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Entretien avec Abderrezak Makri : « Tout est possible. Rien n’est exclu »

Entretien avec Abderrezak Makri : « Tout est possible. Rien n’est exclu »

Abderrezak Makri vient d’être réélu pour un deuxième mandat à la tête du MSP. Dans cet entretien, il revient sur cette victoire et sur la présidentielle de 2019.

Vous venez d’être réélu à la tête du MSP. Que signifie pour vous cette nouvelle victoire ?

C’est d’abord la réussite du congrès qui est une victoire pour le mouvement. C’est ensuite une victoire pour la démocratie car nous avons donné, je pense, un enseignement très important à toute la classe politique. Nous avons démontré qu’un parti politique dans un pays pas assez démocratique peut être démocratique. En réalité, ce congrès a été préparé jusqu’au dernier jour de façon totalement démocratique. Il a été précédé par un débat qui a duré trois mois à travers tout le territoire national. Tout a été longuement débattu.

Les nouveaux textes ont été adoptés par Majliss echourra (conseil consultatif) avant d’être adoptés au cours du congrès. Tous les représentants à travers les wilayas ont été choisis démocratiquement par les urnes. J’ajoute que le moment crucial d’un congrès que les médias ne suivent pas n’est pas l’élection du président mais l’élection des délégués des wilayas pour majliss echourra. Cette étape est très importante parce que personne ne peut connaître la tendance générale du congrès avant l’élection des membres de majliss echourra.

Est-ce que c’est la victoire du courant que vous représentez sur les autres notamment celui de Bouguerra Soltani ?

C’est une victoire pour le mouvement et pas pour les personnes. J’étais réélu par les représentants des 48 wilayas. C’est aussi une victoire des idées, d’une pensée et d’une approche politique. C’est la victoire d’une manière de gérer le mouvement. II y avait des moments très forts du congrès qui ont montré les tendances. Le premier est intervenu lors de la séance inaugurale. Vous avez constaté comment j’ai été accueilli. Le deuxième moment crucial et beaucoup plus significatif est celui de l’adoption du bilan par une très large majorité. Finalement, personne ne peut maintenant parler du bilan après cette adoption.

Est-ce aussi l’échec des partisans de la participation au gouvernement ?

Nous avons une vision beaucoup plus globale. L’approche de la participation au gouvernement ou non constitue une partie de la vision politique et de la façon de faire de la politique qui n’est pas très importante. Nous ne sommes pas un parti politique qui a une position radicale. Nous sommes un parti politique qui est appelé à gouverner. Mais comment gouverner ? C’est ce qui fait la différence.

Qu’est ce qui a changé après ce congrès par rapport à cette question de la participation au gouvernement ?

Rien n’a changé. Absolument rien.

Vous ne participerez pas au gouvernement sans élections libres ?

Il y a plusieurs éléments dont les élections, l’environnement politique, la situation du pays, l’approche politique. Evidemment, l’instance qui évalue et qui prend ce genre de décision est majliss echoura comme c’était le cas auparavant. Rien n’a changé. En 2012, on est sorti du gouvernement par une décision de majliss echourra. En 2017, l’instance qui a refusé de participer au gouvernement lorsqu’on a été appelé à participer est majliss echourra. Ce n’est pas moi qui avais décidé de ne pas y participer.

Bouguerra Soltani a évoqué la participation critique au gouvernement. La décision a été prise par le congrès selon lui. De quoi s’agit-il ?

Je ne sais pas ce qu’il a voulu dire. Cela dit, je peux vous dire que nous avons la même pensée et nous sommes dans le même état d’esprit (du premier mandat, NDLR). Nous avons les mêmes approches. Ce deuxième mandat est une continuité de l’approche et de la vision politique des cinq dernières années. Les congressistes m’ont choisi parce qu’ils voulaient cette continuité.

Des modifications ont été apportées au programme et au statut du parti. En quoi consistent-elles ?

Auparavant, nous étions un groupe (djamaâ). Nous sommes devenus par la suite un parti politique qui œuvre avec les méthodes et les approches de la djamaâ. Nous avions alors une structure unique pour toutes les fonctions dont la prédication (daâwa), l’éducation et la politique. Après le cinquième congrès, nous avons développé la spécialisation dans les fonctions afin que le parti ne s’occupe que de la politique, du développement politique et de la vision économique. On a décidé de continuer dans cette approche que nous avons améliorée.

