Politique

Feuille de route du pouvoir, déchéance de nationalité : le Hirak répond à sa manière

Le Hirak confirme bien son retour. Les Algériens ont marché ce vendredi 5 mars pour le deuxième vendredi de suite après la reprise des manifestations hebdomadaires le week-end passé, précédée de la célébration grandiose de l’an II du mouvement le 22 février.

Ce que redoutait le pouvoir depuis quelques semaines est maintenant là, les grandes manifestations de rue sont de retour, la mobilisation est maintenue et les manifestants réitèrent comme au premier jour le même mot d’ordre de changement radical.

À Alger, épicentre du mouvement, l’itinéraire habituel était noir de monde, dans d’autres villes aussi, à Annaba, Bejaia, Oran, Bordj Bou Arreridj, Tizi Ouzou…

Le Hirak a repris en fait sans avoir pris une ride depuis la suspension volontaire des marches au printemps dernier pour cause de Covid. Il a gardé son caractère national, sa force de mobilisation, même si on est encore loin des manifestations records du printemps 2019, son pacifisme et la détermination de ceux qui le font.

Le pouvoir aussi a gardé la même attitude, les mêmes réflexes et ne semble pas avoir autre chose à essayer que les recettes qui n’ont rien donné en deux ans de tentatives de tordre le cou au mouvement.

Parmi ces méthodes éculées, le bouclage des accès à la capitale pour empêcher les manifestants des wilayas limitrophes d’y accéder, l’encerclement du centre-ville par un dispositif de sécurité impressionnant, les tentatives de procéder à l’interpellation des premiers manifestants.

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Comme lors des 54 marches de 2019-2020 et les deux organisées en février dernier, ces procédés n’ont pas empêché des processions entières d’envahir le centre d’Alger dès la fin de la prière du vendredi. Comme si le temps s’est arrêté au printemps 2020.

Le drapeau amazigh, pour lequel des dizaines de jeunes ont été envoyés en prison, semble maintenant toléré, mais pour le reste, très peu de changements notables. Le Hirak a surtout retrouvé sa vocation de parlement à ciel ouvert à travers  lequel la contestation se prononce sur les événements politiques en cours.

Comme en 2019, où on répondait, souvent par le rejet, aux propositions de sortie de crise et de dialogue émanant du pouvoir, ceux qui ont manifesté ce vendredi se sont exprimés ce sur le dernier pas franchi par le gouvernement : le lancement du processus d’élaboration d’une loi visant à déchoir de leur nationalité les Algériens établis à l’étranger qui se rendraient coupables de faits graves.

L’ambiguïté de l’énoncé des actes susceptibles de valoir à leurs auteurs de se retrouver apatrides a fait dire à d’aucuns que le texte est d’abord destiné à faire taire les voix contestataires qui se font entendre à l’étranger, donc un outil supplémentaire pour l’appareil sécuritaire et judiciaire face au Hirak. Beaucoup de ceux qui ont marché ce vendredi 5 mars en sont en tout cas convaincus et l’ont fait savoir par des pancartes expressives.

« Vous n’allez pas nous faire peur avec la nationalité, la patrie est dans nos cœurs », lit-on à côté d’autres nouveaux slogans imposés par l’actualité brûlante comme ceux dénonçant la torture et les traditionnels « État civil et non militaire » ou « libérez les détenus ».

Le pouvoir a ses méthodes, le Hirak aussi et l’obstination du premier de ne s’en tenir qu’à sa seule feuille de route n’a d’égal que la détermination du second à la rejeter. L’impasse est bien partie pour durer.

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