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FLN : du nationalisme à l’opportunisme

FLN : du nationalisme à l’opportunisme

Le FLN, le parti majoritaire, le parti du président, est en crise. Changer de timonier à la veille d’élections sénatoriales, fussent-elles partielles, c’est au moins le signe que rien ne tourne rond au sein de la formation politique.

Le bon sens aurait dicté d’attendre que l’échéance passe pour pousser le secrétaire général vers la porte. Cela, si vraiment tel a été son sort. Car quatre jours après l’annonce de la « démission » de Djamel Ould Abbès pour « raisons de santé », mercredi 14 novembre, on ne sait toujours pas s’il est réellement parti.

C’est la cacophonie totale au sein du vieux parti et les rares langues qui se sont déliées n’ont fait qu’ajouter du flou au tableau. Le premier responsable du parti est mis en congé, à la porte ou au frigo, peu importe la formule, et presque personne ne souhaite en parler.

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Cadres du parti et simples militants sont dans l’expectative, attendant de comprendre ce qui s’est réellement passé et, surtout, quelle partie a décidé quoi. Les médias ont beau insister, les téléphones sonnent dans le vide. Motus et bouche cousue, jusqu’à ce que la disgrâce soit confirmée.

Même le premier concerné semble résigné, conscient que son avenir n’est tributaire ni de sa volonté ni de celle de la base. C’est ainsi que fonctionne le FLN depuis maintenant plus de deux décennies et Ould Abbès n’a pas de raisons de bousculer l’ordre établi. Il n’a pas de troupes, pas de fief ni ne défend une ligne politique ou idéologique.

Il a sa « fidélité au président de la République » pour tout programme, et pour toute légitimité aussi. Et quand l’oracle présidentiel parle, il n’y a rien d’autre à faire que s’exécuter et surtout se taire.

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Cette drôle de manière de faire de la politique n’est hélas pas le propre du FLN. De nombreuses autres formations politiques gravitant dans le giron du pouvoir se sont résignées au même mode de fonctionnement, laissant leur devenir se décider ailleurs qu’au niveau de leurs instances légales. Pour peu qu’elles portent le sceau du puissant du moment, toutes les décisions sont applaudies, quitte à provoquer un mouvement de « redressement » pour déloger ceux qui osent y résister.

Depuis Abdelhamid Mehri, les « idées » ont déserté le FLN, avec elles les fameux courants qui le traversaient depuis la guerre de Libération.

A sa création pour porter la révolution libératrice de 1954, le FLN a été voulu comme un front fédérateur de toutes les forces de la nation. Il sera vite rejoint pour la bonne cause par tous les partis du mouvement national, hormis le MTLD, devenu le MNA. A l’indépendance, le multipartisme ne sera pas rétabli et les différents courants continueront à cohabiter au sein du Front.

Dans les années 1960 et 1970, et même sous le président Chadli, le congrès du parti, unique à l’époque, était toujours un moment important de la vie politique nationale. L’occasion pour différents courants, conservateurs ou progressistes, de gauche ou libéraux, panarabistes ou modernistes, de se disputer les principaux postes, de s’exprimer, proposer et s’affronter. Même si les décisions lourdes étaient, comme aujourd’hui, prises ailleurs, elles l’étaient surtout en fonction des rapports de forces entre les factions du FLN et l’adoubement de celui-ci était indispensable pour les entériner et les acter.

L’Histoire retient comment, lorsque la haute hiérarchie militaire devait choisir un successeur au président Boumediène en 1979, la balance avait penché en faveur du colonel Chadli Bendjedid au détriment d’autres cadors du parti, dont l’actuel président, Abdelaziz Bouteflika, jugé trop libéral, et Mohamed Salah Yahiaoui, panarabiste et conservateur.

Les idées s’affronteront pour la dernière fois au FLN au début des années 1990. D’abord entre les conservateurs et les réformateurs, adeptes du chef du gouvernement Mouloud Hamrouche qui menait une politique d’ouverture. Ensuite entre les partisans de l’arrêt du processus électoral en 1991 et ceux qui y voyaient une violation de la volonté populaire, menés par un certain Abdelhamid Mehri, élu secrétaire général au lendemain des événements d’octobre 1988.

Après quelques années de résistance au nouveau pouvoir en place, et au lendemain de la participation du parti à une conférence de l’opposition à Rome, le vieux Mehri sera dégommé par un « coup d’Etat scientifique » et remplacé par Boualem Benhamouda en 1996.

Benhamouda sera le premier à assumer publiquement des « instructions venues d’en haut » et le FLN se transformera progressivement en caisse d’enregistrement, en coquille vide.

Les multiples tiraillements qui l’ont secoué plus d’une fois depuis, n’ont rien de soubresauts politiques. Comme Ould Abbès aujourd’hui, Ali Benflis n’avait ni fief ni troupes ni fondement idéologique lorsque, en 2003, il s’est ouvertement opposé au président Bouteflika.

Tout le monde sait aujourd’hui qu’il l’avait fait à la demande du chef d’état-major de l’armée et c’était une raison suffisante pour que les opportunistes du parti, de plus en plus nombreux, le suivent aveuglément. Successivement, Abdelaziz Belkhadem puis Amar Saâdani quitteront la direction du parti sur fond des mêmes conjectures d’accointances avec des parties que la nouvelle vague de « militants » croyait puissantes.

Même le socle idéologique fondateur du parti n’a pas toujours résisté aux « instructions venues d’en haut » : en 2010, ses députés n’ont pas levé le petit doigt pour contester le retrait d’une loi criminalisant le colonialisme, qui venait pourtant en réponse à une loi française glorifiant la présence coloniale en Algérie et ailleurs.

Au FLN, l’opportunisme a remplacé le nationalisme. Et même la politique. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir ces coteries incolores qui se bousculent aux premières loges à l’approche de chaque rendez-vous électoral. Non, la « fidélité au président de la République » ne peut être un programme, encore moins une idéologie.

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