Sur le plan de la vision politique, nous avons donné beaucoup plus d’intérêt au consensus national vu la situation économique du pays. Nous pensons que nous allons connaître des moments difficiles dans les années à venir et que nous avons besoin d’un consensus. C’est la même approche adoptée depuis cinq ans. Durant cette période, nous avons développé trois initiatives. La première est celle de la réforme politique en 2013. La deuxième est la coordination pour les libertés et la transition démocratique. La troisième est le consensus national.

Il n’y aura pas de participation au gouvernement sans conditions ?

Non il n’y aura pas de participation sans conditions, sans dialogue et sans consensus. Pas du tout.

Le MSP reste finalement dans l’opposition ?

Nous sommes dans l’opposition et nous y resterons tant qu’il n’y a pas les conditions dictées par ces textes (du parti).

Est-ce que le parti est aujourd’hui préservé des divisions ?

Cela fait partie du passé. Le risque d’implosion se pose lors des congrès. Or nous sommes sortis très forts de notre septième congrès. Et nous avons également des possibilités de réunification beaucoup plus larges avec des partis comme el Bina et Ennahda. Il y a des accords de principes entre nous.

Vous avez rappelé que c’est majliss echourra qui prendra la décision par rapport à la participation à l’élection de 2019. Quel est votre avis personnel sur la position qui doit être prise par le parti ?

Mon avis personnel est celui des instances du parti. À chaque élection, on essaie de lancer de nouveau l’idée d’un consensus national. Nous l’avions fait pendant les dernières élections législatives et nous allons le refaire en 2019. Nous allons appeler à un consensus national avec comme objectif la transition démocratique. Une transition démocratique qui permet une transition économique. L’économie est aujourd’hui une priorité. Nous allons connaître des moments très difficiles et aucun gouvernement ne peut faire (seul) des réformes économiques s’il n’est pas soutenu par une large majorité des forces politiques essentielles en Algérie. Nous appelons à un consensus national pour l’intérêt de l’économie algérienne et pour qu’on ne s’écroule pas. En même temps, il faut aller vers des réformes politiques.

En 2014, vous avez boycotté l’élection présidentielle. Est-ce que vous feriez la même chose cette fois-ci ?

Aujourd’hui, nous sommes dans les mêmes conditions des élections de 2014. Cependant, chaque parti politique évalue un acte politique et voit les avantages et les inconvénients avant de prendre une décision. Durant les quatre prochains mois, notre parti s’occupera beaucoup plus des questions internes. Nous allons former le bureau national dans un mois. Je soumettrai sa composition au conseil national lors de la première réunion après le congrès. Une commission de préparation du règlement intérieur sera également formée. Par la suite, une autre réunion du conseil national aura lieu pour l’adoption du plan quinquennal et du règlement intérieur. Après ces quatre mois, nous aborderons les élections de 2019.

La participation aux élections n’est pas exclue avec un cinquième mandat ?

Tout est possible. Rien n’est exclu. On en parlera au moment voulu.

Dans une interview accordée à nos confrères d’El Khabar, Bougerra soltani a assuré qu’il n’y avait plus de différends entre vous…

Tout au long de ces cinq dernières années, j’ai appelé à cet apaisement avec Bouguerra Soltani. J’ai également fait tout ce qui est possible pour le concrétiser parce que la tension entre moi et Bouguerra Soltani ou un autre responsable du mouvement ne sert à rien. Lire ses déclarations m’a beaucoup réconforté. C’est formidable. Il faut aller vers l’apaisement parce qu’on doit s’occuper des questions publiques et non internes.

Tout au long de votre premier mandat, vous avez été critiqué de manière virulente par Bouguerra Soltani. Aucune mesure disciplinaire n’a été prise contre lui. Est-ce que cela va changer ?

J’ai été conforté dans cette stratégie comme vous l’aviez sans doute remarqué. Elle m’a renforcé. On ne change pas une stratégie qui gagne. C’est mon avis. Celui des instances, c’est autre chose. Mais j’espère que tout le monde a tiré les enseignements du congrès.

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