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Éducation : les fausses victoires de Benghabrit

Éducation : les fausses victoires de Benghabrit

Encore une petite guerre des chiffres entre Mme Benghabrit et les syndicats du secteur de l’éducation.

Non, cette fois, il n’est pas question du taux de suivi d’une de ces longues grèves auxquelles nous a habitués la corporation des enseignants, ni de salaires ou d’âge de départ à la retraite. Le chiffre qui fait polémique en ce début d’année concerne le taux de réussite dans le cycle secondaire.

Même s’il ne s’agit pas de qualité proprement dite de l’enseignement, il était temps que la famille de l’éducation parle d’autre chose que des questions sociales qui ont des années durant relégué au second plan le plus important. Les syndicats parlent de 45% d’élèves du cycle secondaire ayant réussi à obtenir la moyenne aux examens du premier trimestre de l’année scolaire en cours et la ministre de l’Éducation nationale situe le chiffre à plus de 63%.

On ne sait pas qui dit vrai, mais ayons l’honnêteté de reconnaître que le ministère dispose de plus d’outils permettant une remontée de l’information au niveau central, contrairement aux syndicats, hétéroclites et sans aucun mécanisme national de coordination.

Mme Benghabrit gagne donc au bénéfice du doute. Elle gagne encore lorsqu’elle explique qu’elle et ses collaborateurs ne sont pour rien dans l’échec de 37% des lycéens, mettant en cause l’instabilité du corps enseignant, sans cesse renouvelé ces dernières années du fait notamment des départs massifs à la retraite.

Elle retrousse aussi les manches pour remporter dans les semaines à venir le bras de fer qui se profile, face aux mêmes syndicats qui ont unanimement déterré leurs vieilles revendications, sociales bien sûr. La ministre a remporté bien des duels, pourquoi pas celui-là. En tout cas, les premières menaces de ponctions sur salaires ont déjà fusé.

Imbattable, Nouria Benghabrit ? On est bien tentés de le croire. Nommée ministre en 2014, elle est en passe de faire presque aussi bien- en matière de longévité- que Boubekeur Benbouzid qui a cumulé près d’une vingtaine d’années au gouvernement dont quatorze au ministère de l’Éducation nationale. Elle a survécu à de nombreux remaniements ministériels à la veille desquelles revenaient à chaque fois les mêmes prophéties sur son départ.

Elle a d’autant plus de mérite que, contrairement au ministre recordman, elle a dû faire face, depuis le premier jour, à de farouches détracteurs qui lui mènent la vie dure quasi quotidiennement. On ne sait quel crédit accorder aux lectures qui voyaient la main des islamistes derrière chaque secousse qui ébranlait le secteur, comme les grèves et les fuites de sujets, mais il n’en reste pas moins certain que ce courant politique voit en cette dame sa bête noire. Ce qui nous amène à l’essentiel.

Si les islamistes n’aiment pas Nouria Benghabrit Remaoun, ce n’est pas pour sa tête dénudée ou sa tendance à s’exprimer dans une autre langue que celle du Coran. Ni même pour la connotation judaïque de son nom. C’est essentiellement le projet de réforme de l’école, pour lequel elle a été nommée ministre, qui fait peur.

Mais qu’a-t-elle fait justement dans ce registre en cinq ans d’exercice ? Autant dire rien, sauf à considérer que l’alourdissement chaque année un peu plus des cartables de bambins de six ans relève d’un acte de réforme. Sur l’essentiel, Mme Benghabrit n’a rien accompli. Le projet de réforme de l’école, élaboré en 2002-2003 par la commission Benzaghou, du nom de l’ancien recteur de l’université des sciences et technologies de Bab Ezzouar, n’a jamais été réellement mis en application. La nomination d’un membre de la commission, Mme Benghabrit justement, au poste de ministre de l’Éducation, en 2014, avait laissé croire que l’heure de ressusciter ses recommandations avait sonné. Hélas, il n’en est rien cinq ans après et la réforme de l’école a fini par prendre des allures d’Arlésienne.

Autre exploit de Mme la ministre, celui d’avoir maintenu le statu quo tout en s’évitant le moindre grief des partisans d’une école nouvelle, se servant comme paravent de l’inimitié que lui vouent les islamistes. Une longue période de grâce qui, in fine, n’aura servi à rien.

Nouria Benghebrit a remporté bien des batailles, sauf la plus importante, qu’elle n’a même pas menée du reste. Elle qui a été à la « bonne école » n’est pas sans savoir qu’il n’y a rien de glorieux à faire plier des enseignants qui réclament de meilleures conditions de vie. Et que le vrai combat est ailleurs…

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