Économie

Droit de préemption sur les actifs d’Anadarko : des experts soulignent les risques juridiques et économiques

La décision du gouvernement algérien d’exercer un droit de préemption sur les actifs de la compagnie Anadarko est appréciée diversement par les experts consultés par TSA. Pour la plupart d’entre eux, elle pourrait ne pas être exempte de risques à la fois sur le plan juridique et sur le plan économique. On n’est peut-être qu’au début d’une nouvelle « Affaire Anadarko ».

Au lendemain de l’annonce de la transaction, Mohamed Arkab, ministre de l’Energie, avait d’abord réagi très rapidement en brandissant le droit de préemption, avant de donner l’impression de faire machine arrière.

Beaucoup d’anciens dirigeants de Sonatrach insistaient au cours des dernières semaines sur le caractère très sensible de ce dossier et sur la nécessité pour les autorités algériennes de le traiter avec la plus grande prudence en raison de ses implications multiples sur la situation et les perspectives économiques de notre pays.

Un risque juridique : le précédent de la « loi sur les superprofits »

Les experts interrogés par TSA s’inquiètent tout d’abord de l’existence d’un possible risque juridique. Nazim Zouiouèche, ancien PDG de Sonatrach, se demande si « le droit de préemption appliqué à la transaction entre Anadarko et Occidental pétroleum ne va pas se heurter à un problème de rétroactivité de la loi qui pourrait conduire Anadarko à recourir à une procédure d’arbitrage international ».

C’est également une des questions soulevées très explicitement par Tewfik Hasni, ex vice- président de la compagnie nationale. Il estime qu’il ne suffit pas de se référer à la réglementation algérienne ainsi que le fait le communiqué du ministère de l’énergie. Pour cet expert algérien, « le droit de préemption, pour être applicable à cette transaction doit être une disposition contractuelle et renvoyer à l’accord conclu entre Sonatrach et Anadarko ».

Sur ce chapitre, nos deux interlocuteurs évoquent de concert le précédent fâcheux de la loi de 2006 instaurant une taxe exceptionnelle sur les superprofits réalisés par les sociétés étrangères activant dans le domaine des hydrocarbures. Anadarko avait alors déjà manifesté son désaccord contre l’effet rétroactif de cette loi et engagé une procédure d’arbitrage internationale.

Après plusieurs années de procédures, Anadarko et Sonatrach étaient parvenus à un accord amiable en mars 2012. Selon des sources non officielles, la totalité des compensations reçues à l’époque par le groupe américain s’étaient élevées à 4,4 milliards de dollars.

Quelles conséquences économiques ?

Les conséquences de la décision des autorités algériennes seront également économiques. Parmi les réactions d’experts enregistrées au cours des derniers jours, Mourad Preure était sans doute le seul à afficher une satisfaction en soulignant, dès jeudi, sur les ondes de la radio nationale que la mise en œuvre du droit de préemption va permettre « l’élargissement de la base de réserves de Sonatrach, une décision qui renforce la souveraineté nationale, ce qui est extrêmement important ».

Beaucoup plus réservé, Nazim Zouiouèche s’interroge sur la capacité de Sonatrach à se substituer rapidement à Anadarko en tant qu’opérateur des gisements exploités en commun avec la compagnie américaine dans un contexte ou la production du secteur accuse une baisse tendancielle significative depuis plusieurs années. Il aurait vu plutôt dans la situation créée par le retrait d’Anadarko « une opportunité pour négocier une relance de l’investissement et une extension des projets de développement dans le bassin de Berkine » avec un nouveau partenaire comme Total.

Dans le même sens, Tewfik Hasni évoque de son côté « le coût financier de l’option retenu par le gouvernement algérien qui se chiffrera à plus de 3 milliards de dollars prélevés sur les réserves de change du pays dans un contexte où ces dernière sont déjà soumises à une forte pression ». Est-ce qu’un tel investissement « réalisé en échange de 25 % des parts sur les gisements de Hassi berkine est rentable ? » s’interroge l’expert algérien.

Pour Tewfik Hasni, la réponse ne fait pas de doute. « Il serait de très loin préférable de placer cet argent dans le développement des énergies renouvelables aujourd’hui délaissées par le gouvernement algérien qui continue de consacrer l’essentiel des ressources financières du pays à un secteur des hydrocarbures qui va rencontrer des problèmes croissants ».

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