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Emmanuel Macron a-t-il vraiment dompté Vladimir Poutine ?

Les médias français sont (quasi) unanimes. Du sommet de l’Otan à Bruxelles, au G7 à Taormine (Sicile), à la rencontre à Versailles avec Vladimir Poutine, les premiers pas diplomatiques du nouveau président Emmanuel Macron sont un succès. Sa rencontre avec le chef du Kremlin a été qualifiée de ferme et directe par les observateurs.

Versailles pour Poutine

Lundi 29 mai, le marathon diplomatique s’est donc achevé par une rencontre entre le nouveau locataire de l’Élysée et son homologue russe au château de Versailles, avec comme prétexte officiel l’inauguration d’une exposition marquant les 300 ans des relations franco-russes.

Un lieu hautement symbolique, d’abord historiquement -c’est au Grand Trianon que le tsar Pierre Ier fut reçu en juin 1717 pour s’imprégner (entre autres) de l’esprit français pendant quelques semaines- mais aussi politiquement. En juin 1982, François Mitterrand avait organisé le G7 à Versailles et y a reçu les sept dirigeants des pays les plus industrialisés.

En choisissant le château de Versailles, écrin par excellence de la monarchie française pour faire connaissance avec Vladimir Poutine, Emmanuel Macron envoie deux messages. Si le décorum versaillais a vocation à flatter son hôte reçu comme un tsar -Vladimir Poutine n’a pas eu droit à un tel protocole avec François Hollande-, le président français cherche aussi à montrer qu’il est ici chez lui.

« Il s’agit d’écraser son hôte sous le faste, de l’étouffer sous la grandeur tricolore. Pour les présidents de la République française, Versailles est une façon de se hisser au prestige de la monarchie », analyse pour Le Parisien le documentariste Frédéric Biamonti, auteur du film « Versailles, rois, princesses et présidents » en 2015.

Fermeté mais aucune avancée fracassante

Selon la presse française, Emmanuel Macron a tracé des « lignes rouges » face à Vladimir Poutine. Sur la question du conflit syrien, le président français a souligné que les deux pays allaient travailler ensemble à la recherche d’une solution politique, en avertissant cependant que l’utilisation d’armes chimiques « par qui que ce soit » était la « ligne rouge ». « Toute utilisation d’armes chimiques fera l’objet de représailles et d’une riposte immédiate, en tout cas de la part des Français », a-t-il prévenu.

Il faut toutefois se souvenir qu’en août 2013, la France avait failli intervenir en Syrie après une attaque chimique dans une banlieue de Damas, avant d’y renoncer, car lâchée par le président des États-Unis, Barack Obama, qui parlait déjà lui-même de « ligne rouge » en évoquant l’utilisation d’armes chimiques.

Quant au dossier ukrainien, abordé pendant cette rencontre, Paris n’apporte aucune inflexion. Emmanuel Macron s’est contenté de rappeler qu’il souhaitait une « désescalade de ce conflit » en indiquant que la Commission européenne et la présidence française sont sur la même longueur d’onde : il n’y aura aucune levée des sanctions prises par l’Union européenne contre la Russie il y a trois ans après l’annexion de la Crimée. Paris se réfère à Berlin.

« Notre souhait, je crois pouvoir le dire sous le contrôle du président Poutine, c’est que dans les meilleurs délais puisse se tenir à nouveau un échange sous le format dit Normandie » avec l’Allemagne et l’Ukraine, a déclaré Macron.

Poutine a, par ailleurs, rappelé que les sanctions économiques n’avaient aucun intérêt, mais aucune mention n’a toutefois été faite de la vente annulée de deux navires de guerre Mistral à la Russie d’un montant de 1,2 milliard d’euros en 2014.

Diplomatie oblige

La presse française a relevé la fermeté du président vis-à-vis de médias russes coupables de désinformation. Interrogé en conférence de presse par une journaliste de Russia Today sur les « difficultés » à accéder à son quartier général en fin de campagne, le locataire de l’Élysée a haussé le ton et dénoncé la propagande de certains médias pro-russes.

« Quand des organes de presse répandent des contrevérités infamantes, ce ne sont plus des journalistes, ce sont des organes d’influence. Russia Today et Sputnik ont été des organes d’influence durant cette campagne qui ont à plusieurs reprises produit des contrevérités sur ma personne et ma campagne. Et donc j’ai considéré qu’ils n’avaient pas leur place, je vous le confirme, à mon quartier général », a dit le président français face à un Poutine de marbre.

Une position qui n’a toutefois rien de nouveau puisque dès fin avril, l’équipe du candidat à l’élection présidentielle avait assumé la mise à l’écart de ces organes de presse financés par le Kremlin, qui agissent comme des « agences de propagande d’État » en faisant circuler de « façon méthodique » des « informations mensongères ». De plus, il faut noter, diplomatie oblige, que la déclaration de Macron est prudente. Il n’attaque pas Moscou mais bien « certains organes de presse ».

Il faut d’ailleurs souligner que cette prudence diplomatique a également été employée lors d’une question sur l’ingérence supposée de Moscou dans la campagne présidentielle française. « Le président n’a pas fait d’attentions sur ce point. De mon côté, je crois que c’est un problème qui n’existe pas », s’est contenté de répondre Vladimir Poutine.

« On a évoqué les choses sur ce sujet-là. J’ai dit au président ce que j’avais à dire. Il m’a dit ce qu’il avait à dire. Et j’avance », a indiqué de son côté le chef de l’État français. « Quand j’ai dit les choses une fois, je n’ai pas pour habitude d’y revenir », a répondu Macron.

Enfin, la question sur les hackers russes -accusés d’avoir infiltré les ordinateurs de l’équipe de campagne du candidat Macron- a été habilement démontée par un Vladimir Poutine presque souriant.

« Je voudrais attirer votre attention (…) sur la formule trouvée à cette question, vous avez dit ‘on dit que’ », « peut-être que la Russie aurait pu s’ingérer dans l’élection française », avant de poursuivre son raisonnement « Peut-être, ce ne sont pas les faits établis (…) Peut-être que les mass media peuvent se permettre de faire des conclusions à la base de tels points de vue mais c’est pour cela que la presse existe », a lancé le chef du Kremlin en guise de réponse.

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