Au mois de juin 2023, l’Espagne a recensé les chiffres les plus élevés de migrants arrivés des côtes marocaines depuis une année, rapporte El Confidencial.
Au total, 2.687 migrants dont 2.341 hommes, 203 femmes et 140 mineurs, sont arrivés sur les côtes espagnoles à bord d’embarcations clandestines en provenance du Maroc.
Cette recrudescence du phénomène d’immigration clandestine depuis le Maroc vers l’Espagne interroge sur l’état de la collaboration entre les deux pays dans ce domaine.
Le gouvernement espagnol qui espérait une coopération plus effective du Maroc en contrepartie de son revirement historique sur la question du Sahara occidental est confronté à la dure réalité du terrain.
En mars 2022, Pedro Sanchez, le chef du gouvernement espagnol a mis fin à la neutralité historique de l’Espagne sur le conflit sahraoui en s’alignant sur la proposition marocaine d’autonomie.
Le Maroc veut peser sur les prochaines élections en Espagne
Les pronostics donnent le Parti populaire espagnol (PP), qui a remporté les dernières élections locales en mai dernier, vainqueur lors du prochain scrutin législatif prévu le 23 juillet prochain.
La victoire du PP aux législatives pourrait sonner la fin de la lune de miel entre Madrid et Rabat. Le Maroc craint un retour à la position initiale de l’Espagne sur le Sahara occidental.
Après plusieurs mois d’accalmie relative, la route migratoire marocaine a repris de plus belle. En Espagne, le timing du retour des vagues massives de migrants depuis le Maroc suscite des interrogations sur les visées du Maroc.
En effet, le nombre d’entrées de migrants irréguliers en provenance du Maroc sur le territoire espagnol a globalement chuté depuis le revirement effectué par Pedro Sanchez, note le journal Nius. Néanmoins, les départs ont de nouveau explosé durant ce mois de juin alors que l’Espagne est en pré-campagne électorale, poursuit la même source.
Le Maroc est soupçonné de faire pression pour dissuader le futur gouvernement espagnol de ne pas rétropédaler sur la position officielle de l’Espagne sur le Sahara occidental.
C’est un message clair au futur gouvernement de Madrid : le Maroc est prêt à lâcher sa bombe migratoire, avec laquelle il a réussi à faire plier Pedro Sanchez sur la question du Sahara occidental.
Le pic migratoire depuis le Maroc « laisse penser que les autorités marocaines avertissent le PP de ne pas changer de politique au Sahara occidental », commente El Confidencial.
« La réactivation de la route migratoire canarienne est-elle un avertissement du Maroc au gouvernement ? », s’interroge de son côté le journal Nius.
« C’est assez clair. Avec l’Espagne en campagne électorale, c’est le moment idéal pour le Maroc pour faire pression sur les îles Canaries, le couloir atlantique, et surtout, avec l’émigration fondamentalement sub-saharienne. C’est un avertissement car si, comme cela peut probablement arriver, il y a un nouveau gouvernement en Espagne, les autorités du Maroc lèvent la main pour dire qu’elles sont là », explique José-Carlos Cabrera Medina, expert espagnol en politiques migratoires pour Nius.
Ce n’est pas pour rien que l’agence officielle marocaine MAP a sorti récemment une dépêche pour défendre le bilan marocain dans la coopération migratoire.
La carte migratoire comme arme de pression
Le Maroc annonce avoir empêché 366.000 tentatives d’émigration illégale vers l’Europe au cours des cinq dernières années. En 2022, le nombre de tentatives avortées était de 70.781 et à la fin du mois de mai de cette année, 25.519, selon les données du ministère marocain de l’Intérieur.
La question migratoire est perçue par le Maroc comme une carte pour faire pression sur l’Espagne.
Les autorités marocaines entendent bien peser de tout leur poids pour inciter le futur gouvernement espagnol à maintenir la position exprimée le 18 mars 2022 sur le Sahara occidental.
Contrairement au Maroc, l’Algérie n’a pas utilisé l’arme migratoire dans ses rapports avec l’Espagne, indique le journal Nius qui remarque que malgré la détérioration des relations algéro-espagnoles, le nombre d’embarcations clandestines depuis l’Algérie vers les Îles Baléares et la péninsule n’a pas explosé.
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