Économie

Exportations : la diplomatie algérienne pour ouvrir des portes

Confrontée à la baisse drastique de ses revenus en devises issus de la vente du pétrole et du gaz, l’Algérie ambitionne de développer ses exportations hors hydrocarbures. Le 18 août dernier, lors de la conférence nationale sur le plan de relance socio-économique, le président Abdelmadjid Tebboune avait tracé un objectif à atteindre en 2021. Il avait placé la barre très haut.

Le gouvernement revoit son objectif à la baisse

« Nous espérons qu’à la fin 2021, nous aurons atteint au moins 5 milliards de dollars d’exportations de différents produits hors-hydrocarbures », avait lancé le chef de l’État, devant un parterre d’opérateurs économiques, sachant que l’Algérie exporte annuellement autour de deux milliards de dollars hors gaz et pétrole.

Sept mois après cette annonce, l’objectif a été réduit à la baisse d’un milliard de dollars, en raison des conséquences de la pandémie de Covid-19 sur l’économie nationale et le commerce mondial.

Selon nos sources, au lieu de 5 milliards, le gouvernement doit batailler pour réaliser 4 milliards de dollars d’exportations hydrocarbures.

La diplomatie algérienne se met officiellement au service des exportateurs, via son Bureau d’information et de promotion des investissements et des exportations (Bipie). Confié à un ambassadeur conseiller Smail Benamara, ce Bureau a entamé sa mission ce samedi 27 mars, avec une première rencontre avec des représentants d’entreprises de la région de Bejaia.

Le Bipie se fixe pour objectif d’ouvrir des portes à l’étranger aux exportateurs algériens, en mettant à leur disposition le réseau des chargés d’affaires économiques et commerciales des représentations diplomatiques et consulaires algériennes à l’étranger. Dans sa brochure distribuée aux participants à cette rencontre, le Bipie promet la « facilité de contacts directs et rapides »

Le Bipie, qui a été créé à l’initiative du président Tebboune pour développer les exportations hors hydrocarbures, se propose aussi comme le lien entre les exportateurs et les autres ministères ainsi que les représentations diplomatiques étrangères accréditées en Algérie. Il s’engage en effet à orienter les exportateurs vers les « ministères et ambassades accréditées à Alger toutes demandes qui ne relèvent pas des compétences du ministère des Affaires étrangères ».

Une bonne initiative sachant la bureaucratie tatillonne de l’administration algérienne et la multitude d’intervenants quand il s’agit d’exporter des produits et surtout de devises. Car ce ne sont pas les embuches qui manquent sur le chemin des exportateurs algériens, dans un pays plutôt bien outillé pour importer que le contraire. À Bejaia, des opérateurs économiques ont rappelé au Bipie leurs doléances, qui se cristallisent autour de la réglementation de change de la Banque d’Algérie, jugée trop contraignante, comme l’a souvent dénoncé le président de l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal), Ali Bey Nasri.

« La Banque d’Algérie se lance dans la chasse à l’exportateur, elle l’attend au tournant », a-t-il dénoncé un entretien à TSA, le 24 décembre dernier. Un mois, il est revenu à la charge : « Dans le cadre de cette nouvelle stratégie, toutes les propositions que nous avons élaborées, dans le sens de l’allègement de cette réglementation, risquent de ne pas être retenues par la Banque d’Algérie (BA) laquelle a émis des propositions qui n’ont absolument aucun sens.

Cela signifie que l’objectif du président de la République de 4 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures en 2021, risque fortement d’être contrecarré par la rigidité de la Banque d’Algérie. »

Malgré les critiques, la Banque d’Algérie n’a pas bougé et sa réglementation de change est considérée comme par les exportateurs comme le principal objectif au développement des exportations hors hydrocarbures.

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La Banque d’Algérie pointée du doigt

Les opérateurs se plaignent des difficultés pour obtenir des devises afin de se déplacer à l’étranger pour trouver des acheteurs et créer des bureaux de liaisons, indispensables pour permettre aux produits fabriqués en Algérie d’atteindre les marchés extérieurs. Les opérateurs se plaignent aussi des risques liés à la pénalisation du non-rapatriement des devises après une opération d’exportation.

« Lorsque vous avez une attestation de rapatriement de devise, elle vous envoie une mise en demeure disant que si vous ne rapatriez pas 1 000 dollars, vous tombez sous le coup de l’ordonnance 96/22 criminalisant la fuite des capitaux. Est-ce que 1 000 dollars à l’export sont considérés comme une fuite de capital ? Comment voulez-vous que les opérateurs travaillent dans ces conditions si on ne change pas le « logiciel » de la méfiance et de suspicion à l’égard de l’exportateur ? », s’interrogeait Ali Bey Nasri, fin décembre.

Où est la réforme promise par Tebboune ?

Sa question n’a jamais reçu de réponse de la part des autorités monétaires, et la réforme sur la monnaie et le crédit, qui a été annoncée dimanche 20 septembre par le président Tebboune, n’est toujours pas concrétisée. « On est loin de 1990 », avait dit M. Tebboune, en affirmant que l’Algérie se « dirige vers une économie ouverte sur le monde ». « Il faut que la LMC soit révisée. Les banques, il faut une réforme absolue. Il faut une réforme fiscale », a-t-il tranché. « Il n’y a plus rien de rente. On compte nos sous », a-t-il encore dit. Six mois après, aucun projet de réforme n’a été divulgué par le gouvernement.

Dans ce contexte, la mission de l’ambassadeur Benamara et de son équipe d’une trentaine de conseillers semble difficile. Les problèmes des exportateurs algériens se situent surtout en Algérie et non à l’étranger.

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