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France-Algérie : la menace de Retailleau sur les visas Schengen est-elle réalisable ?

France-Algérie : la menace de Retailleau sur les visas Schengen est-elle réalisable ?

Par Leonid / Adobe Stock pour TSA
Un visa Schengen pour la France

Depuis le début de la crise diplomatique entre la France et l’Algérie, le ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau menace régulièrement d’user du levier des visas pour faire pression sur la partie algérienne.

« Nous devons examiner tous les moyens à notre disposition », a répété le ministre français, à plusieurs reprises. Parmi ces leviers, il réitère à chaque sortie médiatique la nécessité de supprimer l’accord franco-algérien de 1968 qui, selon lui, facilite l’installation des Algériens en France.

La France qui fait cavalier seul, « c’est du pur spectacle et de la démagogie »

Bruno Retailleau suggère également de baisser fortement le nombre de visas Schengen de courte durée accordés aux ressortissants algériens pour faire pression sur l’Algérie, notamment concernant la délivrance de laissez-passer consulaires.

Si sur le premier point, à savoir l’accord de 1968, le locataire de Beauvau est déjà désavoué par le gouvernement français, notamment par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. 

La réduction des visas ne semble également pas réalisable, sans un soutien européen. En effet, une « guerre des visas » unilatérale risque de ne pas atteindre tous les objectifs souhaités par Retailleau, à moins que l’Union européenne, dans son ensemble, ne limite l’octroi de visas Schengen aux Algériens.

C’est ce qu’a révélé un diplomate français de haut rang sous couvert d’anonymat, cité ce samedi 25 janvier, par le média d’information européen Euractiv. 

Pour ce responsable, qui a déjà travaillé sur la politique d’immigration, « tout se joue à Bruxelles », soulignant que la France qui fait cavalier seul à propos des visas « c’est du pur spectacle et de la démagogie ».

Autrement dit, le scénario d’une « guerre des visas » contre l’Algérie, tel envisagé par le ministre français de l’Intérieur, pourrait ne pas fonctionner du tout s’il est mis en œuvre de manière unilatérale à Paris, confirment d’autres observateurs, cités par le même média.

Le levier des visas est une menace vide de sens sans un soutien européen

« Si la France ferme le robinet (des visas de courte durée), les Algériens feront leur demande dans d’autres ambassades », indique Farida Souiah, professeur assistant en sciences politiques à l’Emlyon Business School (Lyon), et experte des relations franco-algériennes. Cela risque, selon elle, de créer une situation de « country shopping » que les visas Schengen sont censés éviter.

D’ailleurs, ce ne serait pas la première fois qu’une telle mesure échouerait. C’est ce qui s’est produit en 2021, lorsque les autorités françaises ont temporairement réduit de moitié les approbations de visas pour les demandeurs d’Algérie, du Maroc et de Tunisie.

Dans son rapport de 2024, la Cour des comptes française a constaté que cette mesure n’avait pas atteint les objectifs fixés. Elle a en effet « dégradé les relations avec ces trois pays sans qu’ils acceptent de réadmettre davantage leurs ressortissants ».

L’impact d’une telle mesure aurait été nettement plus important si l’Union européenne, dans son ensemble, avait été de la partie, comme elle l’a fait pour la Gambie en 2022, souligne encore Euractiv.

Par ailleurs, Bruno Retailleau, lui-même, avait déclaré en novembre dernier devant le Sénat français que les restrictions en matière de visas à l’échelle de l’Union européenne « n’ont pas été suffisamment utilisées ». 

Mais il est peu probable que des pays comme l’Italie et l’Allemagne, qui entretiennent de bonnes relations avec l’Algérie, suivent le ministre français dans son escalade avec Alger.

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