
Au lendemain de la tragédie de Oued El Harrach (Alger) où un bus a fini sa course vendredi, l’Algérie, endeuillée, panse ses blessures. Choqués par l’ampleur du drame, les Algériens rendent un double hommage aux 18 victimes qui ont perdu la vie, mais aux 10 héros qui ont bravé les eaux polluées de cet oued pour tenter de sauver des passagers.
Vendredi en fin d’après-midi, un bus a percuté la rambarde du pont avant de basculer dans le fleuve d’El Harrach, provoquant la mort de 18 passagers et causant des blessures à 25 autres.
A lire aussi : Inscription à la vaccination anti-Covid : prenez rendez-vous en ligne
Les héros anonymes de Oued El Harrach
On ne connaît pas leurs noms. Ils étaient juste de passage sur le pont d’El Harrach au moment où un bus basculait au-dessus de la rambarde, dans les eaux troubles du fleuve. N’écoutant que leur courage, ils ont plongé avec une seule idée : aider les passagers coincés dans la taule à sortir du bus de la mort. Ils auraient pu y laisser leur peau mais qu’importe ! Il fallait jouer la montre en attendant l’arrivée des pompiers. Ce sont les héros de Oued El Harrach. Des hommes humbles et courageux à qui tous les citoyens disent : BRAVO !
Ils n’ont pas réfléchi. Conscients que chaque seconde comptait, ils ont plongé dans un fleuve pollué, pour sortir le maximum de personnes bloquées dans le bus de l’enfer. Mohamed a été le premier à se jeter à l’eau. « J’ai couru, j’ai sauté dans l’eau et j’ai pénétré dans le bus. Il y avait des morts et des vivants. J’ai sauvé quelques personnes. J’ai tiré un autre corps, mais il était inanimé. Il restait encore des ‘malaïka’ (anges) à l’intérieur. Je me sentais aspiré par les eaux troubles. D’en haut, des voix me criaient : « Sors, sors ». Alors je suis remonté. J’ai le cœur complètement déchiré », a-t-il raconté dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux.
A lire aussi : Algérie : révélations glaçantes sur le drame du bus de Oued El Harrach
Habillé d’un marcel gris, un autre citoyen complètement ému raconte. « Je me rendais à la plage en voiture avec des copains. Nous sommes arrivés sur le pont quelques secondes avant que le bus ne bascule dans l’eau. J’ai vu le chauffeur et le receveur s’éjecter par la fenêtre, juste avant que le véhicule ne plonge dans l’oued. Avec mes copains de Diar El Djemaa, nous avons retiré 17 cadavres et sauvé 8 personnes. Je ne trouve pas les mots pour exprimer une telle catastrophe. Le plus dur encore, c’est lorsqu’on a tiré le corps inerte d’une maman. Elle était morte. En revanche, nous avons pu sauver ses deux fillettes ». Et il ajoute le regard hagard : « Sur le pont, nous avons interrogé le receveur sur le nombre de passagers qu’il avait embarqués dans le bus. Il disait : 35, puis 40. Je crois qu’il avait peur ».
Un autre citoyen a apporté son témoignage depuis son lit d’hôpital. « J’ai garé ma moto et j’ai plongé. J’ai réussi à faire remonter des femmes et des fillettes. À l’aide d’une corde, nous les avons aidées à rejoindre la rive du fleuve. L’eau était très trouble ! ».
A lire aussi : Algérie : publication inédite des photos de trafiquants de drogue
Après le tragique accident de Oued El Harrach survenu hier, vendredi 15 août, le ministre de la Santé Abdelhak Saihi s’est rendu à l’hôpital Salim Zmirli d’El Harrach et au CHU Mustapha Bacha pour s’enquérir de l’état des blessés. Il a déclaré que leurs jours n’étaient pas en danger. « Trois personnes sont toujours en réanimation », a-t-il néanmoins signalé. Abdelhak Saihi a tenu à adresser ses félicitations à toutes les personnes qui ont participé à ce sauvetage : citoyens et pompiers.
Hommages aux héros de Oued El Harrach
« 10 héros… Ils n’ont pas hésité, ils n’ont pas réfléchi, tout ce qui comptait pour eux, c’était la vie de leurs frères et sœurs. Elle était en jeu, donc toutes leurs vies étaient en jeu… Il n’y avait pas de « moi » ou de « toi », il n’y avait que « mon frère et ma sœur » », a écrit l’association de défense des consommateurs Apoce sur Facebook en hommage aux gens anonymes qui ont sauté dans les eaux polluées pour sauver des passagers.
Slim Benkhedda, professeur de cardiologie au CHU Mustapha, a lui aussi réagi, en estimant que ces héros méritent un hommage de la nation.
« Dans la tragédie de Oued El Harrach, alors que chaque seconde était une question de vie ou de mort, des hommes courageux ont plongé, sans hésitation, dans les eaux polluées, luttant contre toute attente pour sauver les passagers. Leur courage, leur humanité et leur solidarité suscitent notre plus profond respect et notre plus grande admiration », a-t-il dit, en joignant les photos des héros de cette tragédie.
Attention, danger sanitaire pour les sauveurs
Dans un oued pollué par les eaux usées domestiques et de rejets industriels, les risques sanitaires sont énormes. Des mesures sont à prendre, de toute urgence, par les personnes qui ont plongé dans les eaux polluées de Oued El Harrach, comme le rappelle un médecin sur les réseaux sociaux. « Si des symptômes apparaissent dans les jours qui suivent : fièvre, détresse respiratoire, diarrhées, irritations cutanées… Il faut aller en consultation de toute urgence. Les eaux de Oued El Harrach contiennent beaucoup de produits toxiques », insiste le docteur Moncef.
N’était-ce l’intervention rapide et spontanée de simples citoyens qui se sont jetés à l’eau pour porter secours aux passagers de ce bus, le bilan aurait été beaucoup plus lourd. Ces hommes, dont les photos s’affichent sur les réseaux sociaux, ont bravé le danger pour sauver des vies humaines. Bravo !