les États-Unis s’étaient retirés en mai dernier.

Dans la foulée de leur retrait, les États-Unis avaient exigé des pays signataires, notamment européens, de renégocier cet accord. Dans le même temps, les États-Unis ont renforcé leurs sanctions économiques sur l’Iran, interdisant à ce pays d’effectuer ses transactions commerciales internationales en dollars et défendant à toute entreprise faisant des affaires avec l’Iran d’obtenir des contrats aux États-Unis sous peine de sanctions d’ici le mois d’août.

Les Européens, qui contestent l’extraterritorialité des sanctions américaines, ont demandé à Washington d’accorder des exemptions en faveur de leurs entreprises activant dans les domaines de la santé, des services bancaires et de l’énergie en Iran. A défaut, les Européens ont demandé aux Américains de repousser la date des sanctions au mois de novembre afin de pouvoir trouver des solutions qui puissent permettre de maintenir en vie un accord nucléaire avec Téhéran.

La demande d’exemption a été adressée à Washington en juin dernier par tous les pays de l’UE, sous l’impulsion de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni. Mike Pompeo, secrétaire d’État américain, et Steven Mnuchin, secrétaire au Trésor, ont fait savoir dans une lettre adressée à leurs homologues européens, qu’ils rejetaient toutes les demandes d’exemption formulées par l’UE. Washington a fait part de sa volonté dans cette lettre d’appliquer une « pression financière sans précédent » sur l’Iran jusqu’à ce que ce dernier satisfasse les exigences américaines de manière « tangible, démontrable et durable ».

Le rejet des demandes d’exemption des Européens signifie que les États-Unis mettront probablement en œuvre leurs sanctions contre l’Iran dès le début du mois prochain. Malgré les décisions prises par de grandes entreprises européennes comme Peugeot ou Total de se retirer d’Iran, un porte-parole de l’UE a fait savoir que les Européens continueraient à résister aux pressions américaines.

L’UE travaille sur plusieurs mesures pour contrer les sanctions américaines, telles que des paiements libellés en euros adressés directement à la banque centrale iranienne pour les importations de pétrole iranien ainsi que la mise à jour d’une loi dite de « blocage » qui permet aux entreprises et tribunaux européens de se soustraire à des sanctions prises par des pays tiers.

Sur cette question, les Européens semblent encore pouvoir résister à la stratégie d’intimidation de Donald Trump, mais rien ne dit qu’ils ne perdront pas le grand bras de fer que leur impose le président américain.

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