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EXCLUSIF. Vaccination anti-Covid : le Pr Senhadji nous dit tout

EXCLUSIF. Vaccination anti-Covid : le Pr Senhadji nous dit tout

Le Pr Kamel Senhadji, président de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS) aborde dans cet entretien exclusif à TSA, le rôle de cette instance dans la campagne de vaccination contre la Covid-19, et revient sur le respect du calendrier vaccinal et l’efficacité des vaccins commandés par l’Algérie.

L’Algérie s’apprête à recevoir les doses des vaccins russe et chinois contre la Covid-19 qu’elle a commandées. Quel rôle va jouer l’Agence nationale de sécurité sanitaire dans la campagne de vaccination ?

L’Agence nationale de sécurité sanitaire a déjà eu un rôle détaillé et fouillé sur l’efficacité et la sécurité du vaccin, bien sûr aux côtés du ministère de la Santé et le ministère de l’Industrie pharmaceutique, qui s’occupent de la vaccination et des modalités d’acquisition, etc.

L’Agence est fortement impliquée quant aux aspects liés à la sécurité de ces vaccins, avec un groupe de travail composé essentiellement de spécialistes en immunologie qui ont décortiqué dans le détail la dizaine de vaccins en course.

Elle a donc déjà fait un travail d’étude de sécurité et d’efficacité du vaccin russe Spoutnik V, qui a été autorisé et enregistré depuis peu en Algérie.

L’Agence va faire de même pour le vaccin chinois qui a été proposé à l’achat. Elle regardera les aspects d’efficacité et de réponse immunitaire, voir si le vaccin peut remplir son rôle quant à la défense et à l’élimination de l’infection par le coronavirus, et aussi par rapport à la sécurité qui peut en résulter et qu’on doit observer lors de cette vaccination, en particulier les effets secondaires.

« Avoir nos propres données scientifiques »  

Les deux vaccins commandés par l’Algérie sont administrés en deux doses. Quelle est la période entre les deux injections ?    

Elle tourne entre 21 et 28 jours. Mais généralement c’est 21 jours pour le Spoutnik V et le vaccin chinois, comme validés par l’étude.

Y aura-t-il une surveillance entre les deux injections pour détecter d’éventuels effets secondaires ?

Bien sûr. Il y a un suivi immédiat, probablement on aura des contrôles d’études d’efficacité sur un certain nombre de patients, comme un échantillon pour être étudié plus en détail.

Les données serviront à alimenter la base de données localement, en plus des études qui sont fournies par les Russes et les Chinois.

Mais cela ne nous empêche pas de procéder sur un certain nombre de groupes à une exploration biologique  plus approfondie à l’effet d’avoir nos propres données scientifiques. Nous avons les moyens et les compétences pour cela, et en principe ça ne devrait pas poser de problème.

Les deux vaccins russe et chinois sont adaptés au dispositif vaccinal de l’Algérie. Ils ont aussi cette facilité de conservation et d’utilisation …

Effectivement, les deux vaccins sont faciles à manipuler. Ils se conservent entre -2° et -8 °C, c’est comme les petits congélateurs de la cuisine.

Les deux vaccins sont faciles d’utilisation. Ils ne sont pas, du tout, contraignants. Une fois décongelés, on peut encore les conserver pendant quelque temps dans les frigos normaux des centres de vaccination.

La vaccination contre la Covid-19 requiert-elle une formation particulière pour les personnels chargés de l’opération ?

Une formation d’appoint est nécessaire. D’autant plus que, à chaque fois qu’on a affaire à un nouveau vaccin, on a besoin d’une petite mise à jour adaptée seulement à la pathologie puisqu’il s’agit d’une maladie nouvelle.

Mais la logistique et tous les gestes de base ne devraient pas poser de problèmes, puisque l’Algérie est habituée depuis l’Indépendance à lancer des opérations de vaccination très importantes à travers tout le territoire national.

« Mais il faut toujours s’attendre probablement aux éventualités d’un retard »

Le président de la République a fixé le mois de janvier pour le début de la vaccination. L’Algérie sera-t-elle au rendez-vous ?

J’espère bien, parce que normalement d’ici la fin janvier il y aura une première fournée de vaccins. Vous le savez tout aussi bien que moi : les contrats ont été signés, l’enregistrement a été effectué au niveau de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques.

