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ENTRETIEN. Dr Bekkat Berkani : « C’est la vie d’une nation qui est en jeu »

ENTRETIEN. Dr Bekkat Berkani : « C’est la vie d’une nation qui est en jeu »

Le Dr Mohamed Bekkat Berkani est membre du comité scientifique Covid-19 en Algérie.

Les syndicats de l’éducation affichent des réserves quant à l’application les protocoles sanitaires anti-Covid durant la rentrée scolaire. Que leur dites-vous ?    

Dr Mohamed Bekkat Berkani : Les collectivités locales ont la responsabilité de la disponibilité des masques, de l’eau et le savons liquide, etc., dans les établissements scolaires. Les syndicats ont des craintes, les parents aussi et tout le monde éprouve des inquiétudes, mais il va bien falloir commencer. Ce que je peux dire c’est que les syndicats doivent être à la hauteur et aider par des recommandations de prudence et d’adhésion au protocole sanitaire et ce vis-à-vis des professeurs. Il faut absolument qu’il y ait une remontée de l’information, tout le monde est appelé à prendre ses responsabilités. Cela implique que si dans un établissement donné, les mesures ne sont pas respectées, il faut en avertir la hiérarchie. Les responsabilités doivent être définies. Les autorités locales sont appelées à prendre leurs responsabilités. Il est question d’expliquer de façon pédagogique aux élèves la nécessité de porter le masque.

Les syndicats disent que ces questions auraient dû être discutées durant le confinement et pas à la veille de la rentrée. Qu’en pensez-vous ?

On ne pouvait pas le faire, car c’est en fonction de la situation épidémiologique. Il y a un mois on ne savait pas qu’il y aurait une décrue comme celle que nous connaissons aujourd’hui. Ce qui compte c’est l’effet psychologique sur l’enfant. C’est la vie d’une nation qui est en jeu. Il y a des pays qui sont à 13 000 cas journaliers de contaminations au Covid, pour ne prendre que l’exemple de la France, et les écoles et les lycées fonctionnent normalement. Il faut surmonter ses craintes.

Des professionnels de la santé affirment que la décrue des contaminations s’explique aussi par le nombre réduit de tests PCR. Qu’en dites-vous ?

Ce n’est pas le seul critère. Le critère le plus important c’est le nombre de cas graves symptomatiques en réanimation. Et il est en nette décroissance. Quand vous avez 30 malades en réanimation sur toute l’Algérie, cela signifie que, quelque part, le virus a diminué en termes de virulence. Ceci explique aussi le nombre en diminution des décès. C’est vrai qu’il y a un manque de RT-PCR. Il a été décidé, parce qu’il n’y en pas pour tout le monde, de les réserver aux malades qui sont symptomatiques. Parce que ce type de malades est un grand réservoir de virus. Ils sont à même de diffuser le virus en lui-même dans l’environnement. Mais un porteur sain qui n’a pas de symptômes, et ne le sait même pas, à la limite il n’est pas dangereux sur le plan de la santé publique. Des pays européens notamment ont procédé à des tests massifs sur lesquels ils sont revenus.

Comment se fait-il, dès lors que la situation est maîtrisée en Algérie, des pays notamment de l’UE maintiennent l’Algérie sur la liste rouge des pays à risque ?       

De toute façon, le trafic aérien est à l’arrêt, par conséquent il est hors de question de parler de classification. Cette dernière est tout à fait obsolète et, quelque part, tendancieuse. Sinon comment la communauté européenne maintient-elle un pays comme l’Algérie même avec 500 cas/jour sur cette liste, alors que des pays européens frisent des dizaines de milliers de cas quotidiens ? Pour le moment gardons notre calme, lorsque la décision politique sera prise de rétablir un tant soit peu les liaisons aériennes, maritimes et terrestres, à ce moment-là et d’un commun accord avec les pays, il y aura les exigences des protocoles sanitaires.

Beaucoup de demandes sont exprimées pour la réouverture des frontières de l’Algérie. Pourquoi ne pas répondre favorablement à cette doléance tout en exigeant des certificats de tests PCR à la frontière et éviter la mise en quarantaine ?   

Les tests PCR ne suffisent pas. Rien ne garantira que le voyageur n’attrapera pas le virus à l’aéroport ou dans l’avion, quand bien même il aurait effectué le test 72h avant leur embarquement. Les tests PCR ne sont pas une assurance totale et générale. Laissons-nous le temps de profiter de cette accalmie pour faire nos rentrées scolaires et universitaires. Laissons-nous le temps de rentrer dans une normalité progressive. Nous comprenons les difficultés qu’éprouvent nos compatriotes. Nous sommes tous atteints. Il y a des cas humanitaires qui pourraient être pris en charge avec nos autorités consulaires en vue de leur rapatriement. Il reste que personne ne peut préjuger de l’évolution de l’épidémie d’ici quelques semaines.

Les Algériens sont de moins en moins enclins à respecter les mesures barrières et pourtant la lente décrue des contaminations se poursuit. Peut-on dire que le virus est vaincu ?

Le virus n’a pas disparu, il est là parmi nous. Mais la cadence des contaminations a diminué. Le risque est plus grand dans les endroits fermés où il y a beaucoup de monde. C’est pourquoi on hésite encore à laisser reprendre le transport interwilayas, les salles des fêtes et les tribunes des stades. C’est ce genre d’endroits où il y a plus de chances qu’il y ait transmissibilité.

Vous avez aussi des citoyens qui réclament de rouvrir les mosquées pour la prière du vendredi…

La population doit savoir que nous n’avons pas fini avec le virus du Covid. Que toutes les mesures doivent être des réflexes surtout dans les endroits confinés et où il y a concentration de personnes. Le gros problème c’est la promiscuité. La décision d’annuler la prière du vendredi est une fatwa religieuse pour des raisons sanitaires. Mon avis est d’attendre encore un peu.

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