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Entretien avec Seddik Chiheb : « La présidence est intervenue pour consolider le Premier ministre dans ses décisions et positions »

Entretien avec Seddik Chiheb : « La présidence est intervenue pour consolider le Premier ministre dans ses décisions et positions »

À Mascara, vous avez évoqué l’option d’un candidat de consensus si le chef de l’État décide de ne pas se représenter. Comment devrait se faire ce consensus ?

Nous n’avons pas du tout parlé d’un candidat de consensus. Il y a eu peut être une mauvaise interprétation de mes déclarations. Cela dit, le RND ne voit le consensus qu’autour du président qui a su réunir autour de lui la majorité des Algériens. Le parti a, chaque fois que l’occasion lui est donnée, confirmé et réaffirmé son soutien au président de la République. Nous avons un engagement politique solide avec lui basé sur un programme et une démarche. Nous ne changeons pas de position à tous les coups.

Quelle sera votre position s’il ne se représente pas ?

On ne peut pas se projeter comme ça. Nous ne faisons pas de spéculation. Pour l’instant le président est là. Il a notre soutien total et absolu. Nous attendons qu’il se déclare.

Le RND n’envisage pas la non-candidature du président ?

Le RND a toujours pris du recul. Il ne fonce pas tête baissée.

Le RND ne s’exprimera pas avant que le président ne déclare sa candidature ou son retrait ?

Le président est le premier concerné. Le RND s’exprime dans la continuité de ses engagements politiques. Les instances du parti et le secrétaire général ont tranché : si le président de la Rpublique s’engage, on est avec lui. On ne met pas la charrue avant les bœufs. Pour nous le consensus se fait autour du président. Il reste une année pour la présidentielle, nous avons besoin de consolider la démocratie et faire face aux problèmes de l’heure.

Vous avez estimé que la contestation sociale en générale est liée à la présidentielle de 2019. Comment ?

Nous avons d’abord rappelé que la grève est un droit constitutionnel. Tous les Algériens peuvent l’exercer librement dans un cadre organisé et structuré par les lois. Cependant, lorsqu’une grève sauvage ou ne souscrit pas à la réglementation du travail ou à une décision de justice, elle sort de son contexte. Lorsqu’un un syndicat déclare une grève illimitée, celle-ci dévie de son objectif socio-professionnel. Quand on laisse ouvert le délai d’une grève, cela veut dire qu’on recherche le chaos. La démarche devient éminemment politique. Lorsqu’on arrive à cette conclusion, on lie automatiquement ces manœuvres à des échéances politiques et la plus proche d’entre elles est la présidentielle.

Qui est derrière ces manœuvres selon vous ?

Nous ne sommes pas des policiers pour dire qui est derrière ces manœuvres. Nous observons la scène politique et nous faisons des lectures. Nous ne pouvons pas accuser X ou Y. Je précise ici que la manipulation peut intervenir en amont ou en aval. Même si une grève est lancée pour des revendications socio-professionnelles, elle est récupérée ou récupérable quand elle se prolonge longtemps et quand ses initiateurs trouvent des subterfuges pour fuir le dialogue constructif et responsable en faisant de la surenchère.

Comment font-ils de la surenchère ?

Lorsqu’on demande des choses qui ne sont pas dans les moyens de l’État ou de l’employeur, c’est une manière de fuir le dialogue.

Qui est visé par ces manœuvres ? Ouyahia ?

On ne ramène pas les choses aux personnes. Et il n’y a aucune raison pour qu’il soit le principal visé.

Le Premier ministre a été critiqué à plusieurs reprises et qualifié par certains de provocateur. Est-ce que ses réactions par rapport à la contestation sociale n’étaient sont pas excessives ou clivantes ?

Ahmed Ouyahia est connu pour être un homme pondéré. Il n’est pas adepte des réactions épidermiques et ne fonctionne pas au quart de tour. C’est un homme qui a toujours pris du recul. Il a toutefois une caractéristique : il n’est pas populiste. C’est un responsable qui s’assume jusqu’au bout. Il ne se sent pas obligé de se justifier à chaque fois qu’on lui tend le micro. Il fait son travail au quotidien. Nous avons besoin que ce pays soit sérieusement pris en charge et c’est la priorité du RND.

La présidence est intervenue à plusieurs reprises pour préciser ou revoir des décisions prises par le Premier ministre. Est-ce un désaveu ?