Je pense que le vaccin sera au rendez-vous ce mois-ci. Mais il faut toujours s’attendre probablement aux éventualités d’un retard indépendant de notre volonté.

Remarquez que Pfizer (co-fabricant du vaccin à ARN Messager avec BioNTech, ndlr) a annoncé à l’instant qu’il y aura un retard de livraison pour l’Europe, de trois à quatre semaines en raison de soucis de production.

Mais ce n’est pas cela qui va nous inquiéter. L’essentiel est d’avancer, et je suis confiant quant à entamer très rapidement cette campagne de vaccination.

En Algérie, la campagne de vaccination va durer combien de temps  ?   

Nous avons au moins une vingtaine de millions de personnes à vacciner. Il faudrait qu’on puisse vacciner je dirais même en 24 heures sur 24 heures pourquoi pas, nuit et jour. Il va falloir avoir des cadences de vaccination très élevées.

Des pays arrivent à vacciner jusqu’à 100 000 personnes par jour, c’est l’idéal. En Algérie, il faudrait qu’on arrive à vacciner à des rythmes très soutenus pour pouvoir s’en sortir, mais cela va prendre quelques mois, si ce n’est pas une année.

Si on vaccine 100 000 personnes par jour, ça va durer jusqu’à la fin de l’année. Mais l’essentiel est de commencer.

« Nous avons au moins 20 millions de personnes à vacciner »

Pour atteindre l’immunité collective, on avance un pourcentage de 60 % de population vaccinée, est ce que c’est juste ?

Même 50 % de personnes vaccinées peuvent favoriser une immunité collective. Il faut vacciner 50 % de la population, c’est sûr, mais l’idéal c’est 70 %. Si c’est 70 % de la population qui est immunisée, l’immunité collective est acquise.

Chez nous, on peut vacciner 50 % de la population et les 20 % restants on n’aura probablement pas besoin de les vacciner. Ce seront les personnes qui ont été en contact et qui ont eu le Covid-19, généralement les jeunes qui ont une bonne réponse immunitaire ce qui les rend déjà immunisés naturellement du fait qu’ils ont déjà été infectés.

C’est comme s’ils étaient vaccinés. Et je peux vous dire qu’au moins 20% de la population le sera naturellement. Si on vaccine 50 % de la population parmi la plus fragile et la plus exposée, etc., en plus des 20 % qui le sont naturellement, on va arriver à 70 % de couverture et qui va être à l’origine d’une immunisation collective.

| Lire aussi : Covid-19 en Algérie : « Il est inutile de vacciner les enfants »

À titre personnel, allez-vous vous faire vacciner contre la Covid-19 ?

Oui, je tendrai mon bras volontiers et j’ai hâte d’être vacciné. Je le ferai avec plaisir. J’aurais bien aimé partager cette dose avec tout le monde, et j’espère qu’il y en aura assez (de doses) le plus rapidement possible. Il y en aura pour tout le monde, mais il faut aussi du temps. Je sais que chacun veut de cette potion magique le plus tôt possible pour se prémunir contre cette maladie.

« Restons vigilants ! »

En attendant le début de la vaccination, que faut-il faire ?

On ne doit pas baisser de vigilance et d’attention. On doit garder les mesures barrières (distanciation masque…) pendant pas mal de temps, pendant et même après la vaccination. Il faudrait qu’on puisse adopter ces réflexes pour pas mal de temps.

D’autant plus qu’on entre dans l’ère des épidémies, qui depuis ces 20 ou 30 dernières années reviennent à des cadences soutenues.

Ceci à cause de beaucoup de modifications du climat, de la pollution, etc., qui ont chamboulé toute la biodiversité. Si bien que la faune s’est rapprochée des êtres humains.

Par voie de conséquences, tous les virus hébergés par ces animaux vont se transmettre beaucoup plus facilement à l’homme et s’y adapter.

Ce qui déclencherait de nouvelles maladies qu’on ne connaissait pas avant. Je signale que 70% des maladies virales et infectieuses sont des zoonoses, autrement dit des maladies dont l’origine provient de virus hébergés par des animaux et qui se sont adaptés à l’homme.

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