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Fact-checking et lois répressives : comment le monde lutte contre les fake news

Fact-checking et lois répressives : comment le monde lutte contre les fake news

Ce n’est pas une loi exclusivement destinée à lutter contre les fake news, juste des amendements de la législation existante afin de prendre en charge les « nouvelles formes de criminalité ».

Avec l’adoption mercredi 22 avril par l’Assemblée populaire nationale du projet de loi modifiant le Code pénal et du Sénat ce jeudi, l’Algérie est en passe de se doter d’un outil juridique de lutte contre la diffusion de fausses informations. Des peines de prison (de 1 à 3 ans) et de fortes amendes sont prévues.

La traduction de « fake news » en « fausses informations » n’est très exact, l’adjectif anglais « fake » signifiant « falsifié, manipulé ». Il ne s’agit donc pas d’informations seulement fausses que leurs auteurs n’ont pas pris le soin de vérifier, mais de nouvelles erronées et manipulées, sciemment diffusées à des fins malveillantes, souvent politiques, parfois aussi économiques, religieuses ou autres.

Elles prolifèrent souvent à l’occasion d’événements politiques importants ou en temps de crise, comme c’est le cas dans beaucoup de pays dont l’Algérie depuis le début de l’épidémie du coronavirus.

Principaux vecteurs de la propagation des fausses nouvelles ou des informations manipulées, les réseaux sociaux notamment Facebook et Twitter ont renforcé les outils de lutte contre les fakew news.

Au Maroc, les autorités réfléchissent à l’élaboration d’une loi similaire pour les mêmes motifs : la multiplication de fausses nouvelles sur tout ce qui concerne la gestion de la crise sanitaire. D’autres pays ont par ailleurs pris les choses en main depuis plusieurs années, dans le sillage de l’interférence et de l’influence prêtée aux réseaux de manipulation dans des événements mondiaux important, dont l’élection américaine de 2016 et le référendum sur le Brexit au Royaume-Uni.

L’Union européenne lutte à sa manière contre les fausses informations. En 2015 déjà, le Conseil européen reconnaissait pour la première fois la menace que représentent les campagnes de désinformation en ligne. L’UE accentue ses efforts en doublant le budget pour lutter contre les fake news qui s’élève aujourd’hui à 5 millions d’euros. Un site de l’UE répertorie les rumeurs et les fausses informations qui circulent dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ce genre de sites s’est multiplié à travers le monde.

Allemagne : des amendes pouvant aller jusqu’à 50 millions d’euros

En Italie, la police a mis en place, à la veille d’une échéance électorale importante en 2018, un site destiné à permettre aux citoyens de signaler de potentielles fake news, ou fausses informations, et d’obtenir si possible certaines vérifications.

Sur un site dédié, chaque citoyen italien peut signaler ce qui lui paraît être une fausse information. Les services de police spécialisés dans la surveillance d’internet et des réseaux de télécommunications lanceront alors une enquête pour vérifier cette information.

Cette enquête prévoit une identification des sources, ou encore une recherche d’éventuels démentis, et s’il s’avère que l’information mentionnée est manifestement fausse, un démenti est publié sur le site de la police postale et sur les réseaux sociaux. Si cette fake news est diffamatoire ou délictuelle, la police postale peut saisir la justice.

Si beaucoup de médias traditionnels ont eu recours au fact-checking en mettant en place des services dédiés à la vérification de la véracité des informations diffusées sur les réseaux sociaux, de nombreux États ont recouru à la solution « répressive ».

L’Allemagne a été le premier pays à adopter une loi de ce genre, prévoyant notamment des amendes pouvant aller jusqu’à 50 millions d’euros. Le texte, entré en vigueur au 1er janvier 2018, concerne notamment les discours haineux sur Internet (propagande terroriste, insultes, appels à la violence…), y compris les fake news de ce type. Elle oblige les réseaux sociaux à supprimer sous 24 heures les contenus litigieux publiés sur leurs plateformes – au risque d’encourir une amende pouvant grimper jusqu’à 50 millions d’euros. « La diffamation et les rumeurs malveillantes ne sont pas couvertes par la liberté d’expression », affirmait en décembre 2016 le ministre allemand de la Justice. Cette loi n’a donnée lieu, pour l’heure, à aucune condamnation.

En France, la loi contre la « manipulation de l’information » a été adoptée le 20 novembre 2018, non sans beaucoup de réserves de l’opposition et des défenseurs de la liberté d’expression.

Elle dispose que, « pendant les trois mois précédant un scrutin national une action judiciaire en référée est possible pour interrompre rapidement la diffusion d’une publication en fonction des critères suivants : la fausse nouvelle doit être manifeste, être diffusée massivement et de manière artificielle, conduire à troubler la paix publique ou la sincérité d’un scrutin. Le juge des référés a alors 48 heures pour statuer sur la nature de l’information et ordonner éventuellement sa dépublication ».

Dans ce pays, la loi de la presse instaure déjà une amende de 45.000 euros pour « la publication, la diffusion ou la reproduction de nouvelles fausses ou fabriquées » pouvant causer un « trouble à l’ordre public ».

Législations sévères et réticences

Au chapitre des législations les plus dures, on retrouve la Russie. Les députés de ce pays viennent de voter un projet de loi prévoyant des sanctions sévères, jusqu’à cinq ans de prison, pour la diffusion de fausses informations relatives au nouveau coronavirus.

Le texte prévoit qu’une personne reconnue coupable d’avoir partagé des informations « intentionnellement fausses » ayant entraîné la mort d’une personne ou ayant eu de graves conséquences, risquera une peine de cinq ans de prison et une amende de 2 millions de roubles (23 000 euros).

Il y a aussi l’Indonésie où, depuis le mois de janvier, les internautes peuvent être condamnés à six ans de prison ou encore le Kenya qui a fait adopter en mai dernier un projet de loi punissant 17 types de cybercrimes, dont la publication de fake news. Les coupables risquent une amende de 5 millions de shillings kenyans (42 000 euros) et jusqu’à deux années de prison.

La lutte contre les fake news ne fait néanmoins pas l’unanimité, certains y voyant un danger pour la liberté d’expression. Ainsi, la Suisse concluait dans un rapport de mai 2017 que, « faute de recul, il n’est cependant pas possible à l’heure actuelle d’affirmer dans quelle mesure une réglementation étatique est nécessaire » sur la diffusion de fausses informations.

Aux États-Unis, qui veillent pourtant à ce que l’État se mêle le moins possible de la vie des entreprises, les fake news font réfléchir, mais une telle loi a du mal à passer l’épreuve du Congrès.

En moins d’un an, trois projets de lois ont été introduits sans atteindre le bureau ovale en raison de l’opposition républicaine au sein des commissions. Sous pression, Donald Trump a opéré par voie de décret présidentiel pour sanctionner toute forme d’interférence dans les élections.

Ce pays est l’un des plus touchés au monde avec l’épisode de l’élection présidentielle où une interférence de la Russie via le réseau social Facebook avait été soupçonnée.

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