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Entre Bernard Bajolet et l’Algérie, le cheval de la discorde ?

Entre Bernard Bajolet et l’Algérie, le cheval de la discorde ?

Bernard Bajolet, ancien ambassadeur de France à Alger et ex-patron de la DGSE, est empêtré ces derniers jours dans plusieurs polémiques impliquant l’Algérie, à l’occasion de son livre « Le Soleil ne se lève plus à l’Est ».

Outre la polémique enclenchée par ses déclarations virulentes concernant l’état de santé du président Bouteflika, une autre polémique pour le moins surprenante s’est créée autour d’un événement douloureux évoqué par Bajolet dans son livre : sa séparation avec le cheval qu’il possédait du temps où il vivait en Algérie dans les années 1970.

« Peu de temps après mon arrivée (en Algérie/1975), j’avais acheté un superbe étalon barbe à un collègue de l’ambassade, un militaire, qui était sur le départ », raconte Bajolet dans son livre. « Ce cheval s’appelait ‘Qalbi’, ‘Mon cœur’ en arabe », écrit l’ex-ambassadeur. « Qalbi avait une robe blanche, des crins argentés et un foutu caractère […]. Je finirais par l’apprivoiser et, pendant trois ans, ce serait un vrai régal », décrit-il.

« Tous les matins, je me levais très tôt pour le monter, dans un club à une douzaine de kilomètres à l’est d’Alger. Nous faisions une ‘targa’, un galop sans retenue, sur la plage », relate l’ancien ambassadeur, ajoutant que « ce cheval fut aussi un excellent vecteur pour m’introduire dans la société locale ».

« Lorsqu’il me fallut quitter l’Algérie, ce fut un drame : les autorités refusèrent de m’accorder le permis d’exportation, en dépit de multiples démarches, sous le prétexte que ce cheval appartenait à une race protégée », s’émeut Bernard Bajolet.

Que s’est-il réellement passé et pourquoi les Algériens avaient refusé d’autoriser cette « exportation » ? Une explication nous vient de l’ancien ministre de l’Agriculture Rachid Benaïssa qui est intervenu ce mercredi sur le sujet dans les colonnes du Quotidien d’Oran. « Dans les années 60 et 70 et jusqu’à la fin des années 80, pour des raisons de sauvegarde et pour contrer des actions de dilapidation du patrimoine national, l’exportation des produits et des animaux (considérés comme patrimoine national) était strictement interdite, c’est ce que stipulait une disposition générale de protection du patrimoine national », explique M. Benaïssa, vétérinaire de formation et premier secrétaire de l’Organisation Mondiale du Cheval Barbe (OMCB) lors de sa création en 1987.

« Ce fut le cas des chevaux Barbe mais aussi des chiens Sloughis, des tapis de Ghardaïa et bien d’autres », indique l’ancien ministre. « Les dérogations pour contourner cette interdiction devaient être avalisées uniquement par la présidence de la République », affirme Rachid Benaïssa, soulignant toutefois que « même dans ces cas, les femelles étaient exclues, et d’autres réalités entraient en compte ».

Pour le cas du cheval Barbe en particulier, l’ancien ministre de l’Agriculture affirme également que « d’autres raisons confortaient cette interdiction ».

« En 1962, à l’indépendance de l’Algérie, l’administration française par rétorsion avait exclu les chevaux Barbe de toute inscription généalogique et du jour au lendemain, la race Barbe n’existait plus officiellement et était rétrogradée au statut de « race inconnue » », affirme Rachid Benaïssa.

« En 1974, le président Houari Boumediene a offert un cheval Barbe au président français Giscard D’Estaing lors de sa visite d’État dans notre pays », rappelle par ailleurs l’ex-ministre Benaïssa, affirmant en outre que « le cheval s’appelait ‘’Wassal’’. Dès son arrivée en France, et puisqu’il était classé par ce pays « race inconnue », il a été interdit de reproduction ».

Selon Rachid Benaïssa, c’est certainement pour rappeler « ce refus d’existence de la race barbe » décrété par les autorités françaises à l’indépendance du pays que l’Algérie a refusé de délivrer une dérogation à Bernard Bajolet pour exporter son cheval vers la France. « Monsieur Bernard Bajolet devrait plutôt en vouloir à son administration qui avait gardé longtemps encore ses réflexes coloniaux », conclut l’ex-ministre.

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