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France – Maroc : en route pour la réconciliation

Stéphane Séjourné, le nouveau ministre français des Affaires étrangères, vient de révéler qu’il a été « personnellement » chargé par le président Emmanuel Macron d’écrire « une nouvelle page » avec le Maroc.

Depuis 2014 et les poursuites engagées en France pour torture contre l’un des pontes sécuritaires du régime marocain, Abdellatif Hamouchi, actuel patron de la police et du renseignement intérieur, Paris et Rabat ne se sont rapprochés que pour mieux se fâcher.

Plusieurs faits sont venus ces dernières années compliquer la relation entre les deux pays, jusqu’à la rendre exécrable. Le plus marquant est sans doute l’espionnage du téléphone du président français par les services marocains via le logiciel israélien Pegasus.

Le scandale, révélé en juillet 2021, a mis très à mal la relation entre Emmanuel Macron et Mohamed VI. En mai dernier, l’écrivain marocain proche du palais royal, Tahar Ben Jelloun, a révélé qu’au cours d’une explication au téléphone, Macron « a manqué de respect au roi ».

En janvier et février 2023, le Parlement européen a pris deux résolutions défavorables au royaume, condamné pour le rôle de ses services et de sa diplomatie dans le scandale d’espionnage de députés européens, et pour ses atteintes à la liberté de la presse en interne.

Le Palais royal et ses relais ont accusé Emmanuel Macron d’avoir actionné Stéphane Séjourné, alors président du groupe Renew au Parlement européen. C’est pour cela que la nomination de Séjourné au Quai d’Orsay le 11 janvier dernier a été très mal accueillie par les médias marocains.

Tous ces tiraillements entre la France et le Maroc ont eu lieu sur fond de deux développements majeurs sur la scène régionale : la politique de rapprochement avec l’Algérie engagée par Emmanuel Macron et l’alignement de l’Espagne sur les thèses marocaines dans le dossier du Sahara occidental.

Macron souhaite un rapprochement avec le Maroc

L’entente Paris-Alger est naturellement mal vue à Rabat dans un contexte de rupture des relations entre les deux voisins maghrébins.

Quant à la nouvelle attitude de l’Espagne, elle a enhardi le Maroc pour exiger plus de la France, pourtant son principal soutien dans le dossier pendant plusieurs décennies et l’un des premiers États à appuyer le plan d’autonomie marocain dès sa proposition en 2007.

Aujourd’hui, Rabat veut plus de Paris, précisément de s’aligner sur les États-Unis et Israël qui ont reconnu la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental occupé.

On ne sait pas lequel de tous ces éléments a le plus pesé dans la dégradation de la relation franco-marocaine, mais il est certain qu’ils ont tous contribué à la rendre complexe.

Emmanuel Macron a toutefois son plan pour réécrire un « nouveau chapitre » avec le royaume maghrébin et « regagner » sa « confiance » et c’est son nouveau chef de la diplomatie qui le dit.

Dans un entretien à Ouest-France publié samedi 10 février, Stéphane Séjourné a assuré qu’il s’emploiera à améliorer la relation franco-marocaine, révélant que c’est le président Macron qui l’en a chargé « personnellement ».

Séjourné est même passé à l’action. Un mois seulement après sa nomination, il y a eu déjà « plusieurs contacts » avec la partie marocaine, a-t-il encore fait savoir, sans préciser à quel niveau.

Il n’a pas non plus dit par quel bout il compte commencer le règlement de la crise complexe. Stéphane Séjourné a rappelé que son pays a toujours « été au rendez-vous, même sur les dossiers les plus sensibles comme le Sahara occidental », citant que « le soutien clair et constant de la France au plan d’autonomie marocain est une réalité depuis 2007 ».

Contenter Rabat sur ce dossier, c’est faire plus que l’appui au plan d’autonomie, un pas que la France ne risque pas de franchir sous la présidence Macron.

À maintes reprises, le Quai d’Orsay a réitéré que la position de la France concernant le Sahara occidental est « constante, en faveur d’une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ».

Une telle démarche risque d’annihiler les efforts de l’ONU pour trouver une solution à ce conflit qui menace toute la région du Maghreb et du Sahel.

Enfin, une reconnaissance par la France de la « marocanité » du Sahara occidental comme le réclame Rabat porterait un coup dur aux relations avec l’Algérie, comme l’a constaté le gouvernement espagnol lors de son revirement de mars 2022.

Emmanuel Macron n’est sans doute pas prêt, pour régler la crise avec le Maroc, à en ouvrir une autre avec l’Algérie comme l’ont fait les Espagnols.

Si la France est déterminée à rétablir ses liens avec le Maroc, elle ne serait pas prête, du moins pour le moment, à sacrifier sa relation avec l’Algérie pour des raisons stratégiques.

La réconciliation avec le Maroc « ne signifie pas l’abandon » de la relation avec l’Algérie, selon une source proche du dossier. Cette « lecture binaire » des rapports de la France avec les deux grands pays du Maghreb est fausse, ajoute notre source.

Mais tout peut arriver dans un contexte international chamboulé par la crise ukrainienne et la guerre à Gaza, d’autant que le chef de la diplomatie française a parlé de l’écriture d’une « nouvelle page » avec le Maroc, sans donner de détails.

En France, le Maroc peut compter sur la droite et le lobby israélien qui a montré l’étendue de sa puissance et de son influence depuis le début de la guerre à Gaza le 17 octobre dernier.

Le « rééquilibrage » de la politique maghrébine de la France en faveur de meilleures relations avec le « vieil allié » marocain, est en effet une revendication de la droite et de l’extrême droite.

Elle a été exprimée dans des termes très clairs en mai dernier à Rabat par le président des Républicains Eric Ciotti et la Franco-Marocaine Rachida Dati, aujourd’hui ministre de la Culture d’Emmanuel Macron, puis en décembre par l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy lors d’un séjour au Maroc.

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