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Flambée des prix et pénuries : l’État désarmé par ses errements

Flambée des prix et pénuries : l’État désarmé par ses errements

La scène est à peine croyable. Le ministre du Commerce fait baisser d’autorité et de moitié le prix de la pomme de terre dans un centre commercial d’Alger.

Kamel Rezig, qui a menacé la veille de sévir contre les spéculateurs qui mettent à profit la panique induite par la crise du coronavirus pour faire grimper les prix des produits alimentaires, est passé à l’acte en faisant une descente sur le terrain.

Sur place, il a ordonné de baisser leurs prix aux commerçants qui ne se sont pas fait prier. Mise scène ou pas, cela conforte ceux qui trouvent au nouveau ministre du Commerce un certain penchant pour les effets d’annonce et le traitement médiatique des questions qui se posent à son secteur, avec parfois le juste contraire de l’effet escompté.

Cela fait plusieurs jours que la frénésie des achats et des stocks s’est emparée des citoyens et, coïncidence ou pas, ce n’est qu’au lendemain des menaces télévisées de M. Rezig que les prix se sont envolés.

Les perturbations dans l’approvisionnement du marché et les fluctuations des prix du fait de la spéculation sont endémiques en Algérie et appellent un traitement dans le cadre d’une politique et une stratégie globales.

La pomme de terre justement a été évoquée il y a à peine un mois par un responsable plus haut placé que le ministre du Commerce, le président de la République en personne, qui a décrété à la télévision que le prix du tubercule ne devrait pas, en toutes circonstances, dépasser les 60 Da le kilogramme. Ce mercredi 18 mars, il est passé de 35 à 110 dinars.

Le pays n’a pas attendu qu’une pandémie mondiale frappe à ses portes pour découvrir l’incapacité de l’État à réguler le marché et à juguler la spéculation. Les citoyens le constatent chaque année à la veille des fêtes religieuses et à l’approche du ramadhan.

La menace d’une épidémie de coronavirus était à juste titre entrevue comme une épreuve et un test de vérité non seulement pour le système de santé national, mais aussi pour les circuits de commerce et les mécanismes d’approvisionnement des populations.

Gagnés par la psychose et inquiets de la perspectives d’un long confinement, les citoyens se sont rués sur les magasins, notamment d’alimentation, pour constituer des stocks.

Pendant plusieurs jours, ils se sont mis à acheter certes plus que d’habitude, mais on n’a pas assisté à de longues files, encore moins à des bousculades. Il était légitime que les gens prennent leurs précautions, mais il est inadmissible qu’une autre catégorie de la société mette à profit cette épreuve pour se remplir les poches.

Les prix de certains légumes sont passés du simple au triple et, le plus dramatique, c’est l’impuissance de l’État face au phénomène. Le ministre du Commerce a beau menacer, il ne pourra pas pallier par une simple note à ses subalternes locaux des défaillances vieilles de plusieurs décennies et touchant tout le territoire.

En l’absence de l’obligation d’établir une facture dans toute transaction commerciale, comme cela se fait partout dans le monde, il est impossible de savoir qui des différents intervenants (agriculteur, grossiste ou détaillant) a dépassé sa marge.

Le défaut de facturation coûte, en temps normal, beaucoup au Trésor public et au consommateur. Il risque, dans cette période d’urgence nationale, de désarmer l’État et de l’empêcher d’accomplir sa mission de régulateur et de garant des droits de tous. Lorsque la demande dépasse largement l’offre, l’État doit agir vite pour rétablir l’équilibre en renforçant les secteurs sous forte tension, pour éviter des pénuries et la flambée des prix. Les spéculateurs, ces fantômes éternels bouc-émissaires de tout dérèglement constaté sur le marché profitent surtout de l’inaction des autorités et des défaillances du système de production et de distribution.

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