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Faut-il souhaiter la bienvenue à Erdogan ?

Faut-il souhaiter la bienvenue à Erdogan ?

On peut aimer ou détester Erdogan, applaudir ou condamner son action en Syrie ou ailleurs, voir en lui un grand dirigeant éclairé ou tout juste un petit apprenti dictateur. Le président de la Turquie ne laisse personne indifférent et c’est dans l’ordre des choses que sa visite en Algérie fasse polémique.

Déjà, depuis la maladie du président Bouteflika, ce n’est pas tous les soirs que débarque à l’aéroport d’Alger un chef d’État étranger. Et quand c’est un dirigeant d’un grand pays, qui plus est impliqué dans toutes les parties d’échecs de la géostratégie internationale, qui nous rend visite, ça mérite au moins d’en discuter. Sur les réseaux sociaux ou ailleurs, les clivages idéologiques et de vieux ressentiments sont vite remontés à la surface.

L’écrivain-journaliste Kamel Daoud a ouvert le bal par le biais d’une lettre ouverte dans laquelle il a signifié au président turc qu’il n’était pas le bienvenu en Algérie, lui rappelant qu’il incarnait « l’esprit contraire de notre nation » : « Vous détestez la liberté, l’esprit libre, vous aimez les parades, les fonds de commerce par la religion, vous rêvez d’un califat sur nos dos et d’un retour sur nos terres. »

« Ils acclament votre venue, mais pas nous. Vous êtes l’idole des islamistes algériens et des populistes », ajoute Daoud qui recevra aussitôt une volée de bois vert, car comme il l’a lui-même écrit, le président turc compte aussi des admirateurs en Algérie.

Abderrazek Makri, président du MSP, ne se défend pas d’en faire partie et a toujours pris fait et cause pour le président du parti AKP, qu’on dit issu de la mouvance des Frères musulmans.

Cette fois, il n’y est pas allé de main morte, traitant de « traîtres et de collaborateurs qui renient leur culture » ceux qui s’opposent à la visite d’Erdogan.

« Je ne voulais pas intervenir, mais je l’ai fait non déplaise aux traîtres, aux collaborateurs et à ceux qui renient leur civilisation et leur culture. Ceux-là expriment leur rancœur de tout ce qui a trait à l’islam et aux musulmans. Je souhaite la bienvenue à Erdogan. Ils ont accueilli Macron et s’attaquent à Erdogan. Un parfait exemple de reniement », écrit Makri.

Sur les réseaux sociaux, la polémique n’est pas moins violente, transcendant parfois la personne d’Erdogan et la politique intérieure et extérieure de la Turquie moderne pour déterrer un vieux dossier, celui de la présence ottomane en Algérie.

Là où certains voient un pays frère venu prêter main forte aux Algériens pour « se débarrasser de la domination espagnole », d’autres parlent de « colonisation déguisée ».

Cause palestinienne, question kurde, conflit syrien, libertés démocratiques en Turquie et même la lointaine présence ottomane en Algérie, tout a été discuté ces derniers jours.

Sauf l’essentiel, soit l’objet même de cette visite. Car ne le perdons pas de vue, M. Erdogan est venu avant tout plaider la cause des opérateurs économiques de son pays, jugeant sans doute insuffisante la place qui leur est faite dans ce vaste territoire d’Afrique du Nord, au profit des Français et autres Chinois.

Dans son entretien de circonstance accordé au journal Echorouk, le président turc a bien explicité ses priorités, dans lesquelles on ne trouve nulle trace des questions idéologiques qui fâchent.

Plus de visas pour les citoyens turcs, notamment les hommes d’affaires, qui souhaitent se rendre en Algérie, « nécessité de signer l’accord sur la protection des investissements qui est resté en négociation depuis longtemps », « suppression rapide du dispositif des quotas d’importation pour augmenter le volume des échanges commerciaux entre les deux pays ».

Même « l’histoire commune entre les deux pays qui remonte à des siècles », l’hôte de l’Algérie veut en faire un vecteur pour « intensifier les relations bilatérales ».

Il n’a que sommairement abordé le conflit syrien et gageons qu’il en fera de même lors de ses tête-à-tête avec les responsables algériens. Qu’on lui souhaite la bienvenue ou non, Erdogan sait bien où il pose les pieds. Il a bien conscience qu’à Alger, il n’est pas dans une ancienne province de la « sublime porte », mais bien dans la capitale d’un pays au fort potentiel économique…

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