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Ex-espion empoisonné : autopsie d’une escalade diplomatique

Dix jours après l’empoisonnement au Royaume-Uni de Sergueï Skripal, un ex-agent double russe, et de sa fille, les tensions entre Londres et Moscou viennent de franchir un nouveau cap.

Theresa May, qui tient pour responsable la Russie dans ce qui est arrivé aux deux victimes – aujourd’hui dans un état critique –, avait laissé à Vladimir Poutine jusqu’au mardi 13 mars, minuit, pour fournir des « explications crédibles ».

Mais face à l’attitude du Kremlin, qui a rejeté l’ultimatum et exigé la livraison d’un échantillon du produit incriminé, indique Le Monde, la Première ministre britannique a mis à exécution ses menaces.

Elle a ainsi annoncé, ce mercredi 14 mars, une panoplie de sanctions : l’expulsion de 23 diplomates russes (sur les 59 accrédités au Royaume-Uni), la « suspension des contacts bilatéraux » avec Moscou et le boycott du Mondial qui se tiendra en juin en Russie, par les membres du gouvernement et ceux de la famille royale.

Point de départ

Tout commence le dimanche 4 mars, lorsque Sergueï Skripal et sa fille Youlia sont retrouvés inconscients sur le banc d’un centre commercial à Salisbury, une modeste ville du sud-ouest de l’Angleterre dans laquelle l’ex-membre des services russes de renseignement avait élu domicile depuis 2010.

Accusé de haute trahison par Moscou, l’homme avait été condamné en 2006 à 13 ans de prison. Il avait été payé 100.000 dollars pour fournir au MI6, le renseignement britannique, les noms des agents russes présents en Europe, indique la RTBF.

Il faut attendre quelques jours plus tard, le mercredi 7 mars, pour apprendre de la part des autorités britanniques que les deux victimes auraient été en contact avec le « Novitchok », un « agent innervant » russe détruisant le système nerveux.

De son côté, Boris Johnson, le ministre britannique des Affaires étrangères, avait promis de la fermeté « si l’enquête démontre la responsabilité d’un État ».

Le 12 mars, les tensions s’accentuent

Dans la foulée de cette révélation, Moscou dénonce des « accusations sans fondement » visant à « doper la campagne antirusse » tandis que le 9 mars, Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, considérait cela comme « de la pure propagande » visant à « faire monter la tension. »

Les relations entre les deux camps allaient se tendre un peu plus, lundi 12 mars, lorsque Theresa May estimait « très probable » la culpabilité de la Russie, la chef du gouvernement britannique répliquant à Vladimir Poutine, ayant invité Londres à « tirer les choses au clair ».

Dès lors, Moscou a dénoncé le « numéro de cirque » de Theresa May, pendant que Maria Zakharova, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, évoquait une nouvelle « campagne politique fondée sur la provocation », toujours selon le média belge.

Un opposant russe retrouvé mort lundi dernier

Dans ce climat déjà tendu, les États-Unis allaient de leur commentaire lundi dernier, affichant leur soutien aux Britanniques sans toutefois accuser de front la Russie.

« L’utilisation d’un agent innervant mortel contre un citoyen britannique sur le sol britannique est une honte », affirmait Sarah Sanders, porte-parole de Donald Trump.

Du côté de la Russie, qui devrait sans surprise réélire Poutine dimanche prochain à la tête du pays, les médias estiment que la fermeté de Theresa May n’est qu’un moyen pour tenter de faire oublier l’échec du Brexit. Sauf que la découverte, lundi 12 mars, du corps d’un autre exilé russe à son domicile londonien n’aidera sans doute pas à apaiser les tensions.

Il s’agit de Nikolaï Glouchkov, ancien dirigeant d’Aeroflot condamné en Russie pour détournement de fonds, proche de l’oligarque Boris Berezovski, lui-même retrouvé pendu dans sa salle de bain en 2013, alors qu’il vivait dans l’Ouest londonien, indique Le Monde.

Le corps de la victime portait des traces de strangulation, selon sa fille. La police britannique a toutefois précisé qu’elle « n’avait pas de preuve d’un lien avec l’incident de Salisbury », relate The Guardian.

À vrai dire, ce n’est pas la première fois que les relations entre le Royaume-Uni et la Russie tendent à se geler. Les relations entre les deux États se sont altérées depuis la mort à Londres, en 2006, de l’ancien espion russe Alexandre Litvinenko, empoisonné au polonium radioactif, rappelle 20 Minutes.

Il faut ajouter à ces éloignements diplomatiques l’aigreur de Moscou vis-à-vis de l’implication de la Grande-Bretagne dans l’OTAN.

« La Grande-Bretagne apparaît toujours comme le fidèle allié des États-Unis dans le cadre de l’OTAN et donc l’ennemi de la Russie. Les deux pays avaient donc bien du mal à renouer des bonnes relations diplomatiques malgré d’excellents accords commerciaux », explique au journal Isabelle Facon, spécialiste de la Russie.

L’enjeu financier

Selon une enquête du site Buzzfeed, quatorze personnes sont mortes ces dernières années au Royaume-Uni dans des conditions qui « suggèrent l’implication de la Russie », relate Le Monde, tandis que la police britannique qui avait classé ces décès comme « non-suspects », devra rouvrir ces quatorze enquêtes à l’issue de l’annonce qu’a faite mardi 13 mars la ministre de l’Intérieur, Amber Rudd.

Selon l’enquête du média, s’appuyant sur le témoignage de plusieurs ex-agents américains et britanniques, les autorités britanniques ont fermé les yeux « par peur des représailles, du fait de l’incompétence de la police et pour préserver les milliards déversés par les Russes sur la City », Londres devenant « un creuset pour les agissements des services secrets et des mafias russes. »

Mais Theresa May a opéré un changement de ton avec le Kremlin, surtout depuis que la Russie a été accusée de s’être ingérée dans la campagne du référendum sur le Brexit.

Sans toutefois laisser échapper quelques regrets. Ce mercredi 14 mars, au Parlement britannique, elle lançait : « Beaucoup d’entre nous ont tourné leurs regards avec espoir vers la Russie post-soviétique. Nous voulions une meilleure relation et il est tragique que le président Poutine ait choisi de suivre cette voie. »

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