L’Algérie, qui fait face à une hausse des contaminations au Covid-19, pourrait recourir de nouveau au confinement pour stopper la propagation de la pandémie de coronavirus. Évoquée par le gouvernement jeudi 29 octobre, la menace est brandie par le Pr Kamel Senhadji, président de l’Agence nationale de sécurité sanitaire qui met en garde les Algériens contre un relâchement dans l’application les mesures barrières anti-Covid.
Pour l’immunologue, les récentes mesures relatives à la rentrée scolaire, la réouverture des mosquées et la reprise des activités commerciales, peuvent faire monter en flèche les contaminations au Covid-19 en Algérie si la population continue à négliger les mesures sanitaires.
Le Pr Senhadji prend en exemple la deuxième vague de l’épidémie notamment en Europe avec des dizaines de milliers de cas quotidiens qui a contraint plusieurs pays à reconfiner à nouveau après avoir laissé reprendre les activités économiques et les rentrées scolaire et universitaire.
« Il ne faut pas se leurrer, chez nous, avec la rentrée scolaire qu’on a entamée, la rentrée sociale et la reprise des activités commerciales, il y aura une réaction de reprise des contaminations. On l’a déjà vu, là où les contaminations augmentent, cela s’explique par toutes ces modifications dans les comportements », prévient le Pr Senhadji dans une déclaration à TSA.
Le Pr Senhadji pointe l’indiscipline d’une bonne partie de la population algérienne, notamment les jeunes peu scrupuleux quant à respecter les mesures barrières.
« A un moment donné, on va être rattrapé par cette négligence, et vous allez voir dans quelques jours probablement qu’on sera obligés de resserrer un peu les vis par rapport au confinement lequel a donné des résultats », met en garde l’immunologue.
« A chaque fois qu’on a été sérieux et plus respectueux des règles d’hygiène, cela s’est traduit par des résultats positifs. A contrario, à chaque fois qu’on se relâche, on est hélas rattrapé par cette négligence », résume-t-il.
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« Tester le maximum de monde »
Évoquant les bilans des contaminations quotidiennes au Covid-19 en Algérie, le Pr Kamel Senhadji est catégorique sur le fait que les chiffres annoncés ne reflètent pas la réalité, à cause d’un dépistage insuffisant.
« Il faut tester le maximum de monde. C’est la seule façon d’avoir les chiffres réels », recommande le Pr Senhadji. Cependant, pour l’immunologue deux paramètres peuvent renseigner sur la réalité des chiffres liés au Covid-19 en Algérie.
« On a un paramètre sur lequel on peut tabler mais qui n’est peut-être pas fiable, que sont les hospitalisations en particulier dans la réanimation et les soins intensifs, et surtout les décès qu’on ne peut pas cacher. Même s’il y a une augmentation importante (des contaminations) elle n’est pas proportionnelle par rapport au nombre de morts et des patients admis en réanimation », observe le Pr Senhadji.
« Aujourd’hui, même si nous avons un nombre important de contaminations quotidiennes, on voit que la courbe des décès n’est pas amplifiée. On est toujours aux alentours d’une dizaine de morts par jour », soutient notre interlocuteur, avant de préciser : « Il faudra par la suite, avec le recul, faire la part des vrais décès Covid par rapport aux autres décès qui peuvent être imputés à d’autres pathologies respiratoires saisonnières comme la grippe ».
« La sévérité de l’infection est moins catastrophique »
Malgré la hausse des contaminations qui restent au-dessus de la barre des 300 cas, le Pr Senhadji reste optimiste. « Moi je suis optimiste, dans la mesure où on constate que la sévérité de cette infection est moins prégnante et moins catastrophique » qu’avant.
S’il admet que les gestes barrière ont pu aider à stabiliser la situation épidémique, le Pr Senhadji avance l’hypothèse selon laquelle « un changement dans le comportement du virus » a pu survenir de sorte qu’il (le virus) « s’adapte au corps humain sans le tuer ». Et c’est apparemment la raison d’être des virus.
« Les virus hautement pathogènes et qui sont tueurs ne peuvent pas survivre s’ils tuent leur cible, parce qu’ils ne peuvent pas prospérer », expose le Pr Senhadji. Selon lui, « les mutations par ces mêmes virus se font de façon à ce qu’il y ait une persistance dans leur survie, mais sans tuer la personne qu’ils infectent », ajoutant que cette mutation « va dans le bon sens et c’est cela qui va aider de développer nos défenses immunitaires ».
« On peut s’immuniser et on peut peut-être envisager qu’une bonne frange de la population se passe de la vaccination (contre la Covid-19) et ne vacciner que les personnes vulnérables : malades chroniques, personnes âgées, personnes avec immunodéficitaires, etc. », espère le Pr Senhadj.