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Code de l’investissement : plus de 20 modifications en 16 ans

Code de l’investissement : plus de 20 modifications en 16 ans

Chemsou / NEWPRESS
À l'intérieur du complexe sidérurgique El Hadjar

Chronologie d’un échec annoncé. Depuis 2001, la législation algérienne relative à l’organisation, l’encouragement et l’encadrement des investissements a beaucoup évolué. Au gré d’abrogations, d’aménagements ou de « refontes » supposées ou avérées, les textes ont changé du tout au tout. Une instabilité juridique et réglementaire contre-productive.

Plus de 20 modifications en 16 ans

Si l’on ne compte qu’à partir de la date de création du Conseil national d’investissement (CNI) et de l’Agence nationale du développement de l’investissement (Andi) en 2001, les différents gouvernements, tous sous la direction du président Abdelaziz Bouteflika, ont procédé à 21 modifications ou aménagements du cadre réglementaire de l’investissement en Algérie.

En 2006, un décret exécutif vient abroger et remplacer le texte de 2001, définissant le fonctionnement et l’organisation du CNI et de l’Andi. L’année suivante, soit le 11 janvier 2007, un nouveau décret fixe alors une première liste d’activités exclues des avantages. Une tendance qui se poursuit à ce jour, avec une volonté affichée de donner la priorité à certains secteurs jugés prioritaires. C’est le cas notamment en 2016, avec la définition des activités éligibles aux avantages sur l’investissement. Plus tôt, en mars 2008, le gouvernement publie un autre décret, fixant cette fois-ci les modalités d’attribution de la décision d’avantages. Ce n’est donc que 7 ans après la création de l’Andi que les autorités ont établi ces conditions.

Par ailleurs, la même année, la Loi de finances complémentaire vient modifier le Code des impôts directs mentionnant l’obligation de réinvestir, dans un délai de 4 ans, une part des bénéfices issus de l’octroi d’avantages par l’État (réduction de l’impôt sur les bénéfices des sociétés). Une disposition qui sera de nouveau modifiée à l’occasion de la publication de la Loi de finances pour 2014, pour y inclure les avantages liés aux réductions sur la taxe sur l’activité professionnelle (TAP).

Encore modifiés par la Loi de finances pour 2016, les textes d’application ne seront publiés que dans le courant de 2016, par un arrêté interministériel. Pour finir, l’ensemble de ces dispositions sur l’obligation de réinvestissement d’une part des bénéfices sera pourtant tout simplement abrogée par la nouvelle de Loi de finances pour 2017.

Entre-temps, le gouvernement dirigé par Ahmed Ouyahia en 2009, a introduit la fameuse règle dite « 51/49% », contraignant tout investisseur étranger à s’associer avec un partenaire algérien majoritaire. Le but de cette disposition est de contrôler les entrées (et sorties) des partenaires étrangers et éviter les « investisseurs indésirables ». Il s’agit notamment de limiter les transferts de dividendes massifs et protéger l’économie nationale en cas de cession des entreprises concernées. L’Algérie a imité des pays comme la Chine ou des pays du Golfe, qui prévoient également des règles similaires. Les grandes entreprises s’accommodent généralement assez bien de cette mesure, mais elle pose problème pour les PME et entreprises familiales, réticentes à s’associer avec des partenaires locaux majoritaires.

Enfin, la nouvelle Loi sur l’investissement, dont l’actuel ministre de l’Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, est à l’origine, revient sur le décret de 2008 sur les octrois des avantages, les rendant désormais automatiques. Ce Code de l’investissement est épuré de la mention de la règle « 51/49% », mais celle-ci reste néanmoins en vigueur. Ce qui fait dire aux observateurs qu’il s’agit avant tout d’une réforme « cosmétique ». La Loi sur l’investissement vient également modifier et réorganiser le fonctionnement de l’Andi, créée plus de 15 ans auparavant.

L’année 2017 sera effectivement « riche » en modifications, avec la publication de plusieurs décrets exécutifs au Journal officiel, dont six pour le seul jour du 5 mars. Le plus important définit les avantages, les seuils d’éligibilité et les modalités d’application, ainsi que les listes d’activités et de biens exclus des avantages. Il relève également le seuil des investissements soumis à approbation du CNI à 5 milliards de dinars. L’un d’entre eux prévoit notamment des sanctions pour « non-respect des obligations et engagements », tandis que le dernier attribue des avantages supplémentaires pour les projets créant plus de 100 emplois.

Des tâtonnements révélateurs

En somme, ces tergiversations démontrées par la modification et la « correction » incessante de textes réglementaires (lorsqu’ils ne sont pas tout simplement abrogés au bout de quelques années), dénotent d’une grande instabilité juridique du cadre de l’investissement. Plus que la règle 51/49% ou les « restrictions » sur le transfert des bénéfices, c’est en réalité le principal épouvantail pour les investisseurs étrangers. Le manque de visibilité, qui traduit d’abord une absence de cap et de stratégie du gouvernement.

Ce sont des tâtonnements révélateurs du manque de préparation, en amont, d’une véritable politique de l’investissement, avec des propositions de Lois maturées et bien ficelées. En effet, les autorités donnent l’impression d’une gestion au gré de la survenance « d’affaires » ou d’obstacles, voire au gré des humeurs des décideurs.

Une question d’idéologie

Suspicion. C’est sans doute le sentiment dominant au niveau des autorités algériennes à l’égard des investisseurs étrangers. Ceci explique alors l’idéologie du gouvernement et la série de mesures restrictives à l’encontre de l’investissement extérieur, avec une hantise d’assister à une fuite massive de capitaux. Une crainte qui peut être justifiée, au regard du comportement de certains « partenaires », comme certains concessionnaires automobiles, ou l’Égyptien Naguib Sawiris, alors propriétaire de l’opérateur de téléphonie mobile Djezzy : après avoir bénéficié d’avantages conséquents, cet homme d’affaires a finalement vendu ses parts à une entité étrangère russe (Vimpelcom), en se faisant une plus-value importante sur le dos du contribuable algérien au passage. La réaction du gouvernement fut immédiate : règle dite « 51/49% », droit de préemption de l’État, resserrement des contrôles…

Sauf qu’à travers la mise en place d’une législation prohibitive, l’administration contribue elle-même à créer des tentations au contournement de la loi, notamment à travers les surfacturations ou l’optimisation fiscale.

Pour faire face à des transferts trop importants vers l’étranger -qui videraient les réserves de change du pays- il faut veiller à maintenir un solde positif de ces flux. En théorie, un investissement génère une création de richesse, qui peut contribuer à des exportations (hors)-hydrocarbures et assurer ainsi des rentrées de devises et compenser les transferts sortants. C’est à l’État de mettre en place un climat propice à l’afflux de ces investissements et les mécanismes de contrôle adéquats. Tout un programme.

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