La présidence est intervenue pour clarifier et consolider le Premier ministre dans ses décisions et positions. Pour la tripartite et la charte pour le partenariat public-privé par exemple, vous n’avez qu’à relire la lettre du président du 24 février pour comprendre que la ligne indiquée est celle appliqué par Ahmed Ouyahia. En ce qui concerne les enseignants, le président a toujours prôné le dialogue. C’est une démarche sacrée pour lui. À un moment donné où il fallait être ferme, le gouvernement et notamment madame Benghabrit ont été fermes et courageux. Mais il y a un temps à tout. C’est-à-dire qu’il y a un temps à la fermeté et un temps au dialogue.

Le Premier ministre n’a pas été consolidé dans la gestion du dossier des agréments dans le secteur automobile comme l’a relevé le RCD qui estime qu’Ahmed Ouyahia a été écarté des centres de décision…

Je ne commente pas la lecture d’un parti politique. Mais j’estime que le Premier ministre n’a pas été désavoué sur ce dossier. D’ailleurs, ce terme n’existe pas dans le lexique constitutionnel. Le gouvernement a annoncé l’octroi de dix agréments. Les opérateurs ont fait des recours. C’est ça le dialogue. Aujourd’hui, il y a un chef de l’État qui a des prérogatives constitutionnelles pour mettre et démettre n’importe quel responsable. Lorsqu’il décide qu’un responsable est arrivé à la fin de sa mission, il le lui signifiera de la façon la plus claire. Je ne pense pas que la république agit ou se construit de la manière dont certains cercles veulent bien le faire croire.

Durant toute cette période marquée par la contestation sociale, l’opinion publique a très peu entendu le Premier ministre. Pourquoi ?

Je pense qu’il n’y a pas plus présent que lui. Mais si être présent veut dire palabrer à chaque instant sur tout et rien, ce n’est pas son genre. Il est présent là où il doit l’être. Je ne pense pas que c’est un homme qui l’habitude de parler pour parler.

Lors de votre intervention aux Nations unies à New York, vous avez estimé que la lutte contre fléaux liés à l’émigration doit se faire dans le respect des droits de l’Homme. Est-ce que l’Algérie respecte ce principe ?

Je pense que l’Algérie respecte les droits humains. Au-delà de la législation qui conforte une tradition séculaire d’hospitalité, il y a également cette bienséance envers des étrangers d’une manière générale. Maintenant nous sommes toujours préoccupés par le flux important des migrants notamment subsahariens. Les problèmes de sécurité imposés par la situation rendent les choses difficiles. Mais globalement, l’Algérie reste une terre d’accueil.

Des ONG comme Amnesty international et Human right watch affirment le contraire avec des chiffres et des témoignages à l’appui…

Je pense qu’Amnesty international et Human right watch nous ont habitués à des excès dans leurs jugements. Ils ont souvent des partis-pris, des rapports tendancieux et carrément hostiles lorsqu’il s’agit de notre pays. Nous n’avons pas vu AI ou HRW dire la même chose sur certains pays qui sont plus durs que nous en matière d’émigration. De par sa position géographique, notre pays fait face à des flux importants. Et il est de notoriété publique qu’il y a des réseaux de passeurs très organisés. Aux migrants se joignent souvent des terroristes et des trafiquants de tout genre. Aujourd’hui, le Sahel pilule de trafic et de crimes. Nous devons être extrêmement vigilants. Cependant, je pense que si vous sillonnez l’Algérie, vous trouverez dans les coins les plus enclavés des migrants subsahariens que syriens.

Amnesty international évoque un profilage ethnique et des expulsions massives. Elle accuse pratiquement l’Algérie de racisme…

Chez nous, c’est un mot qui n’a pas de sens. Nous sommes sur un même continent et la couleur de la peau n’a jamais été considérée comme un élément de séparation. Nous avons des hommes de couleur Algériens. Mais on ne peut pas échapper au dérèglement qui frappe la planète. Nous enregistrons de plus en plus un repli sur soi et un rejet de l’autre. Dans notre pays, ce repli est également dû à ce qu’on a vécu durant la décennie noire du terrorisme. Un jeune de 25 ans n’a pas l’habitude de voir des étrangers autour de lui. Cela étant dit, je souhaite préciser que l’Algérie a toujours honoré ses engagements vis-à-vis du continent et notamment envers ses voisins. Je vous signale que l’opération de rapatriement de nos frères nigériens a été faite en collaboration avec le gouvernement du Niger dans le respect et la dignité. Entre décembre 2014 et 2016, nous n’avons rapatrié que 18.000 personnes dont des femmes et des enfants. L’opération a été suspendue. Les autorités algériennes ont repris les opérations de rapatriement des ressortissants nigériens en situation irrégulière en septembre 2017. Elles ont permis le retour de 2300 ressortissants seulement dans leur pays.